Ce pays isolé, enclavé entre l'Inde et la Chine, est connu pour sa promotion du "Bonheur national brut", fondée sur la défense de l'identité nationale et sur une croissance économique "responsable" et respectueuse de l'environnement.
Le Bhoutan, peuplé de 700.000 habitants, est déjà un producteur d'électricité "neutre en carbone", la plus grande partie de sa production étant générée par des centrales utilisant l'énergie des cascades qui dévalent le long d'un paysage spectaculaire. Mais le pays se sent démuni face aux changements du climat qui menacent les projets d'exploitation de l'énergie issue de la fonte des neiges de l'Himalaya, a déclaré le Premier ministre, Jigmi Thinley. "Les glaciers reculent très vite, certains sont même en train de disparaître. Le flux d'eau dans nos rivières évolue d'une façon très inquiétante", a-t-il dit lors d'un entretien dans la capitale Thimphou. "L'été, elles débordent de leurs lits comme jamais auparavant, et l'hiver, elles sont presque desséchées. Le réchauffement climatique est réel et l'impact sur notre énergie hydraulique est très sérieux".
Le pays veut multiplier par sept sa capacité de production hydroélectrique pour la faire passer de 1.500 mégawatts (MW) générés par quatre centrales à 10.000 MW grâce à dix nouvelles centrales d'ici 2020.
En vendant l'électricité à l'Inde, qui cherche de nouvelles sources d'approvisionnement pour alimenter sa croissance, le Bhoutan, un pays dépendant de l'aide extérieure, espérait asseoir son autonomie économique d'ici 2018.
5.000 mètres d'altitude
Mais le Premier ministre estime que le gouvernement risque de devoir reconsidérer cet objectif. "L'énergie hydraulique pourrait ne pas être la source de revenus que nous escomptions", estime-t-il aujourd'hui. "La différence du niveau d'eau dans les rivières entre l'été et l'hiver est telle qu'on doit importer de l'électricité d'Inde".
L'augmentation des eaux de fonte provoquée par des étés chauds a aussi contribué à la création de lacs de montagne qui menacent la population dans les vallées.
Le gouvernement est en train de mettre en place un système d'alerte pour prévenir les autorités en cas de rupture des barrages naturels qui retiennent actuellement l'eau des lacs.
En 1994, le lac Lugge, dans le Nord, s'était rompu, tuant 21 personnes.
Actuellement, une équipe de 200 à 300 ouvriers et ingénieurs sont à pied d'oeuvre dans cette même région pour diminuer le niveau du plus grand lac glaciaire du pays, appelé Thorthormi.
Les ouvriers, qui ne peuvent travailler que pendant les mois d'été dans cette zone inhospitalière, creusent actuellement un canal de drainage pour réduire de cinq mètres le niveau du lac.
Tout le matériel doit être amené à pied, en passant par des altitudes de 5.000 mètres. "C'est l'exemple saisissant que le changement climatique n'est pas un sujet théorique devant encore été débattu. Nous y sommes confrontés et devons tenter d'atténuer" ses effets, juge Karma Tshiteem, secrétaire de la commission du Bonheur national brut, une agence d'État donnant des directives politiques.
Le 19 novembre, le Bhoutan accueillera une conférence à laquelle assisteront l'Inde, le Népal et le Bangladesh pour discuter des moyens permettant de limiter l'impact du réchauffement climatique dans la chaîne de l'Himalaya, qui alimente en eau 1,3 milliard d'habitants.
AFP/VNA/CVN