La peinture vietnamienne prend du galon

La peinture vietnamienne est de plus en plus appréciée par les amateurs d’arts étrangers, notamment grâce à des œuvres picturales vendues aux enchères à des prix exorbitants.

 

 


Fin mai 2013, à la Foire des arts de Hongkong (Chine), la peinture sur soie La marchande de riz, du feu peintre vietnamien Nguyên Phan Chanh, mise aux enchères par l’agence adjudicative Christie’s International, a été vendue 390.000 dollars (8,3 milliards de dôngs). Il s’agit d’une peinture datant de 1932, au format 50,5 cm x 64,5 cm, caractérisée par la technique dite de la «soie lavée» (voir encadré).

Une fois de plus au cours de son histoire, la peinture vietnamienne s’honore de ses peintres et de leurs créations hautement appréciées sur la scène internationale. Nombre d’œuvres picturales vietnamiennes mises aux enchères à Hongkong et à Londres (Grande-Bretagne) ont permis à leurs auteurs d’acquérir un renom mondial, en se vendant à des prix exorbitants. Parmi les artistes les plus appréciés figurent notamment trois peintres défunts : Nguyên Phan Chanh, Lê Phô et Mai Trung Thu.

Nguyên Phan Chanh (1892 - 1984)

Célèbre pour son art de la peinture sur soie, Nguyên Phan Chanh est considéré comme créateur de la technique sur «soie lavée». Originaire de la province de Hà Tinh, au Centre, il était parmi les meilleurs étudiants de la première promotion (1925-1930), de l’Université des beaux-arts d’Indochine, à Hanoi.
Excellant au cours sa carrière, Nguyên Phan Chanh a été invité à donner des cours dans de nombreuses écoles et universités dont le lycée Buoi (lycée du Protectorat) et l’Université des beaux-arts de Hanoi, formant ainsi plusieurs générations de peintres du pays.
De son vivant, il était surnommé «peintre fécond» car il avait à son actif d’innombrables œuvres, dont 170 estimées comme de grande valeur. Il est le peintre ayant le plus d’œuvres exposées au Musée des beaux-arts du Vietnam.

«+La marchande de riz+ est une illustration parfaite du talent de Nguyên Phan Chanh. Son pinceau, loin d’être maniéré, s’avère des plus raffinés et suggestifs. Avec comme gamme dominante le brun, sa peinture dépeint la beauté sans artifices de la vie rurale vietnamienne»,
observe Jean-François Hubert, expert en art pour Christie’s International. Et d’ajouter que plus d’une fois, cette «soie lavée» a été exposée à l’étranger : en 1932 à Paris (France), en 1934 à Naples (Italie), en 1940 au Japon.
Pour le peintre chevronné Trinh Cung, le fait qu’une vieille peinture vietnamienne se soit vendue à un prix record à Hongkong est «un événement important pour la peinture du Vietnam. Dans une certaine mesure, cela permettra désormais la valorisation internationale des œuvres des célèbres peintres vietnamiens, ceux qui sont décédés notamment».
Lê Phô (1907-2001)

La marchande de riz (gauche) de Nguyên Phan Chanh et Le rideau mauve de Lê Phô.
Photo : Archives/CVN



Formé à l’Université des beaux-arts d’Indochine, dans la même promotion que Nguyên Phan Chanh, Mai Trung Thu, Lê Van Dê, Công Van Trung, Georges Khanh…, Lê Phô était considéré comme un peintre impressionniste de premier rang, au Vietnam comme dans monde. Spécialisé dans la peinture sur soie et celle à l’huile, il a laissé un «trésor inestimable» composé de nombreuses œuvres de grande valeur, tant artistique qu’économique.
Résidant en France à partir de 1937, il a exprimé sa nostalgie du pays natal à travers des images typiques, comme des femmes, des enfants, des paysages naturels… En 1993, le peintre expatrié a fait don au Musée des Beaux-arts du Vietnam d’une belle collection de vingt de ses œuvres picturales.
Les peintures signées Lê Phô ont été estimées à bon prix lors de ventes aux enchères internationales. En avril 2012, à Hongkong, Le rideau mauve, proposée par Sotheby’s Hongkong, a été adjugée au prix exorbitant de 373.520 dollars (7,8 milliards de dôngs). Il faut rappeler qu’en 2009, à Singapour, sa peinture sur soie La nostalgie s’est vendue à 222.325 dollars (4,7 milliards de dôngs) ; et sa laque poncée Paysage du Tonkin, à 253.000 dollars (5,6 milliards de dôngs). Par le passé, en 2005, à Hongkong, son œuvre À l’approche du Têt avait été cédée pour 102.000 dollars.
Le prix élevé des vieilles œuvres picturales vietnamiennes sur le marché international en dit long sur l’admiration des amateurs étrangers vis-à-vis des peintres vietnamiens. Ces derniers ont fait la fierté de la nation dans leur domaine. Il reste cependant un regret : ces peintures ont toutes fini chez les collectionneurs étrangers, les Français notamment. «Les faits montrent que la peinture vietnamienne intéresse vivement les collectionneurs français. Il est certain que nombre d’entre eux sont en possession d’autres œuvres des peintres reconnus du Vietnam», conclut le peintre Trinh Công.

