L'étude, qui s'appuie sur des données recueillies dans différentes régions du monde, a identifié ce qui paraît être une règle universelle : quand les stocks de poissons baissent en-deçà du tiers de leur niveau maximum, les oiseaux font beaucoup moins de poussins, selon Philippe Cury, qui a coordonné ce travail.
"On a vu qu'en dessous de ce seuil le succès de production des espèces (d'oiseaux) diminuait fortement, cela représente une limite en-deçà de laquelle il ne faut pas exploiter les ressources marines", explique ce directeur de recherche à l'Institut de recherche pour le développement (IRD) à Sète (Sud de la France).
L'étude internationale, signée par 14 chercheurs, a comparé des "séries longues" d'observations du nombre d'oisillons de 14 espèces d'oiseaux marins à l'évolution de la biomasse de poissons dans sept régions du globe, de la Californie à la Nouvelle-Zélande, en passant par la mer du Nord, l'Alaska ou l'Afrique du Sud.
Ce travail est inédit par son ampleur, estime M. Cury. Il s'appuie sur des observations réalisées sur des périodes de 15 à 45 ans, selon les régions, soit au total "438 années" cumulées de données, et pas simplement sur des modèles.
Les chercheurs ont étudié des populations d'oiseaux marins dont les manchots, les mouettes, les macareux, les fous de Bassan dont l'alimentation est constituée de sardines, d'anchois, de harengs, de crevettes, des espèces aujourd'hui pêchées de façon industrielle.
Et ont ainsi identifié ce seuil commun-environ un tiers de la valeur maximale en biomasse des poissons- en deçà duquel la reproduction des oiseaux commence à décliner. "Dans à peu près tous les écosystèmes étudiés, on voit que le seuil a été franchi à un moment ou un autre", souligne le chercheur français.
"Ce qu'il faut, c'est absolument ne pas rester longtemps sous ce seuil, car cela hypothèque alors le devenir des populations d'oiseaux", ajoute-t-il, citant des exemples de baisse importante de populations constatée chez des manchots en Afrique du Sud ou des macareux en mer du Nord. "Il y a une énorme tension" sur les espèces de poissons concernées, pêchées principalement pour servir d'alimentation à d'autres espèces en aquaculture et qui représentent près de 40% des captures mondiales, souligne-t-il. Ce sont, rappelle-t-il, "des espèces cruciales dans l'écosystème qui jouent un rôle extrêmement stabilisateur."
AFP/VNA/CVN