Nombre d'investisseurs étrangers ont mobilisé l'épargne de la population vietnamienne afin de pouvoir injecter suffisamment de capitaux dans le marché immobilier. Qu'en pensez-vous ?
Dans le passé, plusieurs entrepreneurs ont placé des capitaux dans plusieurs projets immobiliers vietnamiens. Ces projets sont à l'origine des débats actuels sur le droit d'utilisation du foncier. Selon moi, le Vietnam lance un appel aux investisseurs étrangers dans ce secteur parce qu'il souhaite que ceux-ci l'aident dans le règlement de plusieurs difficultés, à commencer par les capitaux. Quant au secteur immobilier lui-même, le Vietnam dispose toujours de nombreux potentiels tels que foncier, main-d'œuvre et marché de consommation. Le pays doit profiter de ces points forts de pair avec les ressources en capitaux des investisseurs étrangers. La réalité, c'est que ces derniers ont mobilisé l'épargne de la population vietnamienne, le Vietnam n'a toujours pas bénéficié directement de leurs capitaux.
Cela signifie que le Vietnam n'a pas su profiter d'importants potentiels en capitaux de ces entrepreneurs ?
Avec la politique de vente de logements avant réalisation du projet, les constructeurs domestiques mobilisent des fonds de leurs clients. Si cette politique est ouverte aux investisseurs étrangers, le pays ne peut profiter de leurs capitaux directs... À l'heure actuelle, il y a plusieurs projets immobiliers dont les maîtres d'ouvrage sont étrangers et qui démarchent la clientèle pour de telles ventes immobilières. Cette méthode de mobilisation de capitaux est très similaire à celle utilisée par les maîtres d'œuvre vietnamiens. C'est donc bien dire que le Vietnam n'a pas su mobiliser les ressources en capitaux étrangers.
Alors quelles mesures sont-elles nécessaires, selon vous, pour renverser cette tendance tout en conservant l'attrait du marché immobilier national pour les investisseurs étrangers ?
Il faut que le Vietnam étudie de nouvelles modalités de commerce dans l'immobilier, notamment en s'inspirant de ce qui se fait en la matière dans d'autres pays du monde. Aujourd'hui, très peu de pays permettent à des investisseurs étrangers de se lancer directement dans leur secteur immobilier. Ils imposent fréquemment la participation d'une banque nationale. Pourquoi ? Parce que celles-ci sont en mesure de contrôler les investissements de même que l'ensemble du processus des transactions immobilières. De fait, plusieurs nations recourent maintenant à un schéma de "coopération dans le logement", un système que le Vietnam vient de mettre en oeuvre. Celui-ci permet au pays de connaître la destination de l'acquisition du bien, personnelle ou commerciale. Une autre réalité au Vietnam qui est alors constatable, c'est que l'offre et la demande sur le marché immobilier sont encore loin de se correspondre.
Edward Minh Chi, président du conseil d'administration de la Compagnie d'investissement Minh Viêt
Je pense que le marché immobilier du Vietnam devrait reprendre vers la fin de cette année. De toute façon, la situation resterait difficile au 2e comme au 3e trimestre. Maintenant, c'est le bon moment pour investir dans des projets immobiliers car le marché est relativement stable. Plusieurs personnes estiment qu'il ne faut pas investir dans des projets haut de gamme car le marché national en comprend déjà trop. Mais je ne le crois pas. Ceci dit, en dehors de cette catégorie, il faut que les entrepreneurs s'intéressent plus particulièrement au logement pour les personnes de faibles revenus. J'ai participé à la direction de plusieurs projets immobiliers et je trouve que trop d'investisseurs se consacrent à des appartements de style "penthouse" plutôt que de villas. Selon les estimations, dans 2 ans, ces investisseurs livreraient ces maisons "penthouse" qui ne peuvent intéresser que des Vietnamiens à hauts revenus, des Vietnamiens d'outre-mer ou des étrangers.
Kim Winn, directrice générale du groupe américain immobilier Coldwell Banker Vietnam.
D'après moi, le marché immobilier est idéal pour les investisseurs étrangers car il recèle plusieurs atouts dont d'autres pays d'Asie du Sud-Est ne disposent pas. Le Vietnam a une stabilité politique qui permet aux investisseurs de placer en toute confiance leurs capitaux. Alors que le monde subit d'importantes pertes de par la récession économique, le Vietnam n'est pas particulièrement influencé. De plus, sur une population de 84 millions de personnes, la moitié est jeune. Il s'agit par conséquent et de manière générale d'un marché aux forts potentiels. À partir de la fin 2009, le marché immobilier devrait reprendre. Cela dit, afin de s'intégrer correctement à l'économie mondiale, le pays doit simplifier ses formalités administratives et, plus particulièrement mais sur un autre plan, les transactions sans liquide sont trop peu répandues au Vietnam. Un inconvénient… Une fois que le pays aura remédié à ce dernier point, le marché immobilier vietnamien respirera mieux.
Marc Townsend, directeur général de la compagnie américaine CBRE
En ce moment où le marché est très calme, les investisseurs doivent soigneusement réfléchir à leurs choix en matière de projet, la réalité étant que les pertes des uns sont des opportunités pour d'autres. Dans l'avenir, le marché immobilier aura une offre plus importante et la clientèle aura plus de choix. Les entrepreneurs étrangers pénétreront le marché immobilier vietnamien par différentes voies, que ce soit l'achat d'actions d'une compagnie vietnamienne de ce secteur, de l'achat direct de projets à réaliser, de location de terrain à long terme… La question qui se pose, c'est de faire de telle sorte que les projets soient réalisés de manière satisfaisante et de fixer des prix acceptables pour les consommateurs. De toute façon, la qualité constitue le facteur le plus important.
Phuong Mai/CVN