>>Le bún cá de Hanoï, une spécialité culinaire à ne pas manquer
La carpe noire mijotée, un plat très prisé vendu dans la rue Câu Gô, au centre de Hanoï. |
Il est 05h00 du matin. La sonnerie de l’horloge réveille tous les membres de la famille de Nguyên Huu Nghi et Pham Thi Thanh Hang. Dans leur cuisine, sous la lumière jaunâtre de la vieille ampoule électrique, les carpes noires frétillent vivement dans de grandes bassines. Les épices traditionnelles exhalent leur bonne odeur.
Une vingtaine de grands pots en fonte sont posés sur les fourneaux. M. Nghi et ses petits-enfants se hâtent de préparer le cá kho - plat de poisson mijoté. Chaque étape de préparation, avant, pendant et après la cuisson, doit être effectuée avec soin et minutie.
Rien ne vaut le riz avec le poisson
Les grandes tranches de carpes noires sont soigneusement lavées avant d’être bien assaisonnées avec suffisamment de saumure de poisson, de sel, de sucre et de poivre. Le poisson est mis à mariner pendant plus d’une heure pour s’imprégner des épices avant d’être plongé dans les cocottes.
"Pour que le plat soit délicieux, le poisson doit être frais. Chaque couche de poisson doit être placée en alternance avec les autres ingrédients que sont poitrine de porc coupée en lardons, gingembre, galanga, citronnelle ou canne à sucre. Un surplus ou, au contraire, un manque de tel ou tel ingrédient peut ruiner le mets", explique Mme Hang.
Le secret du goût du cá kho de M. Nghi et Mme Hang ne réside pas seulement dans ses ingrédients. "La spécialité de ma famille est transmise depuis quatre générations, soit plus d’un demi-siècle. Ma grand-mère n’était pas cheffe de cuisine, mais son poisson mijoté était si excellent que tous les voisins des rues Câu Gô et Hàng Bè le connaissaient", raconte Mme Hang.
En effet, son cá kho d’héritage est spécial et ne peut être confondu avec ceux des autres régions. Les morceaux de poisson sont épais et fermes et dégagent un fumet fabuleux.
Servi chaud avec du riz, ce mets savoureux est particulièrement apprécié en hiver, surtout lors du Têt où l’on est souvent rassasié de plats à base de viande. Il suffit d’ouvrir le couvercle de la marmite pour qu’une odeur délicieuse s’en dégage et réveille les sens et l’appétit. Les morceaux de viande braisés de poisson gras sont cuits pendant plusieurs heures et fondent dans la bouche.
Ce plat peut se cuisiner avec diverses variétés de poisson du pays comme l’ophiocéphale maculé braisé au radis et la carpe noire au fruit de morelle (Solanum macrocarpon). De son côté, le cá kim (hemiramphidae) mijoté à la tomate satisfait même les consommateurs les plus exigeants.
Un plat traditionnel d’une grande renommée
Le "cá kho" exige une cuisson de plusieurs heures. |
Chaque jour, de longues files de clients se forment devant la maison de M. Nghi et Mme Hang. Ainsi, près de 200 kg de poisson mijoté s’écoulent quotidiennement, en l’espace des quelques heures de l’après-midi.
"Autrefois, ma grand-mère devait acheter le poisson au bord du fleuve Rouge. À cette époque-là, la pêche était rudimentaire et, de ce fait, il y avait des jours où elle ne pouvait pas s’approvisionner. À présent, je n’ai pas de problème pour m’en procurer. Je choisis toujours les poissons les plus frais pour un goût optimal", partage M. Nghi.
Dans la rue Câu Gô et ses environs, quelques boutiques affichent leur enseigne "Cá kho phô cô" (Poisson mijoté du Vieux quartier). Tous suivent une règle commune : quelques cocottes minutieusement rangées sur les tables anciennes, pas de publicité accrocheuse, ni de haut-parleur, uniquement des ventes l’après-midi.
Le cá kho est devenu un label renommé qui rappelle l’ambiance agitée d’autrefois du marché Hàng Bè. Le plat est tout simple mais les clients affluent sans cesse pour en apprécier la saveur.
"J’achète le poisson de Mme Hang depuis plus d’une décennie. J’aime préparer moi-même de bons plats pour ma famille, mais je n’ai jamais réussi à faire le poisson braisé. J’ai essayé de le cuisiner à plusieurs reprises, mais je ne peux pas recréer la saveur très caractéristique de celui de la famille de M. Nghi", avoue joyeusement Bùi Thi Thu Hà, de l’arrondissement de Dông Da.
"Le goût du poisson mijoté ici est si spécial. Mon frère travaille au Mozambique et chaque fois qu’il revient au Vietnam, il en achète pour rapporter à l’étranger et l’offrir à ses amis", informe Lê Hai Hung, de l’arrondissement de Hoàn Kiêm.
"J’ai entendu parler pour la première fois du +cá kho+ de la rue Câu Gô quand j’étais étudiante. Bien que je vive dans la province de Bac Ninh (Nord), je m’y rends chaque semaine pour compléter le menu de ma famille. J’ai découvert le véritable goût du mets grâce à M. Nghi", s’émeut Mme Thôn.
Quelle que soit la popularité de la marque, si la qualité n’est pas assurée, un produit ne pourra pas retenir les clients une deuxième fois. Actuellement, il existe de grands magasins et de nombreux restaurants luxueux, mais la plupart des clients fréquentent toujours les boutiques de poisson mijoté à la vietnamienne de la rue Câu Gô.
En un demi-siècle, il y a des clients qui ne se souviennent que de l’adresse de la maison sans connaître le nom de son propriétaire ou vice versa. Qu’importe. Pourvu que tous sachent qu’il y existe toujours le cá kho, un mets traditionnel de Hanoï, très typique et très populaire au Vietnam.