Jean-Luc Larguier. |
Jean-Luc Larguier a rencontré les marionnettes sur l’eau du Vietnam il y a environ 30 ans. Cette tradition remonterait aux fêtes cultuelles associées aux temples de la région de Hanoi dans le delta du fleuve Rouge. Il a visité la Pagode du Maître, non loin de Hanoi, élevée au bord d’un petit lac. Dans cette pagode il y a le squelette, transformé en marionnette, du bonze, abbé de cette pagode au XIe siècle, que la légende présente souvent comme le fondateur de l’art des marionnettes sur eau. Sur le lac à quelques mètres de la pagode est situé le «temple sur l’eau» réservé aux représentations de marionnettes lors de fêtes annuelles. À partir de ce temple, et toujours dans la légende, la pratique des marionnettes sur eau se serait diffusée dans les villages des environs, où les familles de paysans s’en seraient transmis les scènes et les secrets jusqu’à nos jours.
Cet art traditionnel, expression d’une société traditionnelle en train de disparaître, continue, malgré tout, d’exister grâce à des sculpteurs et des artistes comme ceux regroupés au sein du Théâtre national des marionnettes sur l’eau du Vietnam à Hanoi. Avec le soutien du gouvernement vietnamien et l’intérêt porté par des chercheurs, puis par des opérateurs culturels occidentaux qui ont invité dès les années 1980 la troupe et ses spectacles en Europe et dans le monde entier, le Théâtre a contribué au renouveau de cet art au Vietnam.
Une longue histoire
Jean-Luc Larguier a vu les marionnettes lors de leur première venue à Paris en 1983, représentations organisées par la Maison des cultures du monde. Il a fait revenir ces marionnettes du Théâtre national en 1989 et 1990 en collaboration avec la Maison des cultures du monde, le Théâtre de la ville de Paris et le Théâtre de Vidy à Lausanne. «Nous avons fait une tournée de cinq mois qui a démarré en Suisse à Lausanne. Nous y avons joué dans le lac ! Le public en parle encore ! À Paris, le spectacle a été donné dans la salle du Cirque d’hiver. Dans un magnifique décor du scénographe Guy-Claude François qui reproduit un temple sur l’eau, cette tournée de 1989 a véritablement fait connaître les marionnettes sur l’eau du Vietnam dans le monde entier, en Europe en tout cas», déclare Jean-Luc Larguier.
Une scène de La petite sirène. |
«Et ensuite, nous sommes restés en contact, soit avec le Théâtre national des marionettes sur l’eau, soit avec la troupe Thang Long de la ville de Hanoi. Puis en 2009, nous avons eu l’idée de faire un spectacle avec un metteur en scène français qui est venu travailler avec les marionnettistes du Théâtre. Ce spectacle, créé en 2011, s’appelle +Le maître des marionnettes+. Le metteur en scène en est Dominique Pitoiset. Les marionnettistes étaient du Théâtre national de Hanoi. La chanteuse, l’+Artiste du Peuple+ Thanh Hoài, est aussi de Hanoi. C’était déjà la suite d’une coopération importante», ajoute-t-il.
Andersen voit le jour
Présenté à Paris au Musée du quai Branly, Le maître des marionnettes a terminé sa tournée en décembre 2012 au Grand Théâtre du Luxembourg. Le spectacle a été représenté 86 fois avec un énorme succès en France et en Europe. «Alors, à ce moment là, on a eu l’idée de travailler avec le Théâtre national sur un autre projet qui est celui d’Andersen», raconte M. Larguier.
C’est pourquoi, la collaboration avec le Théâtre national des marionnettes de Hanoi se poursuit dès 2013 avec un nouveau projet intitulé Andersen qui est l’adaptation de trois contes de l’auteur danois par l’équipe du Théâtre national de Hanoi : Le valeureux soldat de plomb, Le vilain petit canard et La petite sirène. Créé dans une première version en 2005 au Vietnam, le spectacle actuel est une véritable recréation pour la scène occidentale : adaptation, mise en scène, musique, lumière, décor. Il sera présenté fin décembre 2013 pour dix représentations au Musée du quai Branly, en ouverture de la Saison vietnamienne en France pour laquelle il a été labélisé par les responsables vietnamiens et français en charge de cette manifestation.
«Nous avons vu à Hanoi la première création faite par le Théâtre national. Nous l’avons trouvée très intéressante. Mais, pour la scène française, il fallait faire des adaptations et avoir plus d’exigence artistique. Une adaptation technique, d’une part. C’est-à-dire qu’il fallait jouer dans un bassin de 50 centimètres d’eau et non pas d’un mètre. Parce que dans un théâtre français, on ne peut avoir plus de 50 centimètres d’eau en raison du poids toléré par les installations scéniques. Cela nécessite une prouesse technique de la part des marionnettistes. D’autre part, nous avons remplacé, sur le plan technique, le rideau de bambou par un rideau de fils qui permet au marionnettes de le traverser beaucoup plus facilement», précise Jean-Luc Larguier.
Il a également travaillé avec Ngô Quynh Giao, sculpteur, metteur en scène, ancien directeur du Théâtre national qui est l’âme du projet, sur la construction d’un nouveau jeu de marionnettes encore plus belles. Ces marionnettes sont extrêmement réussies et équipées d’un mécanisme tenant compte de la profondeur de 50 centimètres du bassin. «Enfin, nous avons retravaillé la manipulation et la mise en scène pour avoir plus d’émotion et moins de virtuosité, et aussi la musique qui, dans la première version, était intéressante mais que nous avons jugée un peu trop commerciale. Nous essayons de mettre plus de silence, plus de poésie», explique-t-il.
Et d’ajouter : «La version actuelle d’Andersen est un véritable spectacle interculturel. C’est le résultat d’un travail commun entre les équipes française et vietnamienne autour du travail du M. Giao». Selon lui, le spectacle va inaugurer l’Année du Vietnam en France dans le lieu très connu et apprécié du public parisien qu’est le Théâtre Claude Levi Strauss du Musée du quai Branly. Un lieu qui est dédié au dialogue entre les différentes cultures du monde. «C’est bien là qu’il devait être présenté ! Car ce spectacle, qui dans chacun des trois contes nous parle de la différence entre les êtres, est le résultat d’un travail commun et partagé, d’une amitié forgée de longue date qui, au-delà de nos différences, témoigne d’une volonté de paix et de dialogue», conclut-il en remerciant tous les participants et acteurs de ce projet.
Texte et photos : Nguyên Tùng/CVN