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Une femme tient des algues, sur le rivage à Rameswaram, dans l’État indien du Tamil Nadu. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Drapée dans un sari et une tunique chatoyants, Lakshmi Murgesan plonge dans les eaux tropicales de la côte Sud de l’Inde pour une moisson d’algues rouges, se livrant à cette "culture miracle" qui, selon les scientifiques, absorbe plus de dioxyde de carbone que les forêts.
Drapée dans un sari et une tunique chatoyants, Lakshmi Murgesan plonge dans les eaux tropicales de la côte Sud de l’Inde pour une moisson d’algues rouges, se livrant à cette "culture miracle" qui, selon les scientifiques, absorbe plus de dioxyde de carbone que les forêts.
Murgesan fait partie d’un groupe de femmes qui cultivent, récoltent et font sécher ensemble ces algues à Rameswaram, dans l’État du Tamil Nadu, faisant face au Sri Lanka. À bord de radeaux en bambous, elles moissonnent jusqu’à 200 kg d’algues en l’espace de 45 jours, aussitôt expédiées sur les marchés du monde entier par l’intermédiaire d’AquAgri, une société privée associée au gouvernement qui promeut la culture des algues.
On en est friand en Asie de l’Est et du Sud-Est, à l’instar du Japon qui utilise l’algue rouge Porphyra dans la production du célèbre "nori" omniprésent dans la gastronomie nippone depuis des siècles. Les algues riches en nutriments entrent également dans la composition de médicaments, de cosmétiques, de biofertilisants et même de biocarburants.
"Les algues sont utilisées comme biostimulants dans les cultures augmentant leur productivité et les rendant plus résistantes aux stress climatiques", ajoute Abhiram Seth, directeur général d’AquAgri.
"Comme des nettoyeuses"
"Les algues agissent comme des nettoyeuses, elles assainissent l’eau, explique-t-il, en plus, les cultivateurs d’algues sont assurés d’un revenu durable".
Les scientifiques étudient l’apport de la culture des algues dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, pour inverser l’acidification des océans et protéger la biodiversité marine. Les algues peuvent potentiellement profiter à l’environnement et aux populations locales.
Des femmes travaillent à la culture d’algues sur un radeau en bambou dans les eaux au large de Rameswaram, dans l’État indien du Tamil Nadu. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
"Cela demande beaucoup de travail, mais cela peut me rapporter de bons gains pour environ quatre mois de travail", déclare Murgesan, tirant 20.000 roupies (265 USD) par mois de la culture des algues.
Sans cela, "mes enfants n’auraient pas eu d’éducation", dit-elle tout sourire en sortant de l’eau, mais "j’ai pu envoyer mes enfants à l’université".
Il existe des milliers de variétés répartie en trois grands groupes : les algues brunes (Phaeophyceae), communément appelées varech, les algues vertes (Chlorophyta) et les algues rouges (Rhodophyta).
Selon Ganesan, un scientifique spécialiste de l’écosystème marin, les algues marines absorbent cinq fois plus de carbone que les forêts terrestres. "C’est une culture miracle à bien des égards, elle est écologique, elle n’utilise ni terre ni eau douce. Elle absorbe le dioxyde de carbone dissous dans l’eau lors de la photosynthèse et apporte de l’oxygène l’ensemble de l’écosystème marin", informe l’expert.
Crainte d’une surexploitation
Mais l’équilibre de cet écosystème doit être préservé. "La surexploitation des algues présente des risques pour de nombreuses créatures vivant dans les récifs, comme les oursins et les poissons de récif, qui s’en nourrissent", met en garde Naveen Namboothri, biologiste marin de la Dakshin Foundation, organisation à but non lucratif.
Conscientes de ces écueils, les cultivatrices disent veiller à ne récolter qu’une douzaine de jours par mois et jamais entre avril et juin, principale saison de reproduction des poissons.
Vijaya Muthuraman, qui n’a jamais été scolarisée, s’appuie sur les connaissances traditionnelles pour s’assurer qu’elle agit sans perturber l’écosystème. "Nous ne cultivons que ce dont nous avons besoin et de manière à ne pas nuire aux poissons ou à ne pas les tuer", assure-t-elle, assise au bord du doux ressac après sa journée de labeur.
L’Inde, 3e plus grand émetteur de carbone au monde, derrière la Chine et les États-Unis, et dotée d’un littoral long de 8.000 km, cherche à accroître sa production d’algues de 30.000 tonnes actuellement à plus d’un million de tonnes d’ici 2025.
Le gouvernement a annoncé en juillet quelque 85 millions d’USD de subventions pour des initiatives de culture d’algues marines au cours des cinq prochaines années. Pourtant, le pays continue aussi à investir dans l’exploitation du charbon et ne s’est pas encore fixé de date pour parvenir à la neutralité carbone.
Au niveau mondial, le marché des algues représentait en 2019 environ 12 milliards d’USD et devrait atteindre 26 milliards d’USD d’ici 2025, la Chine et l’Indonésie en détenant 80% des parts. Les algues tirent parti du dioxyde de carbone pour se développer.
À l’échelle mondiale, les algues pourraient absorber environ 173 millions de tonnes métriques de carbone chaque année, l’équivalent des émissions annuelles de l’État de New York, selon l’organisation environnementale Oceana.
De plus, selon le Pr Ermias Kebreab, directeur du World Food Center, "nous avons désormais de solides preuves que l’alimentation du bétail à base d’algues permet de réduire les gaz à effet de serre".
AFP/VNA/CVN