"L'accord n'est pas équitable, adéquat ou raisonnable", a déclaré le juge fédéral de New York, Denny Chin, dans une décision aussitôt regrettée par Google, la Guilde (syndicat) des auteurs et l'Association des éditeurs américains.
Ils étaient parvenus à un accord en octobre 2008 censé mettre fin à des poursuites lancées en 2005, portant sur les droits d'auteur de livres numérisés devenus rares ou introuvables, mais n'étant pas encore tombés dans le domaine public.
L'accord prévoyait que Google verse 125 millions de dollars pour rémunérer les auteurs dont les oeuvres auraient été numérisées sans autorisation, et établisse un "Fonds de droits du livre" assurant un revenu aux auteurs acceptant que leurs livres soient numérisés.
L'accord ayant été bloqué, la situation actuelle est gelée : Google ne met en ligne que de très courts extraits de ces livres épuisés et soumis à droits d'auteur.
Si l'accord avait été approuvé, Google aurait mis en ligne jusqu'à 20% de ces ouvrages, les internautes devant payer pour accéder à l'intégralité de l'ouvrage. Les recettes auraient été reversées au "Fonds de droits du livre". Mais le juge a soulevé plusieurs objections, se montrant en particulier réticent à récompenser Google "pour s'être lancé dans la copie à grande échelle d'ouvrages couverts par des droits d'auteur sans permission".
De fait, argumente le juge, on peut penser que "l'accord donnerait à Google le contrôle du marché de la recherche", puisque c'est à travers les sites du groupe que seraient référencés les contenus de ces ouvrages.
Cet aspect "est essentiel pour nous", a expliqué Gary Reback, le directeur juridique du collectif Open Book Alliance, opposé à l'accord. Ce collectif comprend notamment des concurrents de Google comme Microsoft et Amazon, ainsi que des représentants d'auteurs et de bibliothèques.
Le juge Chin a relevé qu'une solution pourrait être envisageable si la participation des auteurs et éditeurs à l'accord était optionnelle (opt-in), alors que l'accord la rend automatique sauf exception (opt-out). Mais comme l'a noté M. Reback, il est improbable que Google cède sur ce point. "Nous allons (...) envisager nos options", a seulement dit une responsable du service juridique de Google, Hilary Ware. "Comme beaucoup d'autres, nous pensons que cet accord a le potentiel d'ouvrir l'accès à des millions de livres qui sont actuellement difficiles à trouver aux États-Unis. Quelle que soit l'issue, nous continuerons à travailler pour que plus de livres puissent être découverts en ligne grâce à Google Books et Google eBooks", a-t-elle ajouté.
Le président de la Guilde (syndicat) des Auteurs, Scott Turow, a également regretté la décision du juge, estimant que "cette bibliothèque d'Alexandrie des livres épuisés semble perdue pour le moment. Ouvrir un bien plus grand accès aux livres épuisés grâce aux nouvelles technologies qui créent de nouveaux marchés, c'est une idée dont le temps est venu", a ajouté M. Turow.
Les éditeurs, partie prenante à l'accord, ont comme lui espéré pouvoir parvenir à un nouvel accord.
Reste que pour l'association de défense des consommateurs Consumer Watchdog, la justice a infligé une vraie gifle à Google. "Google fonctionne entièrement sur le principe de ne jamais demander de permission, et de demander pardon si nécessaire", a déclaré John Simpson, un responsable de cette organisation.
Le ministère de la Justice américain a dit être "satisfait" de la décision du juge, indiquant avoir "fait valoir devant le tribunal que, en l'état, l'accord entre Google, les auteurs et les éditeurs... nourrissait des inquiétudes en ce qui concerne le respect des lois antitrusts" et des droits.
AFP/VNA/CVN