Le cyclone Evan a récemment provoqué d'importants dégâts aux îles Fidji. |
«Le Pacifique insulaire, qui compte environ dix millions d’habitants, n’est aucunement à l’origine des pollutions concernées. Il est victime des pays industriels qui n’arrivent pas à contrôler leurs émissions», assène Jimmie Rodgers, directeur général du secrétariat de la Communauté du Pacifique (CPS).La CPS est une organisation internationale qui œuvre dans de multiples domaines pour accompagner les Océaniens sur le chemin du développement durable : santé, agriculture, pêche, ressources en eau, gestion des catastrophes, éducation...«La vérité est qu’on ne peut pas faire grand-chose, à part subir et s’adapter», poursuit M. Rodgers. Principale structure d’appui au développement de la zone, qui regroupe 21 États et territoires océaniens plus l’Australie, la Nouvelle-Zélande, les États-Unis et la France, la CPS inclut désormais systématiquement le paramètre climat dans l’élaboration de ses programmes.Élevé par les gouvernements du Pacifique au rang de priorité, le changement climatique constitue à leurs yeux «la plus grande menace pour les moyens de subsistance, la sécurité et le bien-être des populations».Selon les scénarios les plus pessimistes, Kiribati, Tuvalu ou encore Tokelau pourraient d’ici la fin du siècle avoir été submergés par les eaux. «C’est de pire en pire chez nous. Quand il y a une tempête, l’eau envahit les maisons et les jardins. Les familles perdent leurs biens mais aussi leurs moyens de subsistance : poules, cochons, bétail, cultures», s’alarme Apisai Ielemia, ministre des Affaires étrangères de Tuvalu.
Impact sur la pêche
Des habitants construisent une digue pour faire face à l’élévation du niveau de la mer sur les îles Linen, à Kiribati. |
Alors que le poisson est la principale source de protéines des habitants d’Océanie, la pêche côtière est menacée par la dégradation des récifs coralliens, due au réchauffement et à l’acidification des océans.«Il y a une incidence sur la sécurité alimentaire, qui va contraindre ces populations à changer leurs modes de vie», affirme Brian Dawson, conseiller principal en changement climatique à la CPS. L’organisation encourage ainsi l’installation de dispositifs de concentration du poisson (engins flottants qui concentrent en certains points la faune pélagique), permettant aux populations côtières de pouvoir pêcher du thon plus au large.Elle aide d’autre part les populations à se convertir à l’aquaculture en eau douce. Des bassins de Tilapia du Nil, espèce introduite, ont vu le jour sur les côtes de Fidji, Vanuatu ou Samoa. La pêche hauturière de thonidés, qui représente entre 20% et 40% des revenus de la plupart de ces îles, est elle aussi perturbée. «La hausse de la température de l’océan entraîne une modification des grands courants marins, qui fait se déplacer vers l’Est du Pacifique les stocks de thonidés», explique Johann Bell, directeur de recherche halieutique.Cette évolution s’effectue par exemple au détriment de la Papouasie Nouvelle-Guinée, qui possède d’importantes conserveries, et qui devra d’ici quelques décennies importer du thon pour les alimenter.Dans le domaine agricole, une banque de semences a été créée pour sélectionner les variétés de tubercules (taros, ignames, patate douce) les plus résistantes à la sécheresse ou à la salinité. Concernant le manioc, les scientifiques ont observé qu’en réaction au CO2 la plante produisait un substance toxique, pouvant engendrer paralysie et cécité chez l’homme.«Il n’y a pas de cas dans le Pacifique car la concentration de cette toxine est encore très faible, mais à horizon 2060, on pourrait avoir des problèmes sérieux», prédit Johann Bell. La santé des populations est aussi affectée, à cause de la prolifération des moustiques. «Dans certaines régions des hauts plateaux de Papouasie Nouvelle-Guinée, il y a maintenant des cas de paludisme alors qu’il n’y en avait jamais eu auparavant», relève le scientifique.
AFP/VNA/CVN