Face à cette situation, comment estimez-vous "l'état de santé" du marché domestique ?
La Banque d'État du Vietnam (BEV) suit de près le marché des devises étrangères à l'intérieur du pays et à l'étranger. Au cours de ces 3 dernières semaines, ce marché a eu tendance à se réchauffer à cause de la demande en devises étrangères (notamment dollar et euro), qui a dépassé l'offre des banques commerciales. De plus, la BEV applique, depuis plus d'un mois, une politique de majoration du taux de change de 5% du billet vert (contre 3% auparavant). Ce qui impose aux banques commerciales d'afficher ouvertement le taux de change plafond (prix d'achat et de vente) autorisé par la BEV. C'est la raison pour laquelle il est difficile pour les entreprises d'acheter ces monnaies aux banques commerciales et qu'elles doivent recourir au marché parallèle avec un taux de change plus élevé.
D'après vous, quelles sont les causes de la tension du marché ?
À mon avis, cela est dû notamment aux facteurs subjectif, objectif et psychologique, y compris la tendance à la spéculation d'une part de la population. Cette année, l'économie nationale se heurte à maints difficultés et défis lancés par la récession économique et la crise financière globales. Ainsi, certaines sources d'obtention et de mobilisation des devises étrangères pour l'économie nationale, comme exportation, investissement direct étranger, transfert des Viêt kiêu, tourisme, sont en difficultés, voire en réduction rapide et forte. C'est pourquoi, les entreprises et la population s'inquiètent de la dévaluation du dông vietnamien et ont tendance à garder leurs billets verts. Idem pour les entreprises exportatrices. Certaines autres, si nécessaire, doivent vendre au compte-gouttes. D'autres encore se ruent vers l'achat de devises pour payer leurs contrats d'importation de matières premières. C'est aussi le cas pour certains habitants concernant leurs épargnes. Selon les données fournies par la BEV, le solde excédentaire des dépôts en devises étrangères des organisations financières et particuliers a connu une croissance de 3,35% au cours des 4 premiers mois de l'année. Il s'agit d'un phénomène anormal. Car généralement, ce solde des organisations économiques et financières connaît une forte fluctuation en fonction des cycles d'exportations créant ainsi une rotation nécessaire prenant part à la régulation de l'offre et de la demande du marché des devises étrangères. Ce marché était presque stagnant depuis le début de l'année.
De l'autre côté, comprenant l'habitude et la psychologie des habitants, les spéculateurs cherchent à intensifier leurs activités en troublant ce marché et créent de "fausses fièvres" afin d'en retirer du profit.
Par ailleurs, l'application de la politique sur l'octroi de la bonification de 4% du taux d'intérêt des prêts pour les entreprises du gouvernement visant à minimiser les impacts néfastes exercés par la récession économique mondiale sur l'économie nationale et à garantir le bien-être social, a abaissé le taux d'intérêt des prêts en dôngs à 5-6%, voire encore plus bas contre plus de 10% auparavant. Ce qui incite les entreprises à emprunter les crédits en dôngs. Tandis que les dépôts en devises dans les banques s'accroissent, les crédits en billet vert se réduisent, entraînant ainsi le déséquilibre entre les devises à prêter et celles réservées aux entreprises. À présent, les entreprises et une partie de la population qui touchent leurs revenus en devises étrangères préfèrent garder cette monnaie pour l'épargne. En somme, personnellement, je pense que ces causes objectives et subjectives précitées rendent ce marché plus "chaud" et amoindrissent les transactions de devises étrangères des banques commerciales.
Face à cette situation inquiétante, à votre avis, quelles sont les mesures drastiques pour stabiliser ce marché ?
Afin de stabiliser le marché domestique des devises étrangères, je pense qu'il est nécessaire d'avoir une coopération étroite et un consensus entre les entreprises et chacun des citoyens. Il y a 3 vagues de mesures draconiennes à prendre de manière synchronique, à savoir, valoriser le rôle des médias, utiliser les outils économiques et remettre en ordre ce marché en accélérant la lutte contre la spéculation.
Pour la première série de mesures, la BEV donnera toutes les informations nécessaires, transparentes et claires pour que les entreprises et la population comprennent la nature et les fluctuations de l'économie nationale en général et du marché des devises étrangères en particulier. À mon avis, 2009 constitue une année difficile pour notre économie. Pourtant, de bons signes sont enregistrés au cours des 4 premiers mois de l'année. Au dire d'experts, plusieurs scénarii sont avancés pour l'économie nationale. Dans le cas où la balance déficitaire oscillerait entre moins d'un milliard de dollars et 2,5 milliards de dollars (plus mauvaises pour les exportations), les réserves nationales en devises étrangères sont maintenues au cap de 20 milliards de dollars. Ce qui suffit à pallier au déficit de la balance des paiements, comme l'a prévu le Fonds monétaire international (FMI), pour l'économie vietnamienne cette année.
Généralement, la dévaluation du dông est inférieure au taux d'inflation. Ces indicateurs étaient respectivement de 23% et 9% en 2008. Grâce à quoi, le marché des devises étrangères a repris sa stabilité. Le FMI l'a hautement apprécié, ainsi que les efforts du Vietnam. Il prévoit également un taux d'inflation de 5-6% cette année. À présent, le taux d'épargnes en dollar et en dông appliqué dans la quasi totalité des banques représente respectivement 2% et 8% par an. Ainsi, le taux de dévaluation du dông varierait aussi entre 5% et 6%. En un mot, l'État est en mesure d'équilibrer les devises étrangères au service du développement socio-économique national. Aucune inquiétude sur la forte dévaluation du dông ne sera signalée, à mon avis.
Pour la seconde batterie de mesures, avec le taux d'épargnes en dollar de 2-3% par an, toutes les banques, surtout celles commerciales, n'arrivent pas à prêter. Elles ne peuvent avoir de profits. C'est pourquoi, je pense que les banques doivent diminuer ce taux (à 2% au maximum) et que le taux d'intérêt des prêts en dollar devrait osciller entre 1,5% et 3,5% par an en fonction de différents délais. Dans ce cas-là, la différence des taux d'intérêt des emprunts en dollar et en dông serait de l'ordre de 2-3%. Ce qui encouragerait les entreprises à emprunter des capitaux en dollar aux banques au lieu d'en acheter. La BEV a demandé aux banques d'agir dans ce sens afin de parvenir à un consensus et une coordination d'actions entre elles. Nous avons appliqué la bonification des taux d'intérêt des prêts en dông en faveur des entreprises, il est nécessaire de mettre en application une politique similaire pour les prêts en dollar. Ce qui serait adapté à la réalité.
Pour le 3e train de mesures, le gouvernement demande aux ministères de la Police, de l'Industrie et du Commerce, de l'Information et de la Communication ainsi qu'aux président des Comités populaires de Hanoi et de Hô Chi Minh-Ville de coordonner étroitement leurs actions dans l'accélération de la lutte contre la spéculation en la matière et le trafic illicite de billets. L'important est de bien gérer les devises étrangères et de remettre en ordre les transactions en la matière ainsi que l'affichage des taux de change. La BEV, pour sa part, a appliqué des mesures professionnelles pour intensifier le contrôle régulier des activités des banques commerciales. Toutes les infractions commises intentionnellement dans les transactions de devises étrangères en dépassant le taux de change autorisé seront sanctionnées de manière vigoureuse. Ce qui permettra de redonner confiance aux entreprises et à la population en la stabilité du marché des devises étrangères avec le recours du contrôle et des interventions opportunes de l'État. La solvabilité s'améliorera et le marché des devises étrangères fonctionnera normalement.
Lê Hà/CVN