COVID-19
Les fraises ont du mal à arriver dans les assiettes

La ciflorette et la gariguette sont prêtes à être cueillies, mais une semaine avant le pic de production, les cultivateurs de fraises du Lot-et-Garonne ne sont pas certains d’avoir les bras nécessaires, ni ensuite les circuits de distribution.

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Récolte des fraises à Sainte-Livrade-sur-Lot.
Photo : AFP/VNA/CVN

Premier producteur national avec 15.000 tonnes de fraises par an, dont la moitié de gariguette, la variété phare, le Lot-et-Garonne est frappé de plein fouet par la crise du coronavirus et les mesures de confinement.

Les 360 fraisiculteurs du département sont très inquiets alors que la récolte a déjà débuté pour certaines variétés et qu’il leur faut chaque année 6.000 ouvriers agricoles saisonniers pour assurer la cueillette. Ces ouvriers souvent étrangers viennent surtout "d’Espagne, du Portugal, du Maroc ou de Pologne", dit Philippe Blouin, président de l’Association interprofessionnelle des fruits et légumes du Lot-et-Garonne (AIFLG). "Il en manque aujourd’hui la moitié environ, soit 3.000 saisonniers à cause de la fermeture des frontières avec ces pays. Les producteurs qui n’ont pas fait venir les ouvriers agricoles de l’étranger assez tôt sont en difficultés".

Patrick Jouy, fraisiculteur à Sainte-Livrade-sur-Lot, au nord d’Agen, produit sur 8 ha 400 tonnes de fraises par an, essentiellement de la ciflorette : "La semaine dernière, nous devions avoir 30 personnes qui devaient arriver, dit-il. Elles sont bloquées aux frontières polonaise et roumaine. Nous devions aussi avoir une équipe d’ouvriers marocains qui devait arriver prochainement. Ils sont bloqués également. À ce jour, nous ne sommes qu’à 40% de l’effectif".

"Dix ans à nous en remettre"

Fraises prêtes à être expédiées depuis Sainte-Livrade-sur-Lot.
Photo : AFP/VNA/CVN

La solidarité s’organise. La Chambre d’agriculture a créé une "Bourse à l’emploi agricole", dont "l’objectif est de mettre en relation les agriculteurs qui ont des ouvriers disponibles pour les prêter à d’autres qui ont des besoins de main- d’œuvre. Avec la bienveillance des services de l’État", explique Serge Bousquet-Cassagne, président de la Chambre.

La main-d’œuvre locale est aussi sollicitée par la filière fraise, comme l’a recommandé le ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume, qui a demandé "aux hommes et femmes qui n’ont plus d’activité (…) de rejoindre l’agriculture française".

"C’est une bonne chose, estime Philippe Blouin. Nous devons tous être solidaires face à ce problème de manque de main-d’œuvre. Le discours du ministre doit être relayé localement. Il est primordial de récolter pour éviter la faillite de certaines exploitations".

Ce n’est toutefois pas la solution idéale pour Patrick Jouy. "Nous avons pu recruter en début de semaine une vingtaine de personnes novices, des auto-entrepreneurs, des artisans, des demandeurs d’emplois, mais ce n’est pas triste ! Aujourd’hui il y a de moins en moins de fils d’agriculteurs et ils ne connaissent pas le métier. On a un problème de compétence et certains au bout de deux jours sont fatigués", déplore-t-il.

Pour lui, le principal problème n’est pas celui de la main-d’œuvre, mais plutôt du manque de débouchés pour sa production.

"La grande distribution ne nous achète plus notre production, elle a peur de la perdre à cause des mesures de confinement parce que la fraise ne se conserve pas longtemps. Ces derniers jours, nous n’avons rien vendu", relève-t-il.

"Le coup de grâce a été l’annonce du Premier ministre de fermer les marchés de plein air", un circuit court qui restait un important débouché.

Et lorsqu’il arrive à vendre sa production, Patrick Jouy est obligé de la brader. "Nous vendons aujourd’hui à 2 euros le kilo de la ciflorette, qui est un produit haut de gamme, au lieu de 8 à 10 euros habituellement, sachant que notre coût de production est à 6,50", souligne-t-il.

"Nous allons mettre dix ans à nous en remettre mais de nombreuses exploitations vont faire faillite, prévient-il. C’est catastrophique, les fraisiculteurs sont en danger".


AFP/VNA/CVN

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