>>La vie paisible sur l’archipel de Truong Sa après la réunification
>>Des potagers verts à Truong Sa malgré les difficultés
La couverture du livre Les Kiêu bào avec l’archipel Truong Sa. |
Photo : Hiêu Constant/CVN |
Hiệu Constant a pris 3 ans pour écrire son livre de souvenirs de ce voyage de 10 jours à Truong Sa. Sur 185 pages, l’auteure partage beaucoup les sentiments et les émotions ressentis sur île par la délégation au contact des habitants.
Le Courrier du Vietnam a interviewé Hiêu Constant pour mieux comprendre la vie des gens, les habitants mais aussi les soldats stationnés sur place pour protéger la souveraineté nationale de ces îles.
Quel est votre souvenir le plus marquant du séjour à Truong Sa ?
Pour nous autres, vietnamiens vivant à l'étranger et participant à cette 10e mission en visite de ces îles de Truong Sa, chaque moment et chaque rencontre avec les officiers, soldats et habitants sont à jamais gravés dans nos mémoires. Personnellement, deux événements m’ont marqué particulièrement, et leurs souvenirs résonnent encore très nettement dans ma tête.
Le premier, est la cérémonie organisée par la délégation pour rendre hommage aux officiers et aux soldats qui se sont sacrifiés pour la souveraineté nationale de ces îles. Parmi ces soldats, 64 ont perdu la vie lors de la bataille de Gac Ma. C’était très émouvant. Encore maintenant, assise devant mon écran d’ordinateur à vous parler, je me sens émue. Il faut imaginer tout le monde réuni sur l’héliport du navire pour la cérémonie au milieu de la mer immense.
Cérémonie en hommage aux officiers et aux soldats qui se sont sacrifiés pour la souveraineté du Vietnam dans la bataille de Gac Ma. |
Photo : Hiêu Constant/CVN |
L'espace était légèrement parfumé d'encens et seul le son de la musique de la cérémonie perçait le silence des personnes réunies. Puis le contre-amiral Dô Minh Thai a prononcé son discours de gratitude envers les soldats en notre nom à tous. La voix du contre-amiral s'étrangla par moment et les participants tentèrent de retenir leurs sanglots mais chacun de nous était en larmes. Tout à coup, le temps changea au moment où les couronnes funéraires dédiées aux morts furent jetées dans la mer. De gros nuages se formèrent et des éclairs déchirèrent le ciel. Cela ne dura qu’une trentaine de minutes, puis le ciel s’éclaira de nouveau, la nuit tomba et la lune apparut.
Le deuxième événement que je garde en tête est la nuit où notre délégation a quitté la grande île de Truong Sa. Les chansons de marins nous accompagnant résonnent toujours dans nos mémoires, comme les phrases scandées puissamment : "Les Kiêu bào aiment Truong Sa" et puis sa réplique. "Truong Sa aime les Kiêu bào". On avait le sentiment qu’on n’allait jamais se quitter. Nos bras en l’air s'agitaient, les larmes coulaient sur nos visages souriants.
J’ai vécu un autre moment également, plus personnel. Sur l’île, j’ai rencontré deux officiers de Thuong Tin, mon canton natal. Il s’agit du lieutenant-colonel Nguyên Van Truong et du commandant Nguyên Ba Doan. C’était tellement inattendu et émouvant ! Ce serait trop long de vous raconter toute cette rencontre. Mais je l’ai décrite dans un court passage de mon livre. Avant que ce livre ne soit publié, j'ai appris que Truong avait pris sa retraite de l’armée. Quant à Doan, il est retourné vivre dans la ville de Cân Tho, où il était déjà en garnison avant d'être envoyé à Trường Sa.
Quelle est votre évaluation de la vie des habitants et des soldats vietnamiens dans l’archipel Truong Sa ? Et surtout sur la protection de la souveraineté des îles du Vietnam ?
Je connais Trường Sa depuis longtemps, depuis la fin des années 80, à l’époque où je commençais ma vie d’étudiante à Hanoi. Près de chez moi vivait un officier marin qui avait quelques années de plus que moi. Quand j’entrais à l’université, il terminait ses études dans une école militaire d’officier, avant de partir en poste à Cam Ranh.
Pendant toutes mes années universitaires, nous nous sommes écrits. Je lui racontais l’actualité de la capitale, la pluie et le beau temps, mes cours à la fac et parfois ce qu’il se passait à Thuong Tin, notre district natal à la campagne. Quant à lui, il me parlait de la mer, en mentionnant le nom des îles que ses camarades et lui étaient en train de construire. À l’époque, je ne savais pas qu’on construisait des îles, je croyais qu’il s’agissait de la construction des maisons sur les îles…
Mais il faut reconnaître qu’à l’époque, il n’y avait pas beaucoup de moyens pour accéder aux informations comme maintenant. Dans les médias, on parlait beaucoup moins de Truong Sa.
Puis un peu plus tard, j’ai lu les livres Dao Chim (Les récifs) de Trân Dang Khoa, et Truong Ca Biên (Epopée de la mer) de Huu Thinh. J’ai commencé à avoir une idée plus claire des îles de Truong Sa et j’ai commencé à m’intéresser de plus près à la vie des êtres humains sur ces îles, puis aux conflits entres les pays qui touchent la mer de l’Est.