Mai Trung Thu (1906-1980)

Les œuvres titrées Gathering at the Pavilion (Réunion dans le pavillon) du peintre Mai Trung Thu. Photo : Archives/CVN


C’était une célébrité dans le domaine des beaux-arts modernes du Vietnam au début du XXe siècle. Diplômé de l’Université des beaux-arts d’Indochine en 1930, Mai Trung Thu a grandement contribué à valoriser la peinture sur soie vietnamienne. Son pinceau raffiné avait choisi de représenter en priorité des images naïves de femmes, d’enfants ou de simples scènes de la vie quotidienne … Chose indéniable : les œuvres picturales de Mai Trung Thu dégagent un parfum de folklore et illustrent la culture traditionnelle du pays. À maintes reprises, elles ont représenté le Vietnam lors de diverses expositions d’art dans le monde.
À maintes reprises également, les œuvres signées Phan Trung Thu ont été proposées lors de séances de ventes aux enchères internationales. En octobre 2010, lors de la séance tenue par Sotheby’s Hongkong, consacrée exclusivement à la peinture moderne de l’Asie du Sud-Est, on a pu voir cinq peintures sur soie signées Mai Trung Thu. Toujours à Hongkong, lors des séances tenues début 2013 par Christie’s International et Sotheby’s Hongkong, deux de ses œuvres titrées Gathering at the pavilion (Réunion dans le pavillon) et Fille et garçon avec leur maman ont été vendues aux prix respectifs de 2,7 milliards de dôngs (environ 135.000 dollars) et de 1,4 milliard de dôngs (environ 70.000 dollars).
Le prix élevé des vieilles œuvres picturales vietnamiennes sur le marché international en dit long sur l’admiration des amateurs étrangers vis-à-vis des peintres vietnamiens. Ces derniers ont fait la fierté de la nation dans leur domaine. Il reste cependant un regret : ces peintures ont toutes fini chez des collectionneurs étrangers, français notamment. «Les faits montrent que la peinture vietnamienne intéresse vivement les collectionneurs français. Il est certain que nombre d’entre eux sont en possession d’autres œuvres de grands peintres du Vietnam», conclut le peintre Trinh Công.



Qu’est ce que la peinture dite sur «soie lavée»?

C’était par hasard que le peintre Nguyên Phan Chanh est devenu créateur du style dit de la «soie lavée». La légende veut que durant sa vie estudiantine, Nguyên Phan Chanh ait été une fois renvoyé à cause de ses mauvaises notes. Le peintre Victor Tardieu, directeur de l’Université des beaux-arts d’Indochine, promit alors de lui permettre de poursuivre les études, à condition qu’il revienne avec de bonnes peintures.
De retour dans sa province natale de Hà Tinh (au Centre), le jeune Chanh s’adonne à la création, ambitionnant de s’affirmer de nouveau. Pour perfectionner sa peinture sur soie, il doit peindre et repeindre, s’y reprenant à plusieurs fois. Faute d’argent pour acheter de la soie, il imagine de laver, avec de l’eau, les dessins non réussis. Et de repeindre sur la soie déjà lavée.
Chose extraordinaire, les créations réalisées sur «soie lavée» de Nguyên Phan Chanh sont très appréciées par le professeur Victor Tardieu qui y voit un nouveau style. La peinture dite sur «soie lavée» est ainsi née.

Nghia Dàn/CVN



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