L’huile d’argan, facteur d’émancipation pour les femmes berbères

Dans la campagne pauvre mais fertile du Sud-Ouest marocain, le commerce de l’huile d’argan n’a pas de prix : il constitue une opportunité unique pour des milliers de femmes berbères de gagner leur relative indépendance sociale et financière.

 

Une femme cueillant des fruits de l’arganier.

Qualifiée par certains de «produit miracle» ou encore «de liquide or» -notamment pour sa couleur miel-, l’huile d’argan n’est exportée que par le Maroc. Si elle ne peut être assimilée à un médicament du point de vue scientifique, elle fait fureur en Occident, en aromathérapie, comme soin anti-âge pour la peau et soin capillaire.
Dans le royaume, la production actuelle d’huile d’argan, également utilisée comme ingrédient dans la cuisine marocaine, est estimée à quelque 4.000 tonnes par an. Dans le cadre d’un contrat-programme 2010-20, les autorités ont pour ambition de la porter à environ 10.000 tonnes.
Sur les routes vallonnées entre Agadir et Essaouira, à l’écart des spots de surf réputés, les arganiers -arbres de petite taille mais touffus- sont légion et ne peuvent échapper au regard du voyageur, offrant parfois l’image insolite de troupeaux perchés sur leurs branches, en quête de nourriture.
Au gré des villages traversés, l’autre constat est celui du grand nombre de coopératives recensées -jusqu’à 137 sur l’ensemble de la région-.
Celle d’Ajddigue, à Tidzi, qui compte 60 employées, est l’une des toutes premières à avoir vu le jour, en 1996, selon sa responsable, Zahra Knabo.
D’après elle, la création de la coopérative a constitué une aubaine pour les femmes berbères, dans une région où l’analphabétisme atteint des sommets.«Dans cette aire rurale, elles étaient vouées à garder les animaux ou à collecter le bois dans la forêt. Premières levées, dernières couchées», fait valoir Mme Knabo. «Désormais, la plupart de celles qui travaillent à la coopérative ont de l’argent en poche. Certaines ont intégralement financé l’achat de leur maison, et ont pu se payer l’électricité», ajoute-t-elle.
À son ouverture, la coopérative Ajddigue comptait seulement 16 employées et sa production se limitait à 200 litres d’huile par mois. Elle atteint désormais les 1.000 litres, et son chiffre d’affaires annuel s’élève à quatre millions de dirhams (environ 360.000 euros).
Bienfait environnemental
Ses acides gras, ses anti-oxydants, sa vitamine E ont fait de l’huile d’argan un produit très apprécié en Europe. Les gros clients sont français et italiens.À la coopérative voisine de Kaouki, au Sud d’Essaouira, c’est une entreprise britannique qui a signé en 2009. Mais même à des milliers de kilomètres de Bruxelles, la crise européenne est passée par là : les deux coopératives ont vu la demande de leurs principaux clients divisée par deux. Avec la compétition de plus en plus forte, des petits établissements, comme la coopérative de Tawount, qui emploie 15 personnes depuis juillet, se battent pour leur survie.

Graines d’arganier.


Malgré la conjoncture délicate, Karima, une des responsables, reste catégorique sur la nécessité de ces coopératives. «Auparavant, les femmes travaillaient à domicile et remettaient l’huile à leurs maris pour la vente. Désormais, en travaillant ensemble, elles sont en mesure de récolter elles-mêmes l’argent, d’aider leurs enfants et leurs familles», explique cette jeune femme de 28 ans.
Mais l’arrivée sur le marché de personnes peu scrupuleuses, qui mentent sur la nature et ou la qualité des produits met en péril ce secteur encore jeune. «Un grand nombre de fausses coopératives ont vu le jour. Elles mentent sur leurs activités», avance Khadija, 21 ans, qui commercialise des produits à l’huile d’argan au nom de cinq producteurs, dans la médina d’Essaouira.
«Les autorités doivent cesser de donner des certificats à ces fausses coopératives. Il y en a des dizaines dans la région d’Essaouira», dit-elle.
L’argan possède un dernier bienfait, environnemental celui-là : grâce à sa production d’huile, l’arganier fait l’objet de programmes de protection, et même de reforestation.
Photo : En 1998, l’UNESCO a classé la région comme réserve de biosphère, soulignant que l’arbre jouait un rôle dans la lutte contre la désertification.

AFP/VNA/CVN

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