Nguyên Van Cao utilise les parties non utilisées de la cerise de café pour faire son engrais bio. |
Diplômés de l’Université d’agronomie de Dà Lat en 2012, Nguyên Van Cao, Bùi Quôc Viêt et Trân Thi Luu ont eu la chance d’effectuer un stage en Israël, ce pays méditerranéen au climat aride mais réputé pour son agriculture basée sur les hautes technologies. Un an d’expérimentation intensive dans des fermes agricoles modernes israéliennes leur ont suffit à changer radicalement leur vue sur la production agricole. Car, comme des agriculteurs israéliens leur ont dit : «Ne pensez pas que l’agriculture est un secteur arriéré et peu important ! Chez nous, l’agriculture fait notre fierté et est placée entre les mains des jeunes».
Travailler dur pour apprendre
L’agronome Trân Thi Luu s’est rendue dans le Sud d’Israël, constellé de jardins maraîchers verdoyants. Elle se rappelle de ses premiers jours où elle a vu des camions répandre une couche de terre brune (transportée du Nord) sur des terrains pierreux du Sud.
«Un paysan m’a expliqué alors qu’on préparait de la terre pour la culture des légumes», dit-elle. Ici, même si le sol est loin d’être fertile, les plantes sont capables de pousser et de se développer vigoureusement sur des terrains rocheux simplement recouverts d’une mince couche de terre.
Désireuse de trouver la «clef» de ce qui semble défier les lois de la nature, Luu a demandé de travailler pour un centre d’études et d’hybridation des semences de légumes.
«Le succès de la culture légumière en Israël réside en grande partie dans les semences. Grâce aux études approfondies des scientifiques, de nouvelles semences appropriées au sol aride ont été créées en laboratoire, à travers des processus d’hybridation compliqués», observe Luu. Ces technologies d’hybridation moderne, elle a cherché à les apprendre, passant des nuits blanches en laboratoire.
Bùi Quôc Viêt vérifie son système d’arrosage automatique dans sa ferme de légumes. |
Cao et Viêt ont travaillé pour une ferme agricole au nord d’Israël. Leur mission : apporter les soins techniques dans les champs de bananiers et de caféiers. Ces agronomes travaillaient 16 heures par jour, car ils voulaient participer en plus aux maillons du conditionnement, du transport et de la livraison de produits. «Cela nous a permis de savoir comment fonctionnaient les technologies d’après récole, comment faire pour diminuer les pertes sur les processus de traitement préliminaire et de transport», explique Viêt. La livraison dans les supermarchés, restaurants, etc. commençait à 3 heures du matin. Dans la nuit noire, peu importe qu’il vente ou fasse froid, les deux compères conduisaient un camion chargé de produits agricoles. Ils faisaient de nombreuses étapes, allant parfois jusqu’en territoire palestinien.
Les week-ends étaient l’occasion pour eux de venir travailler dans des fermes de légumes. «Nous voulions profiter au maximum de notre temps en Israël pour enrichir nos connaissances dans divers domaines. Les agronomes locaux étaient toujours disposés à nous aider».
Des efforts récompensés
Fin 2013, les trois agronomes sont retournés au Vietnam, renonçant à l’opportunité de décrocher un bon emploi en Israël. «De retour à Dà Lat, nous espérions pouvoir, avec nos propres efforts, changer l’agriculture de notre région natale au fur et à mesure de l’introduction des technologies de pointe», confie Luu. Animés du même objectif, ces trois amis ont chacun choisi leur propre voie pour y parvenir.
Luu s’est ainsi mise à travailler pour une ferme productrice et exportatrice de légumes de Dà Lat, qui vise des marchés exigeants dont le Japon.
Sitôt embauchée, elle a demandé au patron de la ferme de lui réserver un lopin de terrain afin qu’elle puisse planter, à titre d’essai, de nouvelles variétés maraichères en appliquant de nouvelles techniques culturales. En peu de temps, le lopin d’expérimentation de Luu est devenu le «noyau» de la ferme, à l’exemple duquel, les semences et le processus de production de nouvelle génération ont été introduits à grande échelle dans la ferme.
Un an après, Luu s’est vu confier par son patron la responsabilité d’élaborer le plan de production de la ferme, et le processus de culture des variétés exotiques de haute qualité.
Cao, lui, s’est donné corps et âme aux caféiers qui poussent dans les montagnes de Ta Nung, gérés par une entreprise singapourienne investissant à Dà Lat. En tant que chef du service de techniques culturales de la société, Cao s’est chargé de la régénération de 20 hectares de caféiers rabougris abandonnés depuis plusieurs années. Un grand défi qu’il a relevé avec une volonté inflexible. Là aussi, en un an seulement, ces arbres presque stériles ont retrouvé une seconde jeunesse, avec un rendement incroyable : 6 tonnes à l’hectare, soit 2 tonnes de plus que le rendement moyen de la région.
Un résultat extraordinaire rendu possible grâce à l’engrais micro-organique que Cao a mis au point à partir de téguments frais de grains de café fermentés, que personne avant lui n’avait pensé à recycler de la sorte. De plus, l’initiative de Cao a permis de réduire jusqu’à 50% les dépenses destinées aux soins des caféiers.
À l’autre bout de la ville de Dà Lat, Viêt se lance lui aussi dans une aventure : celle de produire des légumes et fruits de contre-saison dans des serres.
Avec un investissement initial de 300 millions de dôngs, il a loué un terrain et fait construire des serres. Pour démarrer son activité, il a choisi la pomme de terre, une spécialité de renom de Dà Lat, qui ne donne normalement qu’une récolte par an, faute de suffisamment de journées ensoleillées.
«En introduisant des techniques culturales avancées, j’espère que mes jardins en serre donneront un rendement au moins aussi bon que pendant la saison habituelle», confie Viêt, sûr de lui. Et de promettre de transmettre prochainement ce processus de production de contre-saison aux paysans locaux. «Après la pomme de terre, ce sera le tour d’autres légumes de Dà Lat», affirme le jeune agronome, qui semble, à l’instar de ses deux confrères, promis à un avenir radieux.