Le brillant roi Trân Nhân Tông (1258-1308), intelligent et courageux, résiste avec son peuple à deux invasions mongoles, aidé par le général Trân Hung Dao. Après la victoire, il laisse le trône à son fils. Quelques années après (1298), il se retire dans un monastère et, avec deux autres bonzes, fonde la secte de Truc Lâm (Forêts de bambous) à Yên Tu. Son inspiration poétique est très variée :
L’image de la blanche aigrette dans un poème du roi Trân Nhân Tông. |
Matin de printemps
À mon réveil, j’ouvre ma fenêtre,
Je ne peux vraiment douter
de la venue du printemps.
Un couple de papillons blancs
Battant des ailes, voltigent
sur les fleurs.
Crépuscule sur Thiên Truong (1)
Les villages s’estompent
dans la brume,
Irréels dans la lumière du soir.
Les pâtres soufflant dans leurs flûtes ont ramené les buffles.
Des couples de blanches aigrettes
se posent sur les rizières.
Lune
Près de la fenêtre entrouverte,
un lit jonché de livres, aux clartés
de la lampe.
La rosée d’automne perle la cour, l’air avec la nuit devient
plus léger.
Quand je m’éveille, le bruit
des battoirs (2) a cessé de troubler
le silence.
La lune qui paraît sertit les grappes de fleurs Moc (3)
Au palais royal de Thiên Truong (4)
Dans cette solitude, êtres et choses sont d’une douceur infinie,
C’est ici la plus belle des douze régions du pays (5).
Des oiseaux chantent à cent voix : véritable concert !
Et tels des milliers de gardes,
les mandariniers en rangées.
Une lune sereine éclaire l’homme
en paix,
Et le ciel d’automne se mire aux eaux d’automne.
Les quatre mers sont apaisées, les tourbillons de poussière posés.
Ce séjour, plus encore que l’an passé, me charme.
Reçu Trang Nguyên (Premier Docteur aux concours mandarinaux), Huyên Quang (1254-1334) abandonne très tôt la carrière mandarinale pour se faire bonze, rejoignant la secte Truc Lâm (forêt de bambous) à Yên Tu. Ses poèmes respirent la joie de l’âme au sein de la nature :
Pour Huyên Quang, les chrysanthèmes épanouises annoncent |
Chrysanthèmes
M’oubliant moi-même, la vie, et toutes choses,
En silence, je reste longtemps assis sur ce lit de fraîcheur.
L’année approche de sa fin.
Dans la montagne, nul calendrier.
Les chrysanthèmes épanouis annoncent le temps «Trùng Duong» (6).
Maison dans la montagne
La nuit est avancée, le vent d’automne souffle sur la véranda,
La maison se blottit dans les lianes vertes.
Depuis longtemps, mon cœur s’éclaire à la lumière du Thiên (7).
Pour qui le grillon lance-t-il
ses tristes plaintes ?
Promenade en barque
La barque file au gré du vent,
sur l’immensité des eaux,
La montagne verte et l’eau bleue baignent dans la lumière d’automne.
Le son des flûtes de pêcheurs glisse au-delà des fleurs de roseau,
La lune tombe au creux des flots,
et le brouillard couvre le fleuve.
Impressions de printemps
Une belle jeune fille de seize ans brode nonchalamment,
Sous les fleurs de gainier chante
un loriot jaune.
Combien pénible l’émotion printanière confuse qui l’envahit,
Retenant son aiguille et les mots sur ses lèvres.
L’ermitage de Yên Tu
Là-haut, proche du ciel, l’ermitage est bien froid,
Sa porte s’ouvre au-dessus
des nuages.
Le soleil, haut d’une perche, éclaire
la grotte du Dragon (8),
La couche glacée, sur le ruisseau
du Tigre (9), reste épaisse d’un mètre.
Pour préserver ma maladresse,
je n’ai pu trouver un autre moyen,
Un frêle bâton de rotin soutient
mon corps débile.
La forêt de bambous accueille tant d’oiseaux
Dont la plupart sont les amis
du bonze paisible.
Sieste
La pluie a cessé, montagne et ruisseau baignent dans le silence.
Au cœur de la forêt d’érables,
on plonge dans un sommeil plein
de fraîcheur.
Jetant un regard sur le monde
des poussières,
Même les yeux ouverts, une douce ivresse vous engourdit encore.
(1) Thiên Truong : district (dans l’actuelle province de Nam Dinh) où est situé Tuc Mac, village d’origine des Trân. Là se trouvaient des palais de villégiature royaux.
(2) Battoir fait de pierre. En automne, on bat le linge en prévision des jours d’hiver.
(3) Moc : caryotamitis, olivier odorant.
(4) Après avoir battu deux fois les mongols, le roi rend visite à son village natal à Thiên Truong. Bùi Huy Bich attribue ce poème au roi Trân Nhân Tông et Ngô Thoi Si, au roi Trân Thanh Tông.
(5) Sous les Trân, le pays était divisé en 12 lô (région). Thiên Truong en tant que lieu d’origine de la famille royale, figure en tête de la liste.
(6) Trùng Duong («Chiffre yang doublé » : le nombre 9 est considéré comme celui du principe yang), fête du 9e jour du 9e mois lunaire. Les chrysanthèmes s’ouvrent en automne, en général au 9e mois.
(7) Thiên : méditation bouddhique.
(8)Long Dong (Grotte du Dragon) : site pittoresque du mont Yên Tu choisi comme domicile par Huyên Quang.
(9) Ho Khe (source du Tigre) : près de la pagode de Dong Lam (Chine). Le bonze Tuê Viên de cette pagode ne dépassait jamais les limites du Ho Khe quand il accompagnait ses visiteurs.
Huu Ngoc/CVN