>>Été 2020, l'échappée martienne
>>Échec du premier vol de la fusée porteuse chinoise Kuaizhou-11
>>Longue prescription de la NASA à Boeing après son vol spatial raté
Le ciel étoilé vu du nord de Sumatra, en Indonésie, le 28 décembre 2017. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Trois missions (Émirats arabes unis, Chine, États-Unis) profiteront cet été d'un positionnement céleste favorable pour envoyer une nouvelle volée de robots, en orbite ou sur le sol de notre proche voisine, la plus convoitée du système solaire.
"Mars est la priorité des explorations spatiales car on sait qu'il y a des milliards d'années, elle a été habitable", a expliqué lors d'une conférence de presse Jean-Yves Le Gall, le président du CNES, l'agence spatiale française qui a conçu l'un des principaux instruments de la mission "Mars 2020" de la Nasa.
Alors que la Lune est "désespérément vide de vie", Mars semblait "prometteuse du point de vue de l'habitabilité dès le XVIIe siècle", les premières observations montrant la possibilité de présence d'eau gelée au pôle sud, retrace l'astrophysicien Francis Rocard dans son ouvrage Dernières nouvelles de Mars.
En 1976, deux atterrisseurs américains du programme Viking fournissent pour la première fois des données in situ sur l'atmosphère, le sol... montrant qu'il n'y avait pas de vie présente en surface de ce grand désert glacé. "Ce fut un coup de bambou", qui a beaucoup ralenti l'exploration martienne pendant 20 ans, raconte ce spécialiste du système solaire, interrogé par l'AFP.
"Il a fallu changer la stratégie, avec un nouvelle doctrine, devenue +suivez l'eau, suivez le carbone, suivez la lumière+" - les présupposés pour la formation du vivant, poursuit-il.
Au début des années 2000, la preuve que de l'eau liquide y avait coulé en quantité a ravivé les passions, et depuis, chaque mission apporte "de plus en plus d'évidences que Mars n'est pas aussi morte qu'on le croit", détaille Michel Viso, exobiologiste.
"Histoire de l'eau"
Le travail du rover Perseverance de la Nasa, qui doit se poser en février 2021, est très attendu. Complémentaire du robot Curiosity, oeuvrant dans un cratère martien depuis 2012, Perseverance élira domicile dans un environnement encore inexploré: le cratère Jezero, dont il doit prélever des échantillons pour les ramener, à terme, sur Terre - ce sera une première.
Ce bassin de 45 km de diamètre est un candidat idéal pour avoir pu conserver des traces d'une vie passée à sa surface. Il est riche en roches sédimentaires (argiles et carbonates, des pièges à vie), et, surtout, son relief en delta est attribué à l'embouchure d'un ancien fleuve.
En étudiant la géologie de Jezero, le rover pourra caractériser l'environnement géochimique qui a vu la naissance du lac, permettant de comprendre "l'histoire de l'eau", espère Francis Rocard.
"Car oui, de l'eau a coulé sur Mars, mais la question qui nous taraude, c'est: pendant combien de temps ? Le plus longtemps sera le mieux pour que le vivant ait pu se former", souligne l'astrophysicien.
On ignore cependant, pour notre propre planète, quelle durée d'écoulement d'eau a permis la vie. Ni même quand exactement elle est apparue.
Décrypter l'histoire de Mars, c'est donc aussi éclairer celle de la Terre. Et tenter de comprendre pourquoi, alors qu'il y a quatre milliards d'années, les deux planètes réunissaient les mêmes conditions favorables, la vie est restée sur l'une, et aurait disparu sur l'autre.
Des fragments décisifs
Illustration transmise le 5 mars 2020 par la NASA montrant le rover Perseverance. Photo : AFP/VNA/CVN |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Sur Terre, les premières traces de vie remontent à 3,5 milliards d'années - un milliard d'années après sa formation - mais "c'est sûr que le vivant remonte à plus loin", selon Jorge Vago, expert scientifique à l'Agence spatiale européenne (ESA), dont la propre mission ExoMars partira en 2022 forer le sol martien.
La tectonique des plaques terrestres, qui renouvelle régulièrement la croûte terrestre en profondeur, empêche toute préservation de cette vie ancestrale. Mars est exempte de tectonique et donc susceptible d'avoir conservé dans ses entrailles la marque d'une vie "originelle" d'il y a plus de 4 milliards d'années.
Et s'il n'y avait jamais eu de vie ? Le retour de fragments martiens sur Terre, espéré depuis des décennies, sera décisif pour pouvoir enfin statuer, car ils pourront être analysés en profondeur par des instruments ultra performants, comme des synchrotrons.
"S'il y a quelque chose, c'est à travers ces échantillons qu'on sera sûrs de la réponse qu'on apporte", résume Michel Viso.
Mais de tels fragments ne sont pas attendus avant dix ans, tant ce retour est une mission complexe. Et la réponse sera aussi difficile à interpréter : "Il s'agira d'un ensemble de faisceaux de présomptions qui nous amèneraient à dire +oui, ces molécules sont sans doute les restes d'une activité métabolique, microbienne par exemple", selon l'expert.
Il existe d'autres candidates potentielles à la vie extra-terrestre, comme Encelade et Europe, deux lunes de Saturne et Jupiter. Mais en rapporter des échantillons ou forer leur épaisse couche de glace relève pour l'heure de la science-fiction.
AFP/VNA/CVN