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Takaaki Kajita, 56 ans, et Arthur McDonald, 72 ans, se sont illustrés en infirmant définitivement un principe longtemps admis de la physique quantique selon lequel le neutrino n'avait pas de masse. Leurs conclusions signent en quelque sorte le triomphe de la matière sur l'antimatière.
Le Japonais Takaaki Kajita, co-lauréat du prix Nobel de physique, le 6 octobre à Tokyo. |
Leurs travaux "ont mené à la conclusion, d'une portée considérable, que les neutrinos, longtemps considérés comme n'ayant pas de masse, devaient en avoir une, quoique faible", a expliqué le jury suédois dans ses motivations, saluant une "découverte historique".
Joint par la Fondation Nobel, Takaaki Kajita a expliqué avoir appris qu'il était couronné par ses pairs suédois alors qu'il consultait son courrier électronique.
"C'est une vraie surprise pour moi", a-t-il réagi. "Ça reste un peu difficile à croire".
Arthur McDonald a évoqué pour sa part avoir vécu "quelque chose d'intimidant". "Je partage ce prix avec de nombreux collègues qui ont fourni un travail considérable", a-t-il dit.
Fantôme et caméléon, le neutrino a beau être un milliard de fois plus présent dans l'univers que chacun des constituants des atomes, il reste incroyablement difficile à détecter car il est dépourvu de charge électrique.
Son existence a été formulée dès 1931 par l'Autrichien Wolfgang Pauli, prix Nobel 1945, et prouvée expérimentalement, vingt-cinq ans plus tard, par l'Américain Frederick Reines, prix Nobel 1995.
En 2002, le Nobel récompensait un duo de physiciens américain et japonais, Raymond Davis et Masatoshi Koshiba, qui avaient révélé ses fameuses oscillations : au cours de sa propagation dans l'espace à une vitesse proche de la lumière, le neutrino a en effet l'étrange faculté de se métamorphoser en trois types distincts appelés "saveurs", en lien avec sa particule associée (électron, muon ou tauon).
Filets à neutrinos
Le neutrino n'avait pas encore livré tous ses secrets, les scientifiques ne parvenant toujours pas à s'entendre sur la masse de cette particule, certains la croyant nulle, d'autres très faible (inférieure au millionième de la masse de l'électron).
Le Canadien Arthur McDonald, co-lauréat du prix Nobel de physique 2015, le 6 octobre à Sudbury, en Ontario. |
Un des enjeux consistait à "capter" des neutrinos. Sur 10 milliards de neutrinos traversant la Terre, un seul interagira avec un atome de notre planète et il faudrait une année-lumière d'épaisseur de plomb pour arrêter la moitié de ces particules.
Takaaki Kajita, de l'université de Tokyo, et Arthur McDonald, de l'université Queen's à Kingston (Ontario, Canada), ont mis tout le monde d'accord en prenant des neutrinos dans les "filets" de leurs observatoires, le Super-Kamiokande au Japon et l'Observatoire de Sudbury au Canada.
Le prix était allé l'an dernier aux inventeurs de la diode électroluminescente (ampoule LED), une technologie aujourd'hui omniprésente dans notre quotidien.
Pour la petite histoire, la Fondation Nobel a rappelé mardi qu'en 1989 elle avait annoncé son prix de physique à un homonyme du lauréat, l'Américain Norman Ramsey, de formation... économique. "Ils avaient deviné que peut-être je pourrais être à Washington. Il y avait un Norman Ramsey là-bas. Et le président du comité l'a appelé", expliquait M. Ramsey en 2005.
Décédé en 2011 à l'âge de 96 ans, le physicien avait été primé pour ses travaux sur les horloges atomiques.
La saison 2015 des Nobel s'est ouverte lundi 5 octobre avec l'attribution du prix de médecine à trois chercheurs, l'Américain William Campbell, le Japonais Satoshi Ōmura et la Chinoise Tu Youyou, découvreurs de traitements contre les infections parasitaires et le paludisme.
Le prix est assorti d'une récompense de huit millions de couronnes suédoises (environ 855.000 euros), divisée le cas échéant entre les lauréats.
Le prix de chimie devait être annoncé mercredi 7 octobre, suivi de la littérature jeudi 8 octobre avec le nom du successeur de Patrick Modiano, de la paix vendredi 9 octobre et de l'économie lundi 12 octobre.