La directrice du FMI, Christine Lagarde, à Washington le 15 janvier 2013. |
Les élus en ont sonné le glas mardi 25 mars en renonçant à inclure à une loi sur une aide à l’Ukraine un article entérinant la réforme du Fonds monétaire international (FMI) votée en 2010... sous la pression des États-Unis.
Le Trésor américain n’a pu que constater cet «échec» et exprimer sa «profonde déception».
Depuis près de deux ans, la ratification parlementaire américaine est la dernière pièce manquante de l’édifice, celle qui empêche l’entrée en vigueur de cette refonte qui doublerait les ressources permanentes du FMI, à 767 milliards de dollars, et renforcerait la voix des pays émergents.
Le Fonds a déploré à plusieurs reprises ce retard qui mine sa crédibilité et le condamne à refléter une vision dépassée du globe. Actuellement, les droits de vote de la Chine (3,8%), deuxième puissance économique mondiale, ne sont ainsi guère plus élevés que ceux de l’Italie (3,3%).
Fin février, les principaux pays industrialisés et émergents du G20 avaient dit «regretter profondément» le blocage de la réforme, sans toutefois mentionner directement les États-Unis.
Implicitement pointé du doigt, l’exécutif américain a déjà essayé la voie parlementaire classique mais il s’est heurté à l’opposition farouche des républicains, méfiants vis-à-vis d’une institution qui a renfloué des pays perçus comme laxistes tels que la Grèce.
Contourner l’obstacle
Pour contourner l’obstacle, l’administration Obama pensait pouvoir s’appuyer sur le consensus entourant la crise en Ukraine. Au bord du gouffre financier et mis sous pression par Moscou, le pays a requis fin février l’aide urgente du FMI et de la communauté internationale.
La Maison Blanche a répondu à l’appel et promis un milliard de dollars de prêts garantis à Kiev tout en insistant sur la nécessité de ratifier la réforme du Fonds afin que l’Ukraine puisse bénéficier d’une aide plus importante de l’institution.
«Ces réformes permettront au FMI de fournir les ressources nécessaires à l’Ukraine tout en préservant le leadership des États-Unis au sein de l’institution», dont ils sont le premier actionnaire, avait notamment assuré le secrétaire au Trésor américain, Jacob Lew.
L’administration avait également pris soin de préciser que la réforme se ferait à coût constant pour les États-Unis, via le transfert de 63 milliards de dollars déjà alloués au Fonds par le pays.
Mais l’argument n’a pas pris auprès des élus républicains. «Le FMI a déjà tous les pouvoirs dont il a besoin pour faire face aux besoins financiers de l’Ukraine», a ainsi assuré le sénateur James Inhofe.
Selon Ted Cruz, étoile montante du parti républicain, cette refonte du FMI favoriserait par ailleurs «de manière disproportionnée» les pays émergents dont la Russie, pourtant au premier rang des accusés dans la crise ukrainienne.
Si la réforme était adoptée, Moscou verrait ainsi ses droits de vote au FMI passer de 2,3% à 2,5%.
En cette année d’élections législatives, les démocrates ont finalement préféré battre en retraite et renoncer à s’engager dans un combat technique qui n’a que peu de résonance dans l’électorat américain.
La directrice générale du FMI, Christine Lagarde, qui s’était engagée personnellement dans la bataille, a été contrainte d’exprimer sa «profonde déception».
«Ces réformes auraient renforcé la capacité du FMI de répondre aux besoins de nos États-membres», a-t-elle regretté dans un communiqué.
La décision tombe mal à quelques semaines de la traditionnelle assemblée de printemps du FMI qui fête ses 70 années d’existence cette année et reste accusé d’être l’instrument des Occidentaux. En vertu d’une une règle tacite, le patron du FMI reste ainsi nommé par les Européens tandis que les Américains désignent le président de la Banque mondiale.
Mme Lagarde assure qu’elle "continuera" le combat pour cette réforme tout en formant l’espoir que les autorités américaines y accorderont «la haute priorité qu’elle mérite».
AFP/VNA/CVN