>>La ligne ferroviaire à grande vitesse Nord-Sud en projet
>>Le rail vietnamien doit passer à la vitesse supérieure
La ligne ferroviaire Nord-Sud favorisera l’essor économique
Nguyên Ngoc Dông, vice-ministre des Communications et des Transports
Quand le ministère des Communications et des Transports (MCT) propose au gouvernement son projet de modernisation de la ligne ferroviaire Nord-Sud d’un montant d’investissement de 58,7 milliards de dollars, il pense à une stratégie de longue haleine. Outre la restauration des infrastructures existantes, il ambitionne de construire une nouvelle ligne parallèle dont l’écartement des voies sera de 1,435 m. Elle permettra une vitesse de 320-350 km/h.
Ce projet se divisera en deux phases, la première concernant le tronçon reliant la capitale Hanoï à la ville de Vinh (province de Nghê An, Centre), et celui entre Hô Chi Minh-Ville et la ville de Nha Trang (province de Khanh Hoà, Centre). La construction prendra une trentaine d’années. La répartition des travaux pour chaque période sera appréciée en fonction de l’évolution du secteur national des transports.
Le MCT a soigneusement étudié l’élaboration de ce projet. En particulier, nous avons comparé ses avantages et inconvénients. Dès le début, nous voulons investir beaucoup dans les infrastructures pour que la ligne puisse accueillir des trains à grande vitesse. Si l’on ne construit que des infrastructures pour les trains circulant à 200 km/h, il faudra ensuite remplacer les anciens rails pour que de nouveaux puissent assurer le service de trains roulant à 350 km/h. Cela entraînera un gaspillage car le coût sera très élevé. Raison pour laquelle, nous pensons que les infrastructures doivent être totalement modifiées dès le commencement des travaux.
Pour ce projet, les possibilités de récupérer pleinement les investissements sont faibles. Cependant, il s’agit d’un casse-tête commun des travaux de lignes ferroviaires dans le monde. Mais en échange, l’efficacité économique des lignes ferroviaires est grande car comme vous le savez, les coûts de transports affectent énormément la compétitivité de l’économie. Concernant l’investissement proprement dit, les infrastructures seront prises en charge par l’État, tandis que la construction et l’exploitation des wagons seront confiées au privé.
Pham Chi Lan, économiste
Actuellement, la ligne ferroviaire Nord-Sud du pays garde son écartement des voies d’un mètre hérité de l’époque coloniale française alors que le monde utilise maintenant celui de 1,435 m. Cet ancien gabarit limite la vitesse et rend difficile le remplacement de nouveaux wagons construits aux normes internationales.
Lorsque le MCT présenta pour la première fois en 2010 le projet de modernisation de la ligne ferroviaire Nord-Sud à grande vitesse au gouvernement, les experts vietnamiens suggèrent de se limiter à la restauration des rails actuels et à l’élargissement de leur gabarit pour atteindre le niveau de 1,435 m, afin d’accueillir des trains roulant à 150-200km/h. Et après un certain temps, si l’on voit un effet économique positif, on pensera à la construction d’une deuxième ligne parallèle.
Je pense que quelle que soit la ligne choisie, normale ou à grande vitesse, elle devra assurer à la fois le transport de passagers et le fret. L’idée du MCT de construire une ligne TGV d’un investissement de 58,7 milliards de dollars pour servir uniquement les passagers est imprécise car elle amène à réduire des deux-tiers son efficacité économique.
Je trouve parfaitement convenable la proposition du ministère du Plan et de l’Investissement (MPI) et des experts allemands et néerlandais selon laquelle la meilleure solution est d’améliorer progressivement cette ligne pour la transformer, selon une feuille de route, en ligne à grande vitesse, avant de penser à la construction immédiate d’une deuxième ligne parallèle.
Dans son rapport présenté au Premier ministre Nguyên Xuân Phuc, le MPI a cité en exemples l’Allemagne et les Pays-Bas, qui ont réussi à améliorer et transformer des lignes de petit gabarit et à faible vitesse en celles à grande vitesse de 230-300 km/h.
Trop tôt pour un lourd investissement dans une ligne à grande vitesse
Trân Van Tho, Professeur d’économie à l’Université Waseda de Tokyo (Japon)
Il y a neuf ans, le gouvernement a collecté les avis d’experts sur le projet présenté par le MCT. Après de profondes analyses, ils l’ont jugé infaisable car il ne répondait pas aux besoins de développement socio-économique du pays. En examinant l’expérience japonaise et la situation du Vietnam, j’ai également exprimé un avis défavorable. Heureusement, à ce moment-là, l’Assemblée nationale a voté contre.
Maintenant, si le MCT veut proposer à nouveau ce projet, il doit revoir les avis et analyses précédentes et prouver que les conditions actuelles du pays sont différentes de celles d’il y a neuf ans. À mon avis, sur la base de critères tels qu’efficacité économique, capacités de gestion, de finances et de technologies, la situation actuelle n’est pas différente de celle d’il y a neuf ans. Autrement dit, ce n’est pas le moment pour le Vietnam de mettre en œuvre un projet de train à grande vitesse engloutissant un investissement aussi colossal. De plus, une fois lancé dans ce projet, le pays devra en reporter d’autres plus urgents et plus importants.
En voyant les projets ferroviaires actuels comme la ligne urbaine Cat Linh - Hà Dông à Hanoï, celle de métro à Hô Chi Minh-Ville, je pense que le Vietnam devra améliorer davantage ses compétences de gestion de fonds d’investissement et de maîtrise des technologies avant de penser à un projet aussi couteux.
La proposition du MPI de ne verser que 26 milliards de dollars pour investir dans des rails capables de permettre une vitesse de 200 km/h est plus réaliste et permettra à la fois de transporter des passagers et du fret.
Pour les dix ans à venir, il faut privilégier la construction de lignes ferroviaires standards. Par ailleurs, outre la rénovation et la modernisation de la ligne ferroviaire Nord-Sud, il est nécessaire d’étendre le réseau ferroviaire dans les provinces du delta du Mékong et le relier à celui du Nord.
Synthèse de Bùi Phuong/CVN