L'ouverture du marché a tué l'artisanat d'art de l'abaya en Irak

Signe d'élégance et de raffinement, l'abaya Najafi, une cape à la broderie arachnéenne fabriquée à la main depuis 150 ans pour les princes du Golfe, les chefs tribaux et les hommes d'affaire arabes, est en train de disparaître : les artisans n'y trouvent plus leur compte.

"Le travail est trop dur et ne rapporte plus grand-chose. Franchement, si je pouvais devenir fonctionnaire, je n'hésiterais pas une seconde", maugrée Kazem, 41 ans, tout en brodant des fils d'or sur une abaya.

Le souk près du mausolée de l'imam Ali, dans la ville sainte chiite de Najaf, s'appelle encore "le marché des abayas", mais les marchands ne vendent plus que des babioles, des jouets ou des vêtements pour les milliers de pèlerins iraniens.

La famille de Kazem fabrique des abayas depuis des générations, à tel point que tous ses membres partagent le surnom d'Abou Chengal, le "père du crochet", même si cet instrument risque de tomber bientôt en désuétude. "Mes ventes d'abayas ne représentent qu'un cinquième de ce qu'elles étaient il y a dix ans : j'en écoulais des centaines, contre seulement quelques dizaines aujourd'hui", se plaint-il.

La Najafi, qui était offerte en cadeau de prestige aux personnalités, représente "l'identité de la ville", haut-lieu de l'islam chiite, estime pourtant Hassan Issa al-Hakim, expert en histoire islamique et professeur à l'Université de Koufa, très proche de Najaf, à 160 kilo-mètres au sud de Bagdad. Mais pour les commerçants et fabricants, la Najafi est victime du libre-échange, de la hausse du dinar et de la violence qui a ravagé l'Irak.

Après des décennies de protectionnisme puis d'embargo, le marché s'est ouvert dans le sillage de l'invasion menée par les États-Unis en 2003, et le pays a été envahi par des produits à bas prix.

La concurrence est rude : une abaya tissée et brodée à la main coûte entre 425 et 675 dollars, contre 65 dollars pour celles fabriquées à la machine.

"Impossible d'être compétitif", se lamente Hussein Sayed, un tisserand de 63 ans qui a quitté le métier il y a quelques années.

Pour lui, la Najafi se meurt car elle exige entre trois et dix jours de fabrication, sans compter la broderie. Quatre de ses enfants qui pratiquaient cet art sont aujourd'hui chauffeurs de taxi. Même son de cloche chez Razzaq Mohammad, 58 ans, qui a tissé des abayas toute sa vie avant d'ouvrir une épicerie en 2006. Trois de ses fils sont tisserands de formation mais aucun d'eux n'exerce à plein temps, faute de clients. "Aujourd'hui, seuls les chefs tribaux et les personnalités désirent encore des abayas faites main, mais le travail n'est pas régulier. La classe moyenne, elle, ne peut plus s'offrir que des produits faits à la machine", dit-il en montrant trois métiers à tisser accrochés au mur chez lui.

Son fils Ahmad sépare minutieusement les fils de laine, enlève les noeuds et place chaque fil dans le métier à tisser. Mais cet artisan de 31 ans n'a pas assez de travail pour en vivre. "Je quitterais tout cela si je trouvais de quoi subvenir aux besoins de ma famille", dit-il.

Depuis 2003, la violence a fait fuir les clients, et plusieurs tisserands ou fabricants sont devenus fonctionnaires, selon Kazem.

Aujourd'hui, Najaf accueille chaque jour 5.000 pèlerins. Ils achètent des jouets, des bijoux ou d'autres vêtements, alors la moitié des marchands d'abayas ont changé de métier, comme Youssef Mohammed Ali, reconverti dans le commerce d'écharpes, de bagues et de chapelets.

AFP/VNA/CVN

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