Cela faisait longtemps que les habitants demandaient que soit fermée la décharge de Praeksa, qui empuantit leur quartier d'une lointaine banlieue industrielle. En vain.
Mais ce gigantesque incendie, qui a pollué l'air de l'est de Bangkok pendant huit jours au printemps, a suscité une esquisse de débat national sur la gestion des ordures.
Une décharge dans la périphérie de Bangkok, le 29 avril 2014. |
Une décharge dans la périphérie de Bangkok, le 29 avril 2014. |
Bangkok, mégalopole tentaculaire de 12 millions d'habitants, produit 10.000 tonnes d'ordures par jour, une part non négligeable des 27 millions de tonnes d'ordures annuelles générées dans ce pays, entre autres par des dizaines de millions de touristes.
La junte militaire arrivée au pouvoir par un coup d'État en mai a annoncé comme une priorité la gestion des ordures.
La Thaïlande n'est pas un cas unique. De Jakarta à Manille, les mégalopoles d'Asie du Sud-Est sont confrontées à la gestion de leurs décharges à ciel ouvert, avec des villes grandissant en dehors de toute planification urbanistique.
Les experts mettent en garde contre ces décharges, bombes à retardement pour l'environnement et les communautés contraintes de vivre à proximité.
Les décharges à ciel ouvert "offrent une solution rapide et facile sur le court-terme", constate une étude des Nations unies, mettant en garde contre des problèmes sanitaires à long terme causés par la contamination des terres et des eaux.
Fermer les décharges ?
Sur les 2.500 décharges que compte la Thaïlande, seule une sur cinq est correctement gérée, selon le Département de contrôle de la pollution du royaume.
Les autres sont à la merci de la décharge illégale (y compris de produits dangereux), des incendies et des infiltrations dans la nappe phréatique.
Le grand incendie du printemps à Praeksa a été suivi de plusieurs autres depuis, qui ont moins attiré l'attention. Et une dizaine d'incendies sont recensés chaque mois dans des décharges à travers le pays.
Au coeur du problème : le non-respect de la règlementation, selon l'ONG Ecological Alert and Recovery Thailand (EARTH).
Selon elle, 1,9 million de tonnes de déchets toxiques quittent les usines du pays chaque année sans être comptabilisés, les industriels préférant payer des pots-de-vin et enfouir illégalement leurs déchets.
Des jeunes thailandais passent à côté d'une décharge à ciel ouvert le 29 avril 2014 dans la banlieue de Bangkok. |
Des jeunes thailandais passent à côté d'une décharge à ciel ouvert le 29 avril 2014 dans la banlieue de Bangkok. |
"En Thaïlande, la croissance industrielle s'étend aux zones agricoles et résidentielles. Les gens qui vivent avec ce problème n'ont pas voix au chapitre. Et ceux qui restent sont les plus pauvres, qui ne peuvent pas déménager", dit Nicha Rakpanichmanee, de EARTH.
Pour ceux qui habitent près de la décharge de Praeska, dans la province de Samut Prakan, périphérie de Bangkok, l'intensité de l'incendie n'a fait que confirmer la présence de produits chimiques inflammables à deux pas de leurs maisons, alors que la décharge n'est censée accueillir que des déchets domestiques.
"Je ne veux pas que la décharge reste ici. Je veux qu'elle soit fermée", explique Jad Pimsorn, riveraine de 85 ans. "J'ai vécu avec cela, mais je ne veux pas que mes enfants et mes petits-enfants vivent ici comme moi", ajoute-t-elle.
L'opérateur de la décharge dément avoir autorisé le dépôt illégal de produits chimiques. "Mais il y a eu plusieurs compagnies qui ont géré la décharge avant moi", explique Krompol Samutsakorn à l'AFP.
Manque de moyens
Chaque foyer paye moins de 50 cents d'euro par mois pour les frais de collecte des ordures.
Par conséquent, les autorités locales manquent de fonds pour investir dans des incinérateurs de qualité ou des usines de recyclage.
Le chef de la junte, le général Chan-O-Cha, s'est emporté en août contre les décharges sauvages, suscitant l'espoir d'une planification, après des années de gestion à court terme des ordures, par des gouvernements à la durée de vie courte dans ce royaume à l'histoire politique agitée.
Alors qu'ils lancent un sac plein de nourriture en putréfaction mêlé à des bouteilles de verre, des éboueurs confient que les Thaïlandais doivent avant tout changer leurs habitudes, dans ce pays sans tri sélectif structuré.
"La quantité de déchets va augmenter... Nous pouvons aider en ramassant les ordures mais les gens ne peuvent pas compter uniquement sur nous", explique parmi eux Wutthichai Namuangrak.
AFP/VNA/CVN