La BCE prépare un nouveau tour de vis monétaire

La Banque centrale européenne devrait encore frapper fort jeudi 27 octobre en relevant à nouveau ses taux d'intérêt, malgré le risque d'une récession dont elle s'accommode désormais face à l'urgence d'endiguer l'inflation.

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Dans un supermarché à Milan, en Italie.
Photo : AFP/VNA/CVN

Les gardiens de l'euro n'ont plus beaucoup d'états d'âme : ils veulent continuer à durcir les conditions d'accès aux crédits "afin de freiner la demande", a prévenu fin septembre Christine Lagarde, présidente de la BCE.

Leur priorité est de ne pas laisser "s'incruster", selon Mme Lagarde, la hausse des prix qui a atteint 9,9% sur un an en septembre en zone euro, loin des 2,0% que l'institut monétaire s'est donné pour cible.

La BCE a déjà relevé ses taux directeurs à deux reprises depuis l'été, mettant fin à une décennie de généreuse politique monétaire : après une hausse de 0,50 point en juillet, le rythme s'est accéléré à 0,75 point en septembre, non sans susciter des débats internes.

Pour la réunion du Conseil des gouverneurs jeudi, la cause semble entendue : un nouveau saut de 0,75 point est attendu par les économistes.

Le taux sur les dépôts bancaires à la BCE, qui est l'un des trois taux directeurs et qui fait référence, se situe actuellement à 0,75% et se rapprocherait ainsi d'un niveau de 2%, qui est peu ou prou considéré comme neutre pour l'activité.

Dompter "la bête"

La BCE reste "très déterminée" face à l'inflation et a "fermé les yeux sur le risque de récession", qu'elle juge de plus en plus inévitable en 2023, estime Carsten Brzeski, économiste chez ING.

L'inflation tend à se généraliser, comme une "bête (qui) s'est réveillée de son sommeil" après une décennie de léthargie, a résumé le patron de la Banque fédérale d'Allemagne Joachim Nagel, devant des étudiants de Harvard.

Il faut donc "la dompter" en agissant vite et fort sur les taux, a martelé cette figure emblématique des "faucons", partisans d'une politique monétaire restrictive.

Leur parole prévaut désormais au Conseil des gouverneurs de la BCE, où plus personne ne pense que le ralentissement économique en cours, dans le contexte du conflit en Ukraine, sera à lui seul suffisant pour freiner l'envolée des prix.

L'institut francfortois semble calquer son action sur la Réserve fédérale américaine, qui pourrait à nouveau relever de 0,75 point de pourcentage son taux directeur en novembre, comme lors des trois réunions précédentes, selon les économistes.

Mais aux États-Unis, l'inflation est nourrie par les dépenses des ménages aidés par Washington pendant la pandémie, tandis qu'en zone euro ce sont les prix de l'énergie et des matières premières importées qui font bondir l'agrégat.

Le gaz en particulier est bien plus cher pour les Européens depuis que la Russie a fermé le robinet du gazoduc Nord Stream.

L'accalmie sur les prix n'est pas en vue : en Allemagne, les coûts de production industrielle ont bondi de plus de 45% sur un an en septembre, avec une répercussion attendue sur les prix des produits finis.

Le président français Emmanuel Macron s'est récemment inquiété d'une politique monétaire visant à "briser la demande" pour contenir l'inflation.

Mais Berlin a fait entendre sa différence : les gouvernements en zone euro doivent éviter d'alimenter l'inflation en soutenant la demande, a objecté le ministre allemand des Finances Christian Lindner.

Liquidités en trop

Lancée dans un cycle de remontée rapide des taux, la BCE pourrait être tentée d'agir sur d'autres instruments.

Il reste ainsi 2.100 milliards d'encours de prêts géants et bon marché (TLTRO) accordés jadis aux banques pour les inciter à prêter à l'économie. Cela leur rapporte aujourd'hui d'importants bénéfices lorsque ces liquidités sont placées à la BCE, qui pourrait indiquer jeudi comment elle compte mettre fin à la martingale.

Des responsables de l'institution monétaire plaident aussi pour que la lutte contre l'inflation passe par une réduction du bilan de la BCE, gonflé par des années d'achats massifs de dette publique et privée.

Cette politique de "resserrement quantitatif" n'interviendra pas avant les premiers mois de 2023, estiment les analystes, compte tenu du risque de secouer les marchés financiers dans un contexte déjà très volatil.

AFP/VNA/CVN

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