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La présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, le 14 février à Strasbourg (France). |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Prise dans un arbitrage complexe entre hausse des prix et craintes de récession, l'institution de Francfort a choisi l'audace : elle relève ses trois taux directeurs de 50 points de base après avoir préparé les esprits à une hausse de 25 points seulement.
Le principal taux d'intérêt passe ainsi de zéro, niveau où il campait depuis 2016, à 0,50%, tandis que celui taxant une partie des liquidités bancaires non distribuées en crédit, remonte de -0,50% à zéro.
La décision sur ce tour de vis a été "unanime" face à une inflation qui "restera à un niveau élevé indésirable pendant un certain temps", selon la présidente de l'institution Christine Lagarde. La hausse des prix en zone euro -8,6% en juin- ne cesse de s'accentuer sous l'effet conjugué de la reprise post-COVID, des tensions sur les chaînes d'approvisionnement et de la crise énergétique liée à la crise en Ukraine.
La BCE referme ainsi l'ère des taux négatifs entamée en 2014 et clôt une décennie de généreuse politique monétaire qui a permis de stimuler l'économie pendant les crises des dernières années. Après cette forte impulsion, la BCE va "poursuivre la normalisation des taux" et ce "réunion par réunion", a assuré Mme Lagarde.
Le prochain rendez-vous monétaire est prévu en septembre avec de nouvelles prévisions économiques à la clé. "L'inflation de la zone euro sur le reste de l'année restera élevée et la pression sur la BCE pour qu'elle agisse sera également élevée à court terme", juge Konstantin Veit, gérant de portefeuille chez Pimco. Cette décision "historique" reflète la crainte des gardiens de l'euro de voir se refermer la fenêtre d'opportunité pour une hausse des taux d'intérêt, analyse Carsten Brzeski, de la banque ING.
Tâche complexe
Ce resserrement de la politique monétaire en zone euro a déjà été amorcé en juillet avec l'arrêt des nouveaux achats de dette sur les marchés. Les autres banques centrales sont bien plus actives depuis des mois contre la flambée des prix, comme la Fed américaine qui a fait décoller ses taux en mars.
Mais la tâche de la BCE est plus complexe en raison des menaces grandissantes de coupure des approvisionnements de gaz russe, du risque que fait encourir la crise politique en Italie et de la chute de l'euro. "L'horizon économique s'assombrit" et ce "pour la seconde moitié de 2022 et au-delà", a résumé Mme Lagarde.
En Italie - une des économies les plus vulnérables de la zone monétaire - le Premier ministre et prédécesseur de Mme Lagarde à tête de la BCE, Mario Draghi, a remis jeudi 21 juillet sa démission. Des élections anticpées vont être organisées. Son départ a immédiatement fait redécoller le taux d'emprunt italien sur le marché. L'écart avec le taux allemand a atteint un plus haut depuis mi-juin 2022 (bien 2022).
Outil contre la spéculation
Pour éloigner le spectre d'une nouvelle crise des dettes souveraines, la Banque centrale européenne a également annoncé jeudi un nouvel instrument pour protéger les États les plus fragiles contre des attaques spéculatives qui renchérissent leurs coûts d'emprunt. La BCE estime que ces "spreads" - écart avec le taux de l'emprunt allemand sans risque - gênent la transmission adéquate de sa politique monétaire.
Des conditions strictes d'utilisation de cet outil dénommé "instrument de protection de la transmission" (IPT) ont été définies, les gardiens de l'euro pouvant se voir reprocher de faire du financement d’État déguisé. Mme Lagarde a éludé les questions répétées cherchant à savoir si l'Italie pourrait être le premier pays à bénéficier du parapluie de la BCE.
L'institut "ne prend pas position sur des questions politiques internes", a assuré l'ancienne patronne du FMI. Mais s'il le faut, la BCE "n'hésitera pas" à recourir à l'IPT car elle est "capable de faire les choses en grand", a-t-elle martelé.
AFP/VNA/CVN