L'inflation, le peso, la dette : migraines tenaces de l'Argentine qui vote

En Argentine, troisième économie d'Amérique latine riche en matières premières mais engluée dans une inflation chronique, un endettement pesant et une devise friable, le besoin de réformes fait consensus à la veille du premier tour de la présidentielle.

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Dans un supermarché à Buenos Aires.
Photo : AFP/VNA/CVN

Mais l'amertume de la potion diffère selon les candidats à l'élection de dimanche, où l'ultralibéral "anti-système" Javier Milei est le favori des sondages, devant le ministre de l'Économie, Sergio Massa, candidat gouvernemental (centre gauche), et la candidate du bloc d'opposition (centre droit) Patricia Bullrich.

Voici les migraines du futur président :

L'inflation de tous les records

L'inflation a atteint 12,7% en septembre, record mensuel en 32 ans, et 138% en interannuel. Indices vertigineux, parmi les plus élevés au monde, que les Argentins, au pouvoir d'achat rogné, mesurent sur les étiquettes d'un mois, voire d'une semaine, sur l'autre.

"Ça fait peur de faire les courses, du cabas à roulettes, je suis passée à un sac, et à présent d'une seule main j'arrive à tenir tout", se désole Lidia Pernilli, 73 ans, qui a décidé d'acheter deux bananes, au lieu d'un kilo, passé en un mois de 450 à 1.000 pesos (environ 1 USD). Elle héberge chez elle depuis un mois sa fille, son gendre et leurs enfants qui ne pouvaient plus payer leur loyer.

Multicausale, entre déficits budgétaires, émission monétaire, dévaluations répercutées sur les prix, chocs externes, l'inflation argentine est surtout devenue "inertielle" selon Ricardo Aronskind, économiste à l'Université de Buenos Aires. C'est-à-dire que les acteurs économiques, habitués à une inflation à deux chiffres depuis une douzaine d'années, anticipent systématiquement sur l'inflation à venir. Contribuant d'autant au phénomène.

Le peso de tous les maux 

À la fois victime et coupable, le peso est en dépréciation constante par rapport au dollar américain, reflet d'une défiance des marchés et des Argentins eux-mêmes envers leur devise nationale. En un an, il est passé de 151 à 365 pesos pour 1 USD au taux officiel, et de 290 à 1.000 pesos au change parallèle, celui de la rue, dans lequel pensent et comptent les Argentins, soumis à un contrôle des changes.

Ce fossé entre change officiel et parallèle "est une des plus grandes sources de distorsion de l'économie, car il stimule l'évasion fiscale, la sous-déclaration des exportations, la fuite des capitaux", diagnostique le Celag, le Centre stratégique latino-américain de géopolitique.

Et immanquablement avant chaque élection, l'incertitude accroît la pression sur le peso.

L'absence de cash 

L'Argentine traîne comme un boulet une dette contractée en 2018 par le gouvernement du libéral Mauricio Macri (2015-2019) pour 44 milliards d'USD auprès du Fonds monétaire international (FMI). Le gouvernement négocie en quasi-permanence un assouplissement du plan de refinancement conclu en 2022 avec le Fonds.

Une sécheresse historique en 2022-2023, la pire en 100 ans, a de plus assoiffé une économie éminemment agro-exportatrice (soja, blé, maïs, viande), créant un manque à gagner de 20 milliards d'USD de recettes à l'export, et coûtant près de 3 points de PIB. Selon le FMI, l'Argentine devrait se contracter de 2,5% en 2023.

À court de réserves de change, le pays s'est tourné vers un prêt du Qatar, des swaps de yuans avec la Chine, pour honorer ses échéances de remboursement sans toucher à ses réserves. Mais celles-ci restent basses : 25 milliards selon la Banque centrale, bien moins selon nombre d'analystes.

Sécheresse dans la province de Buenos Aires, en Argentine, le 30 mars. 
Photo : AFP/VNA/CVN

Le social qui ploie

Un défi majeur du prochain président sera d'équilibrer les comptes, sans déclencher une explosion sociale, dans un pays où la pauvreté a atteint 40,1%, environ 10% de plus qu'il y a huit ans, sous l'impact successif de la pandémie et de l'inflation.

Premières cibles, également dans le viseur du FMI, la réduction des subventions d'accès à l'eau, à l'énergie, aux transports notamment, dont bénéficient des millions d'Argentins.

"Quiconque appliquera un plan de stabilisation devra avoir un fort pouvoir politique, parce que les mesures généreront dans un premier temps davantage d'inflation", met en garde l'économiste Sigaut Gravina, de la firme Equilibra.

L'espoir dans la pluie, l'énergie

Après la sécheresse, la fin du phénomène climatique La Niña laisse présager une campagne 2023-2024 fructueuse, avec un bond de 138% pour la récolte de soja, et de 61% pour le maïs, selon les projections de la Bourse des céréales de Buenos Aires.

Le prochain gouvernement devrait aussi faire de précieuses économies en importations d'énergie, avec la montée en puissance progressive du gazoduc, inauguré cette année, du gisement de gaz et de pétrole de Vaca Muerta (Sud).

"Si c'est bien géré, cela devrait représenter un apport de 10 milliards d'USD par an, et en ajoutant la fin de la sécheresse, l'exploitation du lithium, cela représentera des dollars cruciaux pour une stabilisation économique", prédit l'économiste Elizabeth Bacigalupo de la firme Abeceb.

AFP/VNA/CVN

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