La dernière fabrique de jambon de Paris... à Paris

Au petit matin, de légers effluves de cochon grillé remontent la rue de Charonne, dans un quartier populaire de l’Est parisien. Et personne n’imaginerait qu’au 166, cachée dans la cour d’un HLM, se trouve Doumbea-Sojadam, la dernière fabrique de jambon de Paris... à Paris.

Cette humble charcuterie, qui accompagnera la purée des enfants ou finira avec des cornichons dans un sandwich, est ici fabriquée à la main, tel un produit de luxe, et bien différemment des jambons industriels vendus en barquette dans les supermarchés.

Plusieurs fois par semaine le rituel est le même : des gros bras déchargent les cuisses de cochons exclusivement français, fraîchement arrivées du marché de gros de Rungis ou d’un abattoir de Normandie.

Malgré le joli succès que connaît le jambon blanc, il n’en reste à Paris qu’une seule fabrique artisanale.

Le jambon sera découpé entier, bien loin des produits d’assemblage mélangeant les viandes de plusieurs cochons. À l’heure où les scandales alimentaires et les escroqueries traversant les frontières ont sapé la confiance des consommateurs, chaque jambon ici a l’ADN d’un seul cochon.

Ensuite Daniel Rochon répète depuis plus de trente ans les mêmes gestes : trouver l’artère et injecter avec une aiguille de la saumure. Le sang gicle sur son tablier et les veines se remplissent de ce bouillon de légumes et de sel de Guérande, prisé des gastronomes, pour préserver la viande et lui donner son goût.

Ensuite la cuisse passe dans d’autres mains qui la désossent, la trempent et la mettent en chaussette pour la mouler. Avant de partir au four pour une cuisson à cœur pendant 8/9 heures à 68 degrés exactement.

«On travaille comme des artisans, tout est fait à la main», commente le patron, Yves Le Guel, un ancien chimiste reconverti dans la charcuterie. Son jambon, appelé le «Prince de Paris», ne subit aucun traitement mécanique des viandes (baratte, sabreuse), et n’a ni colorants, ni conservateurs. Conséquence : il ne se garde donc que 15 jours.

«L’industriel, lui, il malaxe la viande et ajoute des polyphosphates pour maintenir l’eau dans la viande. Son jambon, il a 20 à 30% d’eau. Chez moi, la cuisse arrive à 11,5 kilos et ressort à 8 kilos», donc pas d’eau pour gonfler la balance, ajoute-t-il.

Rose clair versus rose flashy

Résultat : un jambon rose clair (et pas rose flashy comme dans les rayons des supermarchés), à l’aspect mat (un jambon luisant est mauvais signe, disent les professionnels), en forme ovale et authentique en bouche.

Yves-Marie Le Bourdonnec, boucher star à Paris, ne vend qu’un seul jambon blanc : le «Prince de Paris», marqué au fer d’une Tour Eiffel. À quelque 20 euros le kilo, il est un peu plus cher que les jambons des supermarchés, entre 14 à 18 euros le kilo.

Le jambon «Prince de Paris» ne subit aucun traitement mécanique des viandes (baratte, sabreuse), et n’a ni colorants, ni conservateurs.

«C’est le meilleur, très naturel, avec le bon assaisonnement», confie M. Le Bourdonnec.

C’est la recette de bouillon de légumes qui fait la différence, formule bien évidemment jalousement gardée, reconnaît Yves Le Guel.

Seul défaut pour Le Bourdonnec : comme il n’est pas baratté, il se tient «très mal» donc «il faut vendre le jambon entier dans la journée».

Yves Le Guel sert aussi d’autres bouchers ou charcutiers, des grands chefs comme Yannick Alléno, des palaces parisiens et des épiceries fines comme Fauchon.

Sa salaison et ses 13 petites paires de mains préparent chaque semaine 500 jambons qui sont vendus à plus de 80% à Paris et dans sa banlieue. Mais il exporte aussi à l’étranger, en Thaïlande ou en Roumanie notamment.

Outre la qualité, son argument de vente est d’être «la dernière salaison à faire le traditionnel jambon de Paris (avec la couenne) dans Paris».

Mais attention, ce n’est pas le dernier à faire du jambon blanc à Paris. «Un certain nombre de charcutiers traiteurs de Paris fabriquent encore leur jambon blanc» pour leur clientèle, comme 60% des artisans charcutiers de France, tient à préciser Joël Mauvigney, président de la Confédération des charcutiers traiteurs. Mais ils le font en petite quantité, quelques jambons par semaine seulement, en plus du reste.

Estampillé «Saveurs Paris Ile-de-France» par le Centre régional de valorisation et d’innovation agricole et alimentaire (Cervia), organisme de la Région Ile-de-France, Yves Le Guel regarde maintenant vers l’Asie.

Avec un chiffre d’affaires de 2 millions d’euros, en hausse encore de 30% l’an dernier, l’avenir semble plus rose (clair) que jamais. Mais Yves Le Guel et son fils, Florian, en route pour la relève, le promettent : «si on grossit, on continuera à embaucher mais fabriquer avec des machines, jamais !».

AFP/VNA/CVN

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