Réfugiés
L'Allemagne fait volte-face et réintroduit des contrôles frontaliers

La crise migratoire en Europe s'est spectaculairement aggravée le 13 septembre : après leur avoir ouvert grand ses portes, l'Allemagne a réintroduit des contrôles à ses frontières pour "contenir" l'afflux des dizaines milliers de réfugiés, suspendant la libre circulation dans l'espace européen.

>>Le flot de migrants se poursuit vers l'Allemagne, pro et antimigrants battent le pavé

Des réfugiés arrivent à la gare de Berlin Schoenefeld en provenance de Munich le 13 septembre.

Ce flux de migrants ne se tarit pas et continue de susciter des drames aux portes du continent : trente-quatre personnes, dont quatre bébés et onze enfants, sont encore morts noyés dimanche en Méditerranée, dans le naufrage de leur embarcation au large de l'île grecque de Farmakonis à 15 km des côtes turques.

"L'Allemagne introduit provisoirement des contrôles à ses frontières, en particulier avec l'Autriche", point de passage privilégié des réfugiés vers l'Allemagne, a déclaré à la presse le ministre allemand de l'Intérieur, Thomas de Maizière à Berlin.

Ces deux pays appartiennent à l'espace Schengen qui fonctionne comme un espace unique sans contrôle obligatoire des frontières internes. Cette décision a été rapidement mise en œuvre. L'annonce de Berlin marque un net durcissement de la position allemande.

Durcissement

Carte des îles grecques localisant Farmakonis où 28 personnes sont mortes noyées après le naufrage de leur embarcation.

Le pays avait décidé fin août de faire une entorse aux règles européennes au profit notamment des Syriens fuyant la guerre et qui, entrés illégalement, n'ont plus été renvoyés dans leur pays d'arrivée dans l'UE.

Cette mansuétude est désormais remise en cause. Les demandeurs d'asile doivent comprendre "qu'ils ne peuvent se choisir les États où ils chercheront protection", a prévenu le ministre allemand, alors que son pays attend un record de 800.000 demandeurs d'asile cette année.

Berlin entend en revenir à un stricte application des règles européennes : les demandes d'asile doivent être déposées dans le premier pays d'entrée de l'UE.

Sur ce point Berlin a reçu le soutien de Paris, qui a appelé au "respect scrupuleux par chacun des pays de l'Union européenne des règles de Schengen". "C’est faute de leur respect que l’Allemagne a décidé d’établir temporairement des contrôles à ses frontières", a déclaré le ministre français de l'Intrieur. Le trafic ferroviaire entre l'Allemagne et l'Autriche a été suspendu.

La République tchèque a elle aussi annoncé le renforcement des contrôles à sa frontière avec l'Autriche, tout comme la police hongroise qui a déclaré l'"état d'alerte" pour ses effectifs dans le sud et l'ouest du pays, frontaliers de l'Autriche et de la Slovénie.

La chancelière allemande Angela Merkel, après avoir fait montre de générosité, a finalement effectué une volte-face en raison notamment des difficultés logistiques croissantes pour accueillir les demandeurs d'asile.

La principale porte d'entrée en Allemagne, la ville de Munich, est proche de la saturation, avec 63.000 réfugiés en deux semaines arrivant par les Balkans et l'Europe centrale.

Au cours de la seule journée du 12 septembre quelque 13.000 demandeurs d'asile ont été comptabilisés dans la capitale bavaroise - soit autant qu'un précédent record remontant au 6 septembre - et encore 3.000 de plus jusqu'au 13 septembre 16h00 (14h00 GMT).

Des réfugiés reçoivent de la nourriture et de l'eau à leur arrivée à Berlin, à bord d'un train spécial affrété à Munich, le 13 septembre
Photo : AFP/VNA/CVN

La ville est à "l'extrême limite" de ses capacités, selon les autorités locales: au cours du week-end, des dizaines de demandeurs d'asile ont dû dormir dehors sur des matelas isotherme et avec des couvertures, faute de place dans les foyers.

Les autorités locales envisageaient même, avant la réintroduction des contrôles aux frontières, de réquisitionner le stade olympique de la métropole, où ont eu lieu les JO d'été de 1972, pour des hébergements.

Urgence d'un plan européen

Réagissant au durcissement de la position de Berlin, la Commission européenne a jugé que cette annonce "soulignait l'urgence" de parvenir à un plan européen de répartition des nouveaux arrivants.

Des migrants logés dans un gymnase à Berlin le 12 septembre
Photo : AFP/VNA/CVN

Elle est en effet survenue à la veille d'une réunion extraordinaire des ministres de l'Intérieur de l'UE à Bruxelles, où sera discutée la répartition des réfugiés par quotas, voulue par l'Allemagne et la Commission, qui exhorte les pays européens à se répartir l'accueil de 160.000 réfugiés au total.

Les discussions s'annoncent compliquées. À l'instar de la plupart des pays de l'Est de l'Europe, la Slovaquie a réitéré dimanche 13 septembre son opposition à un tel système, assurant qu'elle allait "faire tout (...) pour convaincre l'Europe que les quotas sont un non-sens".

Porte-drapeau de la ligne dure face au flux de migrants, le Premier ministre hongrois Viktor Orban a salué comme "nécessaire" la décision de l'Allemagne. La Hongrie a enregistré le 12 septembre un nouveau record d'arrivées, avec 4.330 entrées.

Des milliers de migrants se sont livrés ce week-end à une véritable course contre la montre pour tenter de gagner le pays, avant la fermeture hermétique de sa frontière avec la Serbie avec des barbelés. Ils rejoignaient la frontière en marchant à pied, côté serbe, le long d'une voie ferrée jonchée de bouteilles d'eau vides, vêtements et couvertures détrempés par les pluies des derniers jours et d'immondices puantes, vraisemblablement abandonnés par ceux qui les ont précédés sur ce même chemin.

AFP/VNA/CVN

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