Le vétérinaire Vu Công Long, responsable de l’île |
Aussi bien terrestres qu’arboricoles, les singes sont omniprésents sur l’île Rêu. On les observe aussi bien sur les arbres, les routes que sur les toits des maisons. Ils ne sont pas chassés bien sûr, n’ont aucun prédateur naturel et vivent en bonne harmonie avec l’homme... ce qui doit être une exception au Vietnam ! Les 14 ouvriers qui travaillent sur place les considèrent comme très intelligents, et certains ont même déjà versé une petite larme en voyant l’un de leur «chouchou» se faire embarquer pour le continent. «Ils comprennent tout, il ne leur manque vraiment que la parole. Nous les considérons un peu comme des membres de notre famille. Mais nous n’oublions pas qu’ils doivent être sacrifiés», explique le vétérinaire Vu Công Long, chef de l’île.
Les singes sont élevés en semi-liberté. |
Avant 1960, l’île Rêu était inhabitée. À cette époque, la poliomyélite sévissait partout dans le pays. Le Vietnam a fabriqué des vaccins contre cette maladie grâce à des cellules rénales de macaques. Devant la rareté croissante de ce singe dans la nature, la décision a été prise de faire de l’île Rêu un lieu d’élevage, pour la recherche scientifique et la production de vaccins.
Chaque année, une centaine de singes sont prélevés, placés en quarantaine sur une petite île voisine avant d’être transférés sur le continent. Un jour, un mâle a été capturé et amené là. Tous les après-midi, sa femelle criait en bord de mer. Son compagnon, sur l’autre île, lui répondait. Un jour, il s’est échappé. Les deux singes ont alors nagé l’un vers l’autre et si les ouvriers ne les avaient pas repêchés, ils seraient sûrement morts noyés. «Dans ma vie, je n’ai jamais connu une histoire aussi émouvante, confie Vu Công Long. Auparavant, les technologies étaient arriérées. Pour fabriquer chaque année 10 millions de doses de vaccins, il nous fallait sacrifier 300 singes. Mais maintenant, une centaine suffit».
Les ouvriers donnent à manger aux singes aux heures fixes. |
Une grande famille
L’île Rêu compte plus de 1.700 singes, toujours prêts à faire un mauvais coup ! Auparavant, les 14 cadres et ouvriers vivaient dans des maisons à toit de tuiles. Mais parfois, la journée, profitant de leur absence, les singes déplaçaient les tuiles, descendaient dans les maisons et s’en donnaient à cœur joie dans le garde-manger. Pour contrecarrer les plans diaboliques de ces turbulents voisins, les habitations ont dû être consolidées avec du ciment et les fenêtres équipées de grilles.
De la même façon, les ouvriers ne peuvent pas cultiver de légumes car les singes ravagent tout. Aussi tous les aliments doivent-ils venir du continent.
«Quand je recrute du personnel, je donne la priorité à des couples qui peuvent ainsi s’installer ici pour longtemps. Des mariages ont même eu lieu ici ! Le plus gros problème, c’est qu’il n’y a aucune école sur l’île, donc leurs enfants doivent être envoyés sur le continent», déplore Vu Công Long.
La salle à manger. |
Les ouvriers préparent quotidiennement deux repas pour les singes (à 09h00 et 14h00). Du riz mélangé à la dolique noir, du soja, des cacahuètes et du sel. Une fois par semaine, ils ont droit à de petites gâteries : goyaves, cannes à sucre, patates ou bananes. Ils ont leur propre salle à manger qui est souvent lavée à grande eau.
Sur l’île, il y a une stèle où est gravée la phase suivante : «L’île des singes, lieu où l’on nourrit et fournit des macaques pour la recherche scientifique et la fabrication de vaccins». «Pour que tous ceux qui viennent ici se souviennent du sacrifice de ces animaux pour sauver des vies humaines», insiste Vu Công Long.
L’île Rêu est située à un kilomètre du port de Vung Duc, ville de Câm Pha, province de Quang Ninh. C’est la seule île au Vietnam où l’on élève Macaca mulatta (ou macaque rhésus, car son nom reste attaché à la découverte du facteur sanguin Rhésus). Cette espèce est largement répandue en Asie, de la Chine méridionale jusqu’en Afghanistan. Elle a beaucoup été utilisée par la science du fait de sa proximité anatomique et physiologique avec l’homme.
D’une superficie de 22 ha, l’île compte plus de 1.700 individus, élevés en semi-liberté. Chaque année, une centaine sont capturés et remis au Centre de recherche des vaccins et des produits biologiques.
Macaca mulatta vit en groupes très hiérarchisés. La hiérarchie sociale est matrilinéaire, le rang de chacun dépendant de son lien de parenté avec la femelle dominante.
Hà Minh/CVN