Les sœurs Trung

Au long des millénaires, la tradition patriotique vietnamienne a cristallisé autour de quelques grandes figures parmi lesquelles les sœurs Trung sont les plus touchantes et les plus populaires. Elles sont honorées dans plusieurs temples à Hanoi, dont celui de la rue Dông Nhân.

En 11 av. J.C, l’Empire chinois a conquis le Vietnam et l’a dominé pendant près de dix siècles. En l’an 40, Trung Trac, fille d’une famille de seigneurs indigènes, prit la tête d’une révolte contre le cruel proconsul chinois Tô Dinh qui avait tué son mari Thi Sach. Elle fut secondée par sa sœur Trung Nhi. Tô Dinh prit la fuite. Trung Trac enleva 65 citadelles et fut proclamer Reine. En 41, vaincue par le général chinois Ma Viên, elle se donna la mort avec sa sœur en se jetant dans la rivière Hat Giang (dans le lac de Lanh Bac, selon une légende).

Les deux sœurs Trung sont les premières héroïnes vietnamiennes.

Trung Trac vit alors dans la mémoire de notre peuple comme la Jeanne d’Arc française. L’histoire des sœurs Trung a été relatée dans le Thiên nam ngu luc (Les annales du ciel du Sud). Il s’agit d’un poème écrit à la fin du XVIIe siècle. Il relate l’histoire du Vietnam depuis les origines jusqu’au XVe siècle, y joignant un tableau sommaire de la dynastie des Lê postérieurs, de l’usurpation des Mac et de la restauration de la dynastie ancienne (XVIIIe siècle).

Ce poème de 8.136 vers qui adopte la métrique luc bat (six et huit pieds intercalés en langue nationale) avec 31 poésies en caractères chinois, est notre premier récit historique en vers de grande envergure. L’œuvre, imprégnée d’un esprit patriotique élevé, utilise largement comme source de documentation complémentaire les riches traditions populaires.

Insurrection des sœurs Trung

Trung Trac vit alors dans la mémoire du peuple vietnamien comme la Jeanne d'Arc française.

Ci-dessous quelques extraits de l’épisode concernant l’insurrection des deux sœurs Trung :
«… Quand vint le tour du gouverneur Tô Dinh et de son armée, les atrocités se multiplièrent, bien pires qu’auparavant. Il créa impunément taxes et corvées pour pressurer le peuple. Innombrables furent les impositions et les recettes fiscales en argent. Les femmes du pays furent victimes de malversations et de viols.
Elles furent menées de force au harem pour devenir ses objets de plaisir.
Tô Dinh agissait en toute liberté, sans aucune crainte,
N’ayant aucun respect du ciel, aucune pitié du peuple.
Nuisant aux autres, il ne cherchait que son intérêt personnel.
Comment son âme mesquine pouvait-elle s’inquiéter d’avoir ainsi terni l’œuvre de nos ancêtres ?
Il se hâtait de jouir du présent avant que sa mission terminée, un autre vînt le remplacer ;
Il usa de ruses pour acheter les chefs locaux,
En vue d’enrayer tout courant d’opposition, de combler tout fossé de mécontentement.
Il interdit toute réunion, craignant que le peuple n’y apprenne à agir selon la raison,
Et à s’unir comme des termites aptes à construire des nids plus hauts que des montagnes, et des fourmis capables de creuser sous terre de véritables rivières.
Après cent quarante-huit années de domination du Nord, le Sud était presque exterminé.
Que notre pays était digne de pitié !
Comment des gens aux dents blanches (1) pouvaient-ils ainsi opprimer les gens aux dents noires ?
Aux frontières du Sud, dans le territoire Chu Diên (2) du district de Vo Giang, naquit un homme,
Du nom de Thi Sach, descendant des rois Hùng et plein de talents.
Voyant sa vie exemplaire de droiture et de vertu, le peuple le voulut comme chef afin d’améliorer la destinée du pays.
Mais ayant peur de Tô Dinh rusé et cruel,
Thi Sach attendit l’occasion favorable et cacha ses intentions.
Le bruit courut alors qu’au district de Mê Linh, en amont du fleuve.
Étaient nées deux filles de la famille Trung,
D’une beauté et d’un maintien sans pareils.
Leurs cheveux étaient comme des nuages, leur corps comme de la neige, leur peau comme de l’ivoire, leur air aussi dégagé que le brume,
Belles fleurs que papillons et abeilles n’osaient offenser.
L’aînée se nommait Trac, la cadette Nhi
Elles étaient aussi douées en lettres qu’en art militaire ;
Ayant le génie stratégique, elles s’exerçaient encore aux combats armés,
Leur entraînement dépassait de loin toute commune mesure (3)
Elles excellaient à manier toutes les armes sans exception (4)
Quant à la beauté, elles ne le cédaient en rien à Hang Nga, la déesse de la lune.
Issues d’une famille de généraux émérites, âgées de seize ans, elles n’avaient pas encore choisi un parti.
Des entremetteurs étaient venus par milliers, comme papillons et abeilles,
Mais elles attendaient l’homme de leur choix, capable de sauver le pays.
Le fil de soie rouge de l’hymen n’avait pu encore être tissé,
La lune ne s’était pas élevée au-dessus de la montagne et la fleur restait encore attachée à la branche.
Elles haïssaient profondément Tô Dinh,
Mais sans support, comme un tigre sorti de la forêt, elles étaient sans force,
Elles s’affligeaient d’être nées dans le sexe faible et de ne pouvoir facilement mobiliser les autres,
Pour pouvoir chasser les envahisseurs comme de vils insectes cramponnées à la tête d’un buffle
Et que l’animal pouvait balayer d’un coup, rien qu’en agitant les oreilles.
(Thi Sach envoya des entremetteurs. Les deux sœurs Trung consentirent à épouser un tel héros).
… Depuis l’alliance heureuse entre le Nord et le Sud,
Mari et femmes vivaient sous un même toit, unis par des liens éternels.
Ils jouissaient de leur bonheur.
Ils désiraient ardemment sauver le pays et jeter les bases du bonheur familial.
Quant à Tô Dinh, constatant l’absence de Thi Sach à plusieurs conseils obligatoires,
Il le soupçonna de comploter contre lui.

                                                                                                                Huu Ngoc/CVN
                                                                                                                         (À suivre)
                                                                                                                          -------------

1. Gens aux dents blanches : terme de mépris désignant les féodaux chinois et tout étranger en général qui ne pratiquent pas l’ancienne coutume des Vietnamiens de se laquer les dents.

2. Territoire du «Milan rouge», dans le district de Vinh Tuong, actuellement dans la province de Vinh Phuc.

3. Mot à mot : les autres s’entraînent cent pour cent, elles s’entraînent mille pour cent (dix fois plus que l’homme ordinaire).

4. Mot à mot : Toutes les 18 catégories d’armes.

Les deux sœurs Trung sont les premières héroïnes vietnamiennes. Photo : CTV/CVN

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