Dans l'immédiat, le paysage énergétique allemand ne devrait pas être bouleversé par l'annonce, mardi par la chancelière Angela Merkel, de l'arrêt forcé, pour au moins trois mois, des sept plus anciens réacteurs sur les 17 que compte le pays.
La production des réacteurs mis à l'arrêt, en plus d'un huitième déjà éteint pour des raisons techniques, correspond en effet au surplus d'électricité actuellement produit en Allemagne, selon le ministère de l'Économie. Mais la pause forcée pourrait se prolonger car le gouvernement a décidé de réexaminer l'allongement de la durée de vie de douze ans en moyenne qu'il venait tout juste de consentir fin 2009 aux réacteurs nucléaires, et plusieurs centrales paraissent d'ores et déjà définitivement condamnées.
Quel scénario si les 17 réacteurs allemands, censés fonctionner jusqu'après 2030, devaient s'arrêter de tourner plus tôt? Chaque entreprise ou lobby tente déjà de jouer sa carte.
Le président de l'Agence allemande de l'environnement, Jochen Flasbarth, a calculé que l'Allemagne pouvait se passer définitivement de neuf de ses réacteurs "sans porter atteinte à la sécurité énergétique et sans devoir importer davantage".
À plus long terme, "en dix ans, il est possible de remplacer toutes les centrales nucléaires en accélérant le développement des énergies renouvelables et la construction de centrales à gaz", affirme le Centre allemand de technique aérospatiale, également actif dans la conception de turbines à gaz.
Il prévient toutefois qu'un tel bouleversement "irait de pair avec une augmentation de 40 millions de tonnes par an des émissions de CO2 et des coûts de production plus élevés".
La fédération BDEW, qui représente les énergies conventionnelles (gaz et charbon), a estimé que "se reposer sur les capacités existantes n'était pas une solution en soi", et plaidé pour la construction de nouvelles centrales à charbon, une énergie qui représente déjà près de la moitié de la production d'électricité en Allemagne.
Le BDEW a également fait valoir qu'en l'état, charbon et gaz restaient indispensables pour compenser les fortes fluctuations dans la production des énergies renouvelables.
La fédération des énergies vertes, le BEE, a elle assuré que le vent, le soleil et la biomasse étaient en mesure d'assurer d'ici 2020 quelque 47% de la consommation allemande d'électricité. "Et nous pensons qu'il est possible d'atteindre 100% dès 2030, à condition de faire un très gros effort", notamment pour développer les techniques de stockage d'électricité et renforcer un réseau électrique inadapté au boom des énergies vertes, a dit Daniel Kluge, porte-parole du BEE.
Un tel scénario de sortie accélérée du nucléaire pour passer au "tout renouvelable" coûterait quelque 230 milliards d'euros en investissements et ferait flamber les factures d'électricité, affirme toutefois l'hebdomadaire Der Spiegel, dans son édition Internet.
Sans compter qu'un tel tournant nécessiterait l'implantation tous azimuts d'éoliennes géantes et le développement accéléré de lignes à haute tension, déjà objets de vives réticences au niveau local. "Est-ce faisable avec les colériques citoyens allemands?", s'interroge le magazine.
AFP/VNA/CVN