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Il ne fait pas de sieste, mais des «turbosiestes». Des fleurs ornent son bureau, mais des fleurs séchées, pour ne pas avoir besoin de les remplacer. Ses rendez-vous, il les fixe entre deux entrevues. Trân Van Công est un homme qui n’a pas de temps à perdre. Mais qui sait aussi prendre son temps. Assis entre deux bibliothèques, dans son bureau de l’Université de Hanoi, il sert le thé. «J’ai toujours eu plusieurs casquettes dans ma vie professionnelle», lâche-t-il. De multiples activités qui ont pourtant toutes un point commun : le français.
Trân Van Công dirige le Département de français de l’Université de Hanoi depuis le début de l’année. Quelque 400 étudiants en font partie. |
Photo : Angélique Rime/CVN |
Une langue qui «l’a choisi», dit-il. «Je n’ai commencé à l’apprendre qu’à l’université. L’année de mon entrée, seuls deux étudiants étaient inscrits en français. On m’a donc demandé d’abandonner la filière anglophone». Ses débuts à l’université, Trân Van Công, 46 ans, les décrit comme un «choc». «Les deux premières semaines, je n’ai rien compris». Puis vient le déclic. En deuxième année, il est premier de sa classe. Aujourd’hui, il dirige le département de français de l’Université de Hanoi, fort de 25 professeurs et de quelque 400 étudiants.
«J’aime la mélodie du français», détaille celui qui est né à Nam Dinh, à 90 kilomètres de la capitale. Un idiome qu’il manie depuis près de trente ans, avec lequel il se sent «plus à l’aise» que dans sa langue maternelle lorsqu’il s’agit d’aborder certains thèmes. «Cela fait longtemps que je parle plus français que vietnamien», sourit-il.
Thèse de doctorat sur Marguerite Duras
Féru de littérature, les murs de son appartement sont tapissés de livres. «J’en possède plus de cent sur la ville de Hanoi. J’en achète que je lirai lorsque je serai à la retraite!» Une inclinaison pour la lecture qui a débuté dès son enfance. «Une vieille dame vendait des livres dans la rue où j’habitais. Je l’aidais et elle m’autorisait à consulter certains ouvrages. Une chance pour l’époque». C’est ainsi qu’étudiant au collège, il se plongera dans Notre-Dame de Paris, de Victor Hugo, ou dans Les trois mousquetaires, d’Alexandre Dumas. «Pendant mes études, je préférais les auteurs du XIXe siècle à la littérature contemporaine. D’une part car je les connaissais mieux, mais aussi parce que la manière de penser des Vietnamiens de ma génération ressemble à celle des Français du XIXe siècle».
Le dernier livre qu’il a traduit du français en vietnamien était Meursault, contre-enquête, de l’auteur algérien Kamel Daoud (droite), présent à l’Espace, à Hanoi, en juin dernier. Photo : CTV/CVN |
Ses études en France, à l’Université Paris VII, lui élargiront son horizon littéraire. «J’ai découvert qu’il existait d’autres auteurs qu’Albert Camus ou Jean-Paul Sartre en littérature contemporaine». Parmi ses préférés, Marguerite Duras, Nathalie Sarraute ou encore Michel Butor. Il consacrera d’ailleurs sa thèse de doctorat à l’inceste dans les romans indochinois de Duras.
Plus que la littérature, Trân Van Công a aussi découvert un autre mode de vie sur le Vieux Continent. «C’était le paradis. Tout était abondant». La France reste d’ailleurs le pays qu’il préfère parmi ceux qu’il a pour l’heure visité, en Asie, en Afrique ou en Europe. «Certains de mes mandats, notamment ceux de membre du comité exécutif de l’Association des facultés et établissements de lettres et de sciences humaines ou de collaborateur de la bibliothèque nationale, me permettent de beaucoup voyager».
Trois mois pour écrire un roman
Après son retour de France, en 1997, Trân Van Công enseignera brièvement à l’Université de Huê, où il avait déjà fait ses premières armes en tant que professeur, avant de s’expatrier. Un tournant s’opère alors dans sa carrière. Il devient journaliste pour la chaîne VTV. Il y présentera le journal télévisé en français pendant près de dix ans, tout en gardant un pied dans le monde de l’enseignement, comme professeur invité du département de français de l’Université de Hanoi. Une fonction médiatique qui lui vaudra, outre des horaires de travail irréguliers, une certaine notoriété. «On me reconnaissait dans la rue à Paris ou à Bruxelles».
Alors qu’il est journaliste, il s’essaie à la traduction du vietnamien vers le français. Il se frotte d’abord à des scénarios de film. Puis à la littérature. Il fait aujourd’hui partie des rares, une vingtaine au maximum, à posséder cette compétence. Le dernier ouvrage qu’il a traduit : Meursault, contre-enquête, de l’écrivain algérien Kamel Daoud. «J’essaie de rester fidèle au maximum au texte de l’auteur. Sinon, tout est homogénéisé».
Trân Van Công transcrit également des nouvelles d’écrivains vietnamiens en français, publiées sur le site nico-paris.com. «Pour diffuser la littérature vietnamienne au-delà de nos frontières».
Plus qu’avec ceux des auteurs francophones, il jongle aussi avec ses propres mots. Il compose régulièrement des poèmes ou des nouvelles en vietnamien. Et de courts textes en français. «Je rêve d’avoir trois mois de libre pour me consacrer à l’écriture d’un roman en français. J’ai déjà le plan en tête. Ce sera sur le Vietnam, mais en relation avec la France».
Angélique Rime/CVN