Mông Bich : "Peindre, c’est aussi un moyen de me reposer"

Âgée de près de 90 ans, la peintre Mông Bich garde intacte sa passion pour la peinture sur soie. Bien que peu connue des médias et du grand public, elle est une véritable icône dans le milieu des initiés.

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La peintre Mông Bich, une grande figure de la peinture sur soie.

Considérée comme l’un des grands noms dans le milieu de la peinture sur soie, Mông Bich, née en 1933, mène pourtant une vie recluse depuis plusieurs décennies dans un petit village de la province de Bac Ninh (Nord). Elle suit donc des thèmes simples de la vie rurale ordinaire, se passionnant notamment pour les portraits de personnes qu’elle croise au hasard : enfants, personnes d’ethnies minoritaires, mendiantes…

Après une soixantaine d’années dans le métier, elle a pu enfin organiser en 2020 sa première exposition personnelle - "Entre deux siècles" - tenue du 22 octobre au 22 novembre à Hanoï. Les 30 œuvres présentées - peintures sur soie, aquarelles et croquis - ont permis au public de dévoiler les étapes principales de son itinéraire artistique pendant plus de six décennies. Chacune recelait une histoire cachée, révélée par la voix enregistrée de l’artiste, qui a levé un peu le voile sur sa vision du monde et son processus créatif.

Une artiste libre

Diplômée de l’École des beaux-arts du Vietnam, Mông Bich a eu de nombreuses œuvres ayant remporté des récompenses prestigieuses. Malgré son âge avancé, elle prend toujours son pinceau car pour elle, "peindre, c’est aussi un moyen de me reposer". "Les peintures, qu’elles soient belles ou non, une fois terminées, sont considérées comme les enfants de l’artiste. Je suis un peu trop avide de travailler, peut-être. J’ai peur en effet que le temps passe trop vite et que je ne puisse plus peindre. Je continuerai quoiqu’il arrive jusqu’à ce que mes mains ne peuvent plus tenir de pinceaux".

La peinture "Bà già" (Femme âgée) de Mông Bich.

Tout au long de sa carrière, Mông Bich est restée fidèle à son style initial et ses thèmes préférés sans courir après la tendance ou penser à la satisfaction du public. "J’ai hérité de mes professeurs Trân Van Cân, Nguyên Đô Cung, Hoàng Lâp Ngôn, Luong Xuân Nhi, Nguyên Phan Chánh, Nguyên Đuc Nùng un pur amour pour la peinture sur soie qui me convient parfaitement. Mes œuvres ne sont pas dessinées pour satisfaire les goûts contemporains. Je ne recours pas au commerce. Ce n’est donc pas facile pour moi de vivre de ce métier mais je ne veux pas laisser cela affecter ma passion pour cet art".

Une peintre d’instinct

Vivant entre deux siècles et témoin de l’évolution de l’histoire du pays ainsi que des hauts et bas de la vie, Mông Bich a toujours gardé une vision toute simple mais pleine d’optimisme dans ses œuvres. Me và con (Mère et son enfant) lui est un souvenir inoubliable. "Quand je l’ai présentée à une exposition en 1961, elle été sous-estimée et éliminée. Cependant, lorsque le peintre Trân Van Cân et plusieurs membres du jury, dont un artiste de l’Académie polonaise des beaux-arts, l’ont vue, ils l’ont appréciée et lui ont attribué le premier prix".

En 1993, Mông Bich a aussi gagné le premier prix lors d’une exposition de l’Association des beaux-arts du Vietnam avec la peinture sur soie Bà già (Femme âgée). Une pauvre vieille femme, assise par terre, les mains sur les genoux. Son air morose, ses yeux tristes, sa silhouette austère, le tout véhicule le message d’un destin solitaire et tragique. Elle est mendiante.

La peinture "Em bé Hàn Quôc" (Fillette sud-coréenne) de Mông Bich.

De son vivant, le peintre Trân Van Cân (1910-1994) a dit de Mông Bich qu’"elle peint avec son instinct et ses émotions". Pour elle, chaque image est associée à des souvenirs personnels.

"Une fois, lors d’un voyage dans la province de Hai Duong (Nord), j’ai rendu visite à une famille ayant un fils soldat mort pour la Patrie. Ce garçon de 16 ans avait caché des pierres dans ses vêtements pour augmenter son poids afin de pouvoir être incorporé dans l’armée. Sans photo de lui, j’ai réalisé son portrait sur la base des traits de son petit frère et de son père", raconte-t-elle.

Le peintre Đô Đuc lui a réservé un grand respect et voué un culte inconditionnel. Il a même écrit un article intitulé La peintre Mông Bich, l’arbre séculaire du village des peintures sur soie, publié en août 2019 dans la Revue des beaux-arts. "Elle ne peint pas beaucoup, mais le peu qu’elle nous laisse montre qu’elle est l’une des rares derniers artistes à connaître profondément la soie et à savoir dialoguer correctement avec cette matière", estime-t-il.

"Mông Bich a non seulement vécu plus longtemps que la plupart des confrères de sa génération, mais elle représente aussi les changements vécus par les beaux-arts dans le monde et au Vietnam au cours du dernier siècle", fait remarquer le Professeur Nora A. Taylor, de l’Académie des beaux-arts de Chicago, après avoir vu ses peintures exposées à Hanoï.

Linh Thao/CVN

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