>>Le PM français opposé à l'instauration de "quotas" en Europe
>>Immigration clandestine vers l'Espagne : un enfant caché dans une valise
Des migrants sont évacués en bus d'une caserne désaffectée, le 11 juin 2015 à Paris. |
Le soir du 11 juin, le feuilleton des évacuations de migrants dans le XVIIIe arrondissement semblait en passe de se clore, puisque 110 Africains qui avaient investi une caserne désaffectée se sont vu proposer une offre d'hébergement jusqu'au début de la semaine prochaine. Une attention toute particulière devait être apportée à l'accompagnement, pour éviter les erreurs de la première évacuation, lorsque certains s'étaient retrouvés sans soutien dans des hôtels très loin de Paris, et avaient préféré revenir sur la capitale.
Or le 12 juin, certains migrants de la caserne étaient revenus dans le XVIIIe arrondissement, théâtre de leur errance depuis le campement de La Chapelle évacué le 2 juin jusqu'au jardin associatif du Bois Dormoy, en passant la Halle Pajol. "Je figurais parmi les gens qui ont été emmenés à Nanterre", explique Dialo, un demandeur d'asile guinéen, qui s'apprête à passer la nuit dans les Jardins d'Eole plutôt que de dormir "avec des SDF ou des clochards, ou bien des fous".
"On préfère rester dehors. Parce que dehors on dort tranquillement parce que le matin lorsqu'on se réveille il n'y a pas à manger" dans les centres d'hébergement d'urgence, assure-t-il. Les migrants et leurs soutiens demandent un hébergement plus pérenne, et la maire de Paris Anne Hidalgo s'est dite en faveur d'un centre d'accueil où ils pourraient rester "une quinzaine de jours". Mais ce centre, encore au stade de la réflexion, ne répondra qu'à une partie du problème.
Mesures exceptionnelles
"On fait face à un flux de migrants sans précédent. Chaque jour de nouvelles personnes arrivent à Paris, certains commencent à revenir de Calais. La problématique va continuer à se poser", souligne-t-on à la Ville de Paris. Un autre campement témoigne du problème, non loin de la gare d'Austerlitz où près de 200 personnes sont installées sous la Cité de la mode depuis plusieurs mois.
Carte de la Méditerranée et avec les pays recevant le plus de migrants et nombre de morts depuis janvier 2015. |
La situation fait grincer des dents à l'extrême droite : David Rachline, sénateur FN du Var, s'est étonné "que l'on passe aujourd'hui notre temps à s'occuper des migrants", les responsables politiques devant selon lui "s'occuper prioritairement des Français". Les associations d'aide aux réfugiés appellent eux à regarder les choses en face.
"Ces arrivées, on en connaît les causes, on sait qu'elles ne vont pas s'arrêter, il y a là un phénomène exceptionnel qui demande des mesures exceptionnelles, or on continue d'appliquer les vieilles recettes en évacuant les gens et en les balayant pour ne pas les voir", s'indigne Geneviève Jacques, la présidente de la Cimade.
Plus de 100.000 migrants et réfugiés sont arrivés en Europe depuis le début de l'année via la Méditerranée, selon le porte-parole du Haut Commissariat aux réfugiés des Nations unies (HCR), avec une augmentation spectaculaire des arrivées en Grèce. Beaucoup fuient les conflits en Erythrée ou au Soudan, d'autres la pauvreté en Afrique de l'ouest. Certains vont demander l'asile, d'autres souhaitent gagner la Grande-Bretagne ou les pays nordiques.
Des migrants souhaitant passer en France attendent devant le poste frontière situé entre Vintimille en Italie et Menton, le 12 juin 2015. |
Au bout du compte la question des migrants en errance "est en train de se poser à la plupart des grandes villes européennes", note Pierre Henry, le directeur général de France Terre d'asile. "À Stockholm il n'y a jamais eu autant de monde dans les rue, à Rome c'est monnaie courante..."
À problème commun, solution commune. La Commission européenne a demandé en mai aux États membres de l'UE de prendre en charge 40.000 demandeurs d'asile arrivés en Italie et en Grèce. Une proposition "a minima", selon Pierre Henry. Mais les États peinent à s'entendre sur le sujet.
"Érgoter sur ce thème ne servira à rien", se désole le directeur général de France Terre d'asile. "Les postures et les slogans, en plus de la crise économique que nous traversons, mèneront en plus à une faillite morale".
AFP/VNA/CVN