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Vu Thùy Huong en train d’esquisser une œuvre. |
Photo : VTH/CVN |
Vu Thùy Huong est née en 1975 à Hanoï. Son handicap viendrait indirectement de l’agent orange/dioxine auquel son père a été exposé durant ses années dans l’armée pendant la guerre contre les Américains.
La conversation avec Huong se fait par l’intermédiaire d’un interprète en langue des signes, son mari, le peintre Ly Anh Vu. Avant de traduire pour sa femme les questions et réponses de l’entretien, le peintre a évoqué sa décision, qui aurait pu paraître difficile pour de nombreuses personnes, d’épouser Huong : "J’ai deux amis, tous également sourds-muets à la naissance. Je les ai vus surmonter toutes les barrières avec détermination pour vivre et se marier, et j’ai pu voir qu’ils vivaient des mariages heureux. Grâce à l’admiration que j’aie pour eux et à ma confiance en la puissance de l’amour, j’ai décidé d’attacher ma vie à celle de Huong".
Une élève pas comme les autres
Thùy Huong raconte qu’après avoir terminé ses études secondaires, ses parents l’ont envoyée dans l’atelier du peintre Bùi Tuân Thanh, spécialisé dans les œuvres en laque poncée traditionnelle. Ils souhaitaient que leur fille puisse apprendre quelque chose, faire un petit métier assez confortable et profiter de la vie lors de ses temps libres.
Découvrant que Thùy Huong avait un sens esthétique et artistique tout à fait particulier, l’artiste Bùi Tuân Thanh et sa femme, une peintre aussi, ont décidé de la soutenir financièrement et moralement dans l’apprentissage de la peinture pendant six années consécutives.
Thùy Huong prend soin de chaque détail dans ses œuvres. |
Très concentrée dans son travail, Thùy Huong a pu réaliser des progrès vertigineux. Au fil du temps, ses œuvres, neutres en émotion et en thématique ainsi qu’encore trop immatures techniquement, sont devenues de véritables œuvres d’art qui, selon son maître, "ont atteint le niveau des peintres professionnels". À l’âge de 18 ans, elle était déjà reconnue comme une vraie peintre et peu de temps plus tard, en 2003, elle organisait même sa première exposition privée à Hanoï.
En septembre 2005, avec deux autres artistes, Lý Trân Quynh Giang et Luu Thi Hiên, Thùy Huong a été invitée à participer à l’exposition "The Vietnamese Spirit" à Hong Kong (Chine). Un an plus tard, ses œuvres étaient aussi présentées à côté de celles d’autres artistes handicapés sud-coréens, lors d’une exposition de deux semaines à Séoul. En mars dernier, Thùy Huong a participé au Mois des œuvres en laque poncée du Vietnam à Hanoï qui a réuni plus de 100 artistes.
Techniques sophistiquées et style unique
La petite maison de Thùy Huong, à Hanoï, est remplie de ses œuvres qu’elle expose depuis le salon jusqu’à la chambre à coucher. Elle y garde en effet beaucoup de ses créations préférées que bon nombre de clients viennent parfois acheter à une somme élevée, par exemple sa peinture Sen tàn (Le lotus qui se fane), très recherchée après avoir été exposée à Hong Kong (Chine) en 2005.
Une oeuvre de Vu Thuy Huong. |
Les femmes et les fleurs sont ses deux thèmes préférés. "Ce sont des symboles de la beauté, une beauté pure et innocente, mais extrêmement fragile, qui a besoin de protection. Parmi toutes les fleurs, je préfère celle du lotus, je ne peux pas compter le nombre d’œuvres que j’ai faites sur elle. J’ai aussi peint sur la fleur de l’épicactus. À mes yeux, ces deux types de fleurs sont parmi les plus belles et les plus nobles de toutes". En outre, les beaux paysages et la Belle Kiêu, protagoniste principal de l’œuvre Truyên Kiêu (Kim Vân Kiêu) du poète Nguyên Du, l’inspirent énormément.
Maîtrisant parfaitement les techniques de la laque poncée, Thùy Huong peut n’avoir besoin que d’un mois pour achever une œuvre tandis qu’il en faut généralement plusieurs pour les autres artistes du genre. Ses œuvres se distinguent par la finesse et le miroitement des surfaces, ce que seuls des artistes très chevronnés parviennent à faire. "Ses peintures traduisent un style unique et ne peuvent pas être copiées car elles sont réalisées avec une technique spéciale et sophistiquée", affirme le peintre Luong Xuân Ðoàn.
Pour elle, chaque fois qu’elle peint, elle oublie tout ce qui l’entoure. Peindre, c’est également le seul moyen pour elle d’exprimer ses points de vue et ses sentiments sur l’humain et la vie.
Linh Thao/CVN