J’assistais plus souvent aux conférences, aux projections de films qui parlent de Truong Sa… Puis avec notre délégation, j’ai pu interviewer plusieurs personnes qui étaient à Truong Sa dans les années 90, qui m’ont donc raconté ce qu’elles y ont connu.
Des soldats vietnamiens avec les Viêt kiêu à l’archipel Truong Sa. |
Photo : Hiêu Constant/CVN |
Lors de mon passage sur les îles de Truong Sa, par rapport à ce que j’ai entendu ou vu, la vie s’y est largement améliorée, bien qu’il y manque encore beaucoup de choses comparé à une vie normale sur la terre ferme. Dans les grandes îles, j’ai vu des maisons bien solides, j’ai vu des écoles avec des jeunes maîtres et des enfants bien disciplinés, des pagodes et des potagers fleurissants. La modernité s’installe petit à petit sur ces îles grâce à l’électricité, les éoliennes et les panneaux solaires…
Les visiteurs ont été ravis de voir l'atmosphère joyeuse, les visages accueillants des officiers, des soldats et des habitants. Leurs vies se sont également beaucoup améliorées, notamment en ce qui concerne l’agriculture. Les potagers de liseron d’eau sont assez grands, il y a des rangées d'épinards, tous sont soigneusement recouverts, je pense que c'est pour se protéger de l'eau salée de la mer quand arrive un gros orage.
Quant à la protection de la souveraineté des îles du Vietnam, à mon niveau, c’est un peu délicat d’en parler mais je comprends les embarras concernant le territoire maritime qui créent parfois l’incompréhension de certains vietnamiens. De ce que j’ai vu et de ce que j’ai senti dans mon voyage aux îles de Truong Sa, je peux seulement dire que je suis à la fois très fière et émue. Je suis fière de la beauté magnifique de nos îles, de notre mer, de nos jeunes marins qui tiennent toujours bon devant toutes ces menaces permanentes d’ennemis plus forts et plus puissants que nous.
Quels sont vos sentiments quand vous retournez au Vietnam, en particulier après votre court séjour à l’archipel Truong Sa ? Quelle est l’idée principale de votre livre ?
Grâce à mon travail, je peux souvent rentrer au pays, mais cette fois-ci, c’était très différent. À partir du moment où j'ai reçu la nouvelle de mon voyage au Vietnam pour rejoindre la délégation de la 10e mission pour visiter l'archipel Truong Sa et la plate-forme DK1, j'étais très excitée et je pense que je ne suis pas la seule Vietnamienne d'outre-mer qui l’était à ce moment. Je rentre souvent au pays, mais je me suis dit que ce serait un voyage pas comme les autres et qu’il s’agissait d’une expérience spéciale dans ma vie.
Hiêu Constant sur la plate-forme de DK1/18. |
Photo : Hiêu Constant/CVN |
L'idée principale était de relater ce que je vivais a l’instant ou j’étais sur place, notamment mes émotions et celles des membres de la délégation pendant les rencontres avec les marins, officiers et soldats, et les habitants sur les îles. J’avais aussi envie de mettre en valeur la beauté héroïque, la force vaillante de l'armée et du peuple vietnamien en général et de la marine vietnamienne en particulier.
À travers ce livre, j'espère que l'ensemble du peuple vietnamien, au pays et à l'étranger, partagera ces mêmes réflexions pour protéger la souveraineté de la mer territoriale, pour un Vietnam solidaire, uni et développé !
Quel est le point fort et le point faible de votre livre ?
C’est difficile pour l’auteur de parler de point fort et de point faible de son propre ouvrage ! Mais je peux quand même dire que mon livre Les Kiêu bào avec l’archipel Truong Sa pourra attirer l’attention des beaucoup de lecteurs, de tout genre. Jusqu’à présent, il y a beaucoup d’articles sur Truong Sa mais peu de livre comme le mien, c’est un livre assez complet sur la vie, l’ambiance et les progrés réalisés sur ces îles. En plus, le livre fait la part belle aux émotions ressenties sur les îles au contact de leurs habitants. En revanche, je reconnais au moins un point faible, comme le poète Trân Dang Khoa l’a dit, c’est que j’ai pu visiter seulement dix îles et une plateforme. Il me reste tellement d’endroits à découvrir !
Hiêu Constant, née en 1971, sous le nom de jeune fille Lê Thi Hiệu au district de Thuong Tin dans la province de l’ancien Hà Tây. Elle a été diplômée de l’université de Hanoï, dans la faculté de la langue étrangère, au département du français, en 1994 (promotion K34). Elle s’installe à Paris en 1998. Elle a ensuite fait deux ans à l’université de Sorbonne IV à Paris, spécialisée dans la littérature comparée. Elle commence sa carrière de traductrice en 2004 en traduisant le livre couronné du Prix Goncourt de Paule Constant Nỗi niềm (Confidence pour confidence). Sa carrière de romancière débute en 2008 avec son roman Côn Trùng. Elle a traduit plus de 70 ouvrages et elle est l’auteure de quatre romans, un recueil de nouvelles et un livre autobiographique. Hiêu Constant est son pseudonyme.