France
Le blues des producteurs de porc malgré la remontée des cours

Malgré des perspectives prometteuses et une nette remontée des cours ces derniers mois, les éleveurs de porcs, au cœur d'une production mondialisée, peinent à reprendre confiance.

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Des acheteurs participent au Marché du porc breton à Plérin.
Photo : AFP/VNA/CVN

Les producteurs "sont fatigués. La moitié d'entre eux vont arriver à l'âge de la retraite dans les cinq prochaines années et ils ont connu des périodes très difficiles financièrement", constate Didier Lucas, président de la chambre d'agriculture des Côtes-d'Armor. "Ils ont tellement souffert, ils ne croient plus trop aux miracles", renchérit Pascal Le Duot, président du Marché du porc breton (MPB), à Plérin, près de Saint-Brieuc, pourtant convaincu lui-même que les cours "vont remonter".

L'année 2019 a marqué un record, avec un prix moyen à 1,496 euro le kilo, "le plus haut jamais atteint depuis 1992", selon le MPB. Lundi 3 février, pour la première cotation bihebdomadaire, le cours s'est maintenu à 1,46 euro/kg au cadran du MPB qui sert de référence au plan national. Bien loin des 1,70 euro/kg enregistrés pendant quelques semaines à l'automne. Bien loin aussi des 1,17 euro/kg observés il y a un an, pendant tout le premier semestre 2019.

Mais cette chute brutale, de 1,70 à 1,45 euro, "ça a vraiment plombé le moral des producteurs" et "ça ne les incite pas à faire les investissements nécessaires", poursuit le responsable agricole. "Ils sont attentistes (...) ils essaient d'abord de remettre leurs comptes dans le vert, puis de se rémunérer", résume Pascal Le Duot.

"Le prix français a plongé un peu plus que les autres" concurrents européens, observe Jan-Pieter Van Ferneij, économiste à l'Ifip, l'institut du porc. "Les Espagnols sont payés 15 centimes de plus au kilo et les Allemands 20 centimes...", confirme Didier Lucas. Pour François Valy, président de la Fédération nationale porcine (FNP), la branche porcine de la puissante FNSEA (Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles), les abattoirs ont tendance en France à tirer les prix vers le bas "et la grande distribution s'est chargée d'asséner le coup de massue".

"Spoliation" ?

Les négociations annuelles sont en cours entre producteurs et distributeurs, rappelle le syndicaliste, et selon lui la grande distribution cherche à se garantir des prix d’approvisionnement bas pour l'année à venir.

Francois Valy, président de la Fédération nationale porcine (FNP)
Photo : AFP/VNA/CVN

"Les éleveurs de porcs français sont victimes d'une véritable spoliation par l'aval de la filière", dénonçait la FRSEA Bretagne dans un récent communiqué. Pour François Valy, les abattoirs "ne se rendent pas compte qu'ils scient la branche sur laquelle ils sont assis parce que, face au manque de visibilité sur les prix, des éleveurs arrêtent et on va perdre en capacité de production".

Outre les pressions des abattoirs et de la grande distribution, l'analyste voit aussi dans la chute des prix l'effet notamment des grèves qui compliquent les exportations, tout autant que le coronavirus : "Normalement, en cette période de Nouvel An chinois, il aurait dû y avoir une forte demande mais les Chinois ont d'autres préoccupations", explique-t-il.

Malgré ces aléas, M. Van Ferneij dresse pourtant des perspectives positives, tant que la France reste à l'écart de la Fièvre porcine agricole (FPA). L'épidémie, pour laquelle il n'existe ni traitement ni vaccin, touche une cinquantaine de pays et a décimé le cheptel chinois. Le virus a été signalé depuis deux ans en Europe, notamment près de l'Allemagne, premier producteur européen.

"L'ensemble des pays producteurs dans le monde sont incapables de répondre à la demande chinoise (...) et la situation mondiale ne change pas: il manque toujours 25% de la demande", fait valoir l'économiste, tout en reconnaissant l'extrême sensibilité du marché : "Il suffit de très peu de variations pour créer des tensions".

Ceci dit, "personne ne sait où en est le repeuplement en Chine et combien de temps il leur faudra" pour reprendre leur place de numéro un mondial, reconnaît M. Van Ferneij. C'est aussi un des éléments qui inquiète Didier Lucas : "en 2014, la Russie importait 750.000 tonnes par an. Depuis, en moins de cinq ans, ils sont devenus exportateurs, avec un système de bio-sécurité à toute épreuve. Qui dit qu'il n'en sera pas de même avec la Chine ?"


AFP/VNA/CVN

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