Le Vietnam est devenu membre de l'OMC il y a peu : 2 ans, un laps de temps bien court. Par ailleurs, l'entrée du pays au sein de cette institution économique mondiale est intervenue à un moment de fluctuations importantes de l'économie mondiale, dont la plus grave crise depuis la Seconde Guerre mondiale. Encore d'autres facteurs ont une incidence sur l'économie nationale, à commencer par les faiblesses existantes de cette dernière et les engagements du pays. Aussi est-il difficile de faire une estimation exacte et complète des conséquences de l'entrée à l'OMC pour le Vietnam. En outre, toutes les estimations sont relatives, sinon partiellement subjectives. D'après moi, faire une appréciation concrète nécessite de se fonder sur 4 critères : les opportunités et défis prévus, les politiques adoptées, les engagements conclus et les grandes directives fixées par le Parti et le gouvernement. Ici, j'évoque les effets de l'adhésion à l'OMC suivant ce dernier critère.
Après l'adhésion, le 4e plénum du Comité central du PC vietnamien (10e Congrès), tenu en janvier 2007, a adopté une résolution sur les directives pour une croissance rapide et durable de l'économie vietnamienne. Ensuite, le gouvernement a approuvé un plan d'action pour concrétiser cette résolution. Deux ans plus tard, on peut faire un premier bilan des succès et faiblesses de notre participation à la plus grande organisation commerciale du monde.
En premier lieu, après la directive sur le renforcement de la conscience de la population au regard de l'OMC, nous avons fait d'importants progrès. Le pays est parvenu à un consensus global sur l'intégration à l'économie mondiale. Les entreprises et la population ont une connaissance suffisante des pratiques internationales et s'y habituent graduellement. Il n'en demeure pas moins que beaucoup, qui se sont attendus à une prospérité immédiate dès l'entrée à l'OMC, pensent désormais, devant les difficultés économiques dues en réalité à la crise mondiale, que c'est l'entrée à l'OMC qui en est responsable. Il faut rappeler que l'OMC n'est au fond qu'un moyen, ce sont les forces internes qui ont le rôle décisif dans l'essor économique national.
Par ailleurs, plusieurs personnes, même celles qui sont en relation directe avec l'intégration mondiale du pays, manquent de connaissances suffisamment profondes sur les engagements du pays envers ses partenaires étrangers. Elles manquent en conséquence de créativité pour saisir les opportunités et ne savent toujours pas profiter d'outils de protection qu'offre l'OMC, tels que barrières techniques, procès anti-dumping...
Concernant le perfectionnement du système juridique et des institutions, jamais les réformes législatives n'ont été menées si bon train que lors de ces derniers temps. Les lois amendées respectent bien entendu les engagements pris envers l'OMC et aucun partenaire étranger ne déplore à ce jour quoi que ce soit. Cependant ce travail normatif n'est pas achevé, nombre de dispositions de textes différents se chevauchant toujours, sans compter le retard dans la promulgation des textes.
Dans le cadre de la création d'une économie de marché, le pays est parvenu à instituer un jeu de l'offre et de la demande, un marché monétaire et financier, un marché des services, celui de l'immobilier, de l'emploi, des produits scientifiques et techniques... Si le pays a ouvert son économie conformément au calendrier de ses engagements, le marché des services demeure modeste et celui de la bourse a fortement chuté. Le marché monétaire et financier connaît des difficultés. Quant à l'immobilier, il est gelé depuis longtemps. Enfin, le marché de l'emploi subit des problèmes dus à la baisse conjoncturelle de la production.
Par ailleurs, le mécanisme de marché s'est traduit par l'application d'un prix de marché pour l'électricité et le pétrole. Nombre de subventions publiques ont été supprimées, l'outil fiscal est de plus en plus perfectionné même si les formalités demeurent complexes avec d'importantes pertes de recettes budgétaires qu'elles entraînent. De grands progrès sont observés dans la réforme administrative, notamment dans la réorganisation des organes exécutifs et dans la simplification des formalités.
Encore une faiblesse cependant, la compétence des cadres, surtout au niveau local. Une mission importante, c'est le renforcement de la compétitivité nationale des entreprises et des produits. Pour cette dernière, les résultats sont très modestes en 2 ans d'OMC.
Grâce à notre qualité de membre, nous avons l'occasion de découvrir précisément nos faiblesses pour y trouver des solutions. D'un point de vue macroéconomique, les efforts seront à concentrer dans les infrastructures, la qualité des ressources humaines et l'arsenal juridique. Le Parti et le gouvernement accordent une large attention au développement du secteur rural. Les exportations de produits agricoles ont augmenté, mais il s'agit toujours majoritairement de bruts. L'investissement direct étranger dans l'agriculture reste encore modeste.
Les effets de l'OMC sur le plan social sont moins nets. La croissance des exportations et l'afflux d'investisseurs étrangers dans le pays ont contribué à créer de nouveaux emplois et à augmenter les revenus de la population. Mais ces succès sont toutefois tempérés par le ralentissement économique, l'inflation élevée, le chômage et l'écart entre riches et pauvres...
Ces derniers temps, la mondialisation a permis au pays de recevoir des élites culturelles du monde entier. Mais cette médaille a son revers : les produits culturels étrangers sont omniprésents désormais, et la culture traditionnelle fait face à une invasion bigarrée et exotique. Autre problème important, la protection de l'environnement.
Globalement, l'intégration du Vietnam à l'économie mondiale se fera en 3 phases. Dans le court terme, elle consistera à prendre des mesures pour faire face aux conséquences de la crise mondiale. Dans le moyen terme, à établir des politiques d'après-crise. Enfin, dans le long terme, à élaborer notre stratégie de développement socioéconomique pour les 10 ans à venir afin que le Vietnam accède au statut de pays industrialisé.
Ngân Huong/CVN