>> "Boeing est responsable", assènent au tribunal des proches de victimes
Des familles de victimes de deux crashs de Boeing 737 MAX à Washington, le 24 avril 2024. |
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"Nous avons des Français, des Canadiens, des Américains, des Irlandais, des Britanniques,... nous sommes tous là et nous nous battons ensemble", explique Naoise Ryan.
Cette Irlandaise a perdu son mari Mick quand le Boeing d'Ethiopian Airlines s'est écrasé le 10 mars 2019, faisant 157 morts et autant de familles endeuillées.
Une dizaine d'entre elles se sont donné rendez-vous mercredi devant le ministère américain de la Justice à Washington, pour une énième procédure visant à relancer des poursuites pénales aux États-Unis, suspendues par un accord conclu par Boeing.
Avec également des centaines de proches des victimes en ligne, selon Catherine Berthet, une Française de 56 ans qui a fait le voyage depuis Paris, alors même que prendre l'avion est devenu pour elle "un cauchemar".
"Venir ici à chaque fois est traumatisant", confie Naoise Ryan. Mais c'est particulièrement "important" au moment où Boeing est dans la tourmente en raison d'une série de défaillances, notamment la récente chute en plein air d'une porte d'un appareil d'Alaska Airlines.
Cet incident a "été horrible pour nous, cela a réactivé beaucoup de choses", abonde Mme Berthet.
Elle a apporté avec elle des photos de sa fille Camille, posant tout sourire aux côtés de son petit frère. Des clichés retrouvés miraculeusement intacts parmi les débris de l'avion, aux côtés d'une robe noire qu'elle lui avait offerte pour ses 28 ans, peu avant le drame.
"Bénédiction"
Catherine Berthet (droite), portant une photographie de sa fille Camille, à Washington, le 24 avril. |
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Cette journée, Catherine ne l'évoque guère avec ses compagnons de peine. "On est très proches mais on ne parle jamais de ce qui s'est passé", confie-t-elle les mains tremblantes.
Ses souvenirs à elle sont rares : la mention "aucun survivant" sur un article de presse, et le SMS du compagnon de sa fille lui apprenant involontairement la nouvelle: "Catherine, je sais que ce doit être le pire jour de ta vie, mais j'ai besoin que tu m'appelles".
Puis, le vide : "J'ai un trou total les premiers mois après le crash".
C'est à la radio que Nadia Milleron, une agricultrice du Massachusetts, a appris qu'un avion s'était écrasé juste après son décollage. Elle pense tout de suite à sa fille Samya Rose âgée de 24 ans, file à l'aéroport et s'envole pour l'Éthiopie.
"On était la première famille étrangère sur place", se souvient-elle, les yeux embués de larmes.
Les mois qui suivent, elle a un accident de voiture et laisse brûler la nourriture à chaque fois qu'elle cuisine.
"Ce que je peux vous dire, c'est que c'était l'enfer", résume sobrement Naoise Ryan, dont les enfants avaient trois ans et demi et six mois au moment du décès brutal de leur père.
Un an après la tragédie, des familles se retrouvent sur les lieux en Éthiopie. Certaines ont déjà pris contact, d'autres les rejoindront au fil des mois et des années.
Des liens d'amitié se nouent, un groupe naît. "C'est une bénédiction de les avoir", dit Catherine Berthet.
Mémoire
Naoise Ryan (droite), dont le mari a été tué dans le crash du Boeing 737 MAX d'Ethiopian Airlines, s'exprime aux côtés d'autres proches de victimes, dont Ike Riffel (centre) et Catherine Berthet (gauche), à Washington, le 24 avril. |
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"Ces gens-là sont sérieux, ils veulent aller au fond des choses", sourit timidement Ike Riffel, qui a perdu ses deux enfants âgés de 26 et 29 ans dans l'accident.
"Cela ne nous ramènera jamais nos fils. Mais notre combat c'est d'obtenir justice pour eux et pour les 346 personnes qui se trouvaient dans ces avions", poursuit ce retraité américain, en comptant également les morts d'un autre Boeing 737 MAX, cinq mois auparavant en Indonésie.
"Je ne m'en prends pas à Boeing, je pense que c'est une super entreprise, mais j'en veux aux responsables car il y a eu ces morts et qu'ils sont toujours là", poursuit-il. "Tant qu'ils seront en poste, je ne vois pas les choses changer".
Il espère trouver dans un éventuel futur procès une forme d'apaisement et une façon d'honorer la mémoire des disparus.
"Si cela peut permettre de prévenir d'autres morts, ma fille ne sera pas morte pour rien", espère Nadia Milleron, qui brigue un siège au Congrès américain.
"Il n'y a pas un jour où je ne pense pas à elle, à son enthousiasme, à sa joie", confie la mère, qui a planté il y a cinq ans un cerisier là où sa fille aimait jouer quand elle était petite.
"Aujourd'hui, il est en fleurs", souffle-t-elle, la voix cassée par l'émotion.
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