"Tu as l'air un peu grognon, pas vrai?" , lance l'écologiste Shirleen Helps, en prenant délicatement dans ses mains un petit manchot, qui, apeuré, pousse des cris aigus.
L'oiseau, mécontent qu'on le dépose ensuite dans un panier pour chat, vient d'être découvert affamé sur la propriété de cette habitante de Christchurch, sur la côte est de l'île méridionale.
La population de cette colonie de petits manchots bleus, la plus petite espèce de manchots au monde, a considérablement diminué cette année, à cause des changements climatiques qui ont provoqué une chute des stocks de poissons en mer.
Shirleen Helps a trouvé une place pour son protégé, baptisé Morgan, dans un refuge spécialisé à Christchurch, mais selon elle, des centaines de manchots bleus sont morts sur le littoral.
"Beaucoup d'oisillons sont morts de faim avant que nous ayons pu les secourir, ensuite les adultes commencent aussi à souffrir et deviennent trop maigres pour résister à la mue de leurs plumes. On a sans doute perdu cette année 80 à 90% des oisillons" , estime-t-elle.
Le service de l'Environnement de Nouvelle-Zélande a indiqué que le principal responsable de cette hécatombe était le phénomène climatique La Niña, caractérisé par des eaux inhabituellement fraîches dans le centre et l'Est de l'océan Pacifique.
Une série de catastrophes naturelles, dont les récentes inondations historiques en Australie et une terrible sécheresse dans l'Est de l'Afrique et sur la côte Ouest de l'Amérique du Sud, seraient également liées à cet épisode climatique, selon des experts des Nations unies.
Les responsables de l'Environnement néo-zélandais ont indiqué s'attendre à ce que le phénomène La Niña, le plus marqué depuis 25 ans, provoque la mort de milliers de manchots cette année, en raison de la diminution de la population de "baitfish", poissons argentés dont se nourrissent ces oiseaux marins.
Une mer calme, autre phénomène propre à La Niña, "empêche la circulation des eaux ce qui complique la recherche de nourriture pour les oiseaux. Ceux qui se nourrissent de poissons doivent se battre pour survivre" , a indiqué Kate Mcinnes, vétérinaire.
Des autopsies pratiquées ce mois-ci sur 18 manchots, trouvés morts sur les côtes néo-zélandaises, ont révélé qu'ils n'avaient rien dans l'estomac, et qu'ils étaient morts de faim et de l'exposition au soleil.
La population de quelque 50.000 manchots bleus du pays au long nuage blanc devrait toutefois se remettre de cet été austral meurtrier, mais les experts pointent d'autres menaces telles que les animaux sauvages ou la destruction de leur habitat par l'urbanisation.
Dans le refuge où Shirleen Helps a déposé Morgan, 24 autres de ses congénères sont déjà pris en charge, et seraient morts s'ils n'avaient été secourus. "La plupart d'entre eux ont des palmes cassées ou paralysées, certains ne parviennent plus à s'alimenter, et il faut les aider, d'autres encore ont le bec cassé" , a expliqué Mallorie Hackett, qui soigne les animaux.
Pour Shirleen, cette "infirmerie" pour manchots offre un service précieux car les oiseaux ne sont rendus à la nature, qu'une fois remis sur pieds. "C'est dur de les remettre à la mer quand vous savez qu'ils n'ont pas beaucoup de chances de s'en sortir" , a-t-elle déclaré.
AFP/VNA/CVN