L'Isolement d'Alphonse de Lamartine en versification classique vietnamienne

Alphonse de Lamartine est né le 21 octobre 1790 à Mâcon (Département Saône-et-Loire à 393 km, au sud-est de Paris), où il vivra jusqu'en 1797.

En automne 1797, Lamartine et les siens s'établissent de nouveau à Milly (commune urbaine de Saône-et-Loire, dénommée Milly Lamartine). C'était aussi la fameuse propriété de Milly.

Après une longue vie marquée par bien des péripéties, des moments de gloire et de déception, le grand poète romantique s'éteint le 28 février 1869 à Paris, le crucifix d'Elvire (ou Elvire napolitaine, italienne de Naples, petite amie du défunt) à son chevet.

Son premier recueil lyrique, les Méditations poétiques (1820), lui assure une immense célébrité et, entre 1820 et 1830, la jeune génération des poètes romantiques le salue comme son maître.

Selon l'écrivain français Marius-François Guyard, professeur à l'Université de la Sorbonne, éditeur de la brochure poétique Méditations poétiques de A. de Lamartine" (imprimée en France le 6 août 2007), la musique tantôt apparaît, tantôt disparaît dans les vers sentimentaux de Lamartine :

"Si indifférent au vocabulaire, à la rhétorique, à la grammaire, il (Lamartine) a puissamment contribué à la révolution romantique, en inventant ou redécouvrant tant de strophes..." (Par exemple, les poèmes L'Isolement, Le lac, Le vallon, Souvenir, L'automne, etc.).

Nous voudrions traduire, ci-après, la belle première poésie romantique de Lamartine (11 mars 1820), L'Isolement en versification classique vietnamienne song thât luc bat, comprenant 52 vers avec 13 quatrains, disposés harmonieusement et conformément à une métrique obligatoire (c'est-à-dire alternance de vers de 7, 7 puis 6, 8 pieds, suivant la prosodie bang (mot sans accent ou avec l'accent grave : ta, tà la, là) et traéc (accent prononcé, se dit dis morts qui possèdent un accent, autre que accent grave : lá, da, tu, cu (dâu sac, dâu nga, dâu hoi, dâu nang).

Prenons en exemple le 1er quatrain de la célèbre élégie vietnamienne Chinh Phu Ngâm khuc (Femme de guerrier) de la poétesse Doàn Thi Diêm (1743-1744) :

a/ "Thuo troi dât, nôi con gio bui

1 2 3 4 5 6 7

b/ Khanh ma hông, nhiêu nôi chuân chuyên.

1 2 3 4 5 6 7

c/ Xanh kia, tham tham tâng trên,

1 2 3 4 5 6

d/ Vì ai ? gây dung cho nên nôi này"

1 2 3 4 5 6 7 8

a/ "Au temps où le ciel et la terre

étaient tourmentés par l'épouvantable fléau de guerre,

b/ Le beau sexe subissait par destin, tant de misère physique et morale.

c/ Oh ! Ciel immense et puissant là haut !

d/ Qui donc a créé et causé ces choses pareilles !"

Au point de vue rythmique, le 7e mot (bii = poussière) du 1er vers, rime avec le 5e mot (nôi = de gré du sentiment) du 2e vers ; le 7e mot (chuyên = obstacle mental, du 2e vers, rime avec le 6e mot (trên = supérieur) du 3e vers et le 6e mot-ci (trên = supérieur, rime avec le 6e mot (nên = cho nên = c'est pourquoi) du 4e vers du quatrain, et ainsi de suite…

L'ISOLEMENT
Souvent sur la montagne, à l'ombre du vieux chêne,
Au coucher du soleil, tristement je m'assieds ;
Je promène au hasard mes regards sur la plaine,
Dont le tableau changeant se déroule à mes pieds.
Ici, gronde le fleuve aux vagues écumantes,
Il serpente, et s'enfonce en un lointain obscur ;
Là, le lac immobile étend ses eaux dormantes
Où l'étoile du soir se lève dans l'azur.
Au sommet de ces monts couronnés de bois sombres,
Le crépuscule encor jette un dernier rayon,
Et le char vaporeux de la reine des ombres
Monte, et blanchit déjà les bords de l'horizon.
Cependant, s'élançant de la flèche gothique,
Un son religieux se répand dans les airs,
Le voyageur s'arrête, et la cloche rustique
Aux derniers bruits du jour mêle de saints concerts.
Mais à ces doux tableaux mon âme indifférente
N'éprouve devant eux ni charme, ni transports,
Je contemple la terre, ainsi qu'une ombre errante :
Le soleil des vivants n'échauffe plus les morts.
De colline en colline en vain portant ma vue,
Du sud à l'aquilon, de l'aurore au couchant,
Je parcours tous les points de l'immense étendue,
Et je dis : Nulle part le bonheur ne m'attend.
Que me font ces vallons, ces palais, ces chaumières ?
Vains objets dont pour moi le charme est envolé ;
Fleuves, rochers, forêts, solitudes si chères,
Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé.
Que le tour du soleil ou commence ou s'achève,
D'un œil indifférent je le suis dans son cours ;
En un ciel sombre ou pur qu'il se couche ou se lève,
Qu'importe le soleil ? je n'attends rien des jours.
Quand je pourrais le suivre en sa vaste carrière,
Mes yeux verraient partout le vide et les déserts ;
Je ne désire rien de tout ce qu'il éclaire,
Je ne demande rien à l'immense univers.
Mais peut-être au-delà des bornes de sa sphère,
Lieux où le vrai soleil éclaire d'autres cieux,
Si je pouvais laisser ma dépouille à la terre,
Ce que j'ai tant rêvé paraîtrait à mes yeux ?
Là, je m'enivrerais à la source où j'aspire,
Là, je retrouverais et l'espoir et l'amour,
Et ce bien idéal que toute âme désire,
Et qui n'a pas de nom au terrestre séjour !
Que ne puis-je, porté sur le char de l'aurore,
Vague objet de mes vœux, m'élancer jusqu'à toi,
Sur la terre d'exil pourquoi resté-je encore ?
Il n'est rien de commun entre la terre et moi.
Quand la feuille des bois tombe dans la prairie,
Le vent du soir s'élève et l'arrache aux vallons ;
Et moi, je suis semblable à la feuille flétrie :
Emportez-moi comme elle, orageux aquilons !
Traduit par trân Kim Ngoc
Enseignant en langue française, membre de l'Association d'encouragement aux études de la ville de Buôn Ma Thuôt, province de Dak Lak, hauts plateaux du Centre
30/10/2011

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