La styliste bolivienne Eliana Paco dans son atelier à La Paz. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Autrefois symboles de discrimination, ces jupes colorées, que l’on accompagne d’un châle en laine d’alpaga et d’un petit chapeau melon en équilibre sur la tête, sont aujourd’hui portées fièrement par les femmes indigènes boliviennes.
C’est une marque d’«identité et de fierté», assure à la créatrice, qui était présente à la Fashion Week de New York pour faire connaître ces tenues typiques du pays sud-américain.
Dans son atelier de La Paz, Eliana Paco, indigène Aymara de 34 ans aux longs cheveux noirs rassemblés en deux tresses, revêt elle-même l’habit traditionnel, auquel elle a apporté une touche de «sophistication pour traverser les frontières».
Au sein-même de la Bolivie, pays gouverné depuis 2006 par Evo Morales, premier président indigène de son histoire, il est de plus en plus fréquent de voir des ministres, des magistrats ou des présentatrices de télévision vêtues à la mode «cholita» (diminutif de «chola», nom parfois péjoratif pour désigner une femme indigène).
Mère de trois enfants, Eliana Paco n’en revient pas d’avoir pu présenter sa collection Pachamama (Terre mère, en langue quechua) en 2016 à la prestigieuse Fashion Week de New York.
Sa collection avait été auparavant dévoilée au palais du gouvernement à La Paz, reflet du soutien des autorités boliviennes à son projet.
«C’est la première fois qu’un costume de femme chola parvient jusqu’aux défilés de mode (de la Fashion Week) avec 12 mannequins internationaux portant nos tenues», se réjouit-elle.
L’uniforme de la cholita, que les Boliviennes enfilent aussi bien au quotidien que lors des grandes célébrations, comporte trois ou quatre couches - chacune requiert jusqu’à six mètres de tissu - pour former une jupe tombant sous les genoux et pouvant peser jusqu’à 10 kilos.
Agatha Ruiz de la Prada enthousiaste
Des créations d’Eliana Paco. |
L’ensemble coûte entre 1.500 et 30.000 bolivianos (200 à 4.300 dollars) et lors des grands événements sociaux ou religieux, les femmes les plus coquettes l’ornent de bijoux en or ou en argent - métaux dont la Bolivie est un des grands producteurs mondiaux - et de pierres précieuses.
La créatrice espagnole Agatha Ruiz de la Prada, connue pour ses pièces farfelues et colorées, ne pouvait qu’être séduite : «J’adore les tenues de cholita, cela me rappelle beaucoup Yves Saint Laurent et (Giorgio) Armani à sa grande époque, quand il utilisait des chapeaux Borsalino», confie-t-elle à Lima, où elle est venue présenter sa propre collection.
«Jusqu’à présent il n’y avait pas de (créatrice de mode) cholita avec un sens du marketing et elle, elle l’a», dit-elle à propos de Eliana Paco : «J’adorerais pouvoir emmener ses créations à Madrid, à Paris».
C’est justement le prochain objectif de la Bolivienne : «Je crois qu’il est possible que les femmes européennes utilisent le châle ou le chapeau (des cholitas) dans leur vie quotidienne», assure Eliana sans jamais perdre son sourire.
Elle imagine ainsi ces châles bariolés se combiner avec une robe de style occidental ou une simple paire de jeans.
Pour Adriana Barriga, de l’Agence municipale de La Paz pour le développement touristique, les tenues cholitas «font partie de la culture» et sont «un attrait touristique très apprécié» pour les visiteurs venant découvrir la Bolivie.
Eliana Paco souligne aussi le formidable travail derrière chacune de ses créations : tricotées à la main, elles peuvent nécessiter jusqu’à deux semaines de labeur par une équipe de trois personnes.
«Pour moi cela signifie la culture, l’identité, la fierté, le travail, car la femme chola travaille beaucoup, elle travaille dur», commente-t-elle.
Et derrière cette mode, «il y a aussi l’affirmation de la femme comme indépendante et professionnelle».
AFP/VNA/CVN