Immeuble effondré au Bangladesh: plus de 300 morts, violentes manifestations

Des heurts ont opposé vendredi 26 avril au Bangladesh la police à une foule immense de manifestants qui ont attaqué des usines après l'effondrement d'un immeuble construit illégalement dans lequel plus de 300 ouvriers de l'industrie textile ont trouvé la mort, selon un nouveau bilan.


Des heurts ont opposé le 26 avril au Bangladesh la police à une foule immense de manifestants.


La police a tiré des balles en caoutchouc et des gaz lacrymogènes contre la foule en colère à Savar, dans la banlieue de la capitale Dacca, où le Rana Plaza, un immeuble de huit étages, s'est effondré le 24 avril comme un château de cartes.
Il s'agit du pire accident dans l'histoire industrielle du Bangladesh, un pays pauvre d'Asie du Sud qui a fait de la confection le pivot de son économie.
"La situation est très instable. Des centaines de milliers d'ouvriers participent à la manifestation", a déclaré M. Asaduzzaman, un responsable de la police.
Des ouvriers ont attaqué des usines, renversé des véhicules, brûlé des pneus sur la route et essayé de mettre le feu à des échoppes le long du parcours de la manifestation de masse, selon un responsable de la police locale. Ils ont aussi obligé des usines textiles à fermer.

"Ils exigent l'arrestation et l'exécution des propriétaires des ateliers et du bâtiment qui s'est effondré à Savar
", près de Dacca, a-t-il dit à l'AFP.
Le bilan de la catastrophe s'est encore alourdi, dépassant pour la première fois le cap des 300 morts, dont une grande proportion de femmes.
"Le bilan est de 304 morts", a déclaré un porte-parole de l'armée, Shahinul Islam, précisant que plus de 2.300 personnes avaient été sorties vivantes des décombres depuis l'accident.
Les sauveteurs ont découvert le soir du 26 avril une cinquantaine de survivants supplémentaires au troisième étage de l'immeuble, a annoncé un responsable des pompiers.
"Nous avons trouvé environ cinquante personnes encore vivantes en plusieurs endroits du troisième étage après avoir creusé des tunnels. Nous espérons pouvoir les extraire d'ici demain matin", a dit Sheikh Mizanur Rahman, chef adjoint des pompiers.
Dans la journée, quelque 80 personnes ont été sorties vivantes des décombres.
"L'odeur est fétide, cela donne parfois envie de vomir. Il est difficile de travailler ici plus de 20 minutes d'affilée", a témoigné Mohammad Tareq, employé d'un atelier qui s'est joint aux centaines de volontaires à pied d'oeuvre jour et nuit.
Un amas de béton et d'acier
Des plaintes et des appels à l'aide de victimes ensevelies guidaient l'épuisant travail des secours au milieu d'un site évoquant les dévastations d'un puissant séisme.
Les ambulances continuaient d'amener des blessés à l'hôpital situé à un kilomètre du site de la catastrophe où les accueillaient des étudiants en médecine en blouse blanche et des infirmières portant des poches de sang.
Labni Akter, une ouvrière du textile, a été amenée dans un état critique après que les sauveteurs ont dû l'amputer de la main gauche pour la désincarcérer des gravats.
"J'ai eu la main coincée sous un pilier après l'effondrement du bâtiment, comme s'il y avait eu un séisme", a-t-elle expliqué à l'AFP, "nous avons été trois à être coincées dans une petite poche d'air pendant deux jours, sans nourriture. Je suis restée éveillée, priant pour qu'Allah nous sauve".
Ensuite, poursuit-elle, "l'une des mes amies est morte et son corps a commencé à se décomposer (...) je ne pouvais pas bouger à cause de ma main coincée".
L'hôpital était saturé, ayant reçu 1.200 blessés en deux jours pour 750 lits, a indiqué le Dr Hiralal Roy.
"Nous avons demandé à ceux qui étaient le moins atteints de laisser leur lit aux blessés graves. Un grand nombre d'ouvriers ont perdu un membre ou ont de graves blessures à la tête ou au buste et certains ont la grangrène", a-t-il dit.
La catastrophe a relancé la polémique sur la sécurité dans l'industrie textile fournissant des marques occidentales.
L'immeuble abritait cinq ateliers de confection notamment liés à la marque espagnole Mango et au britannique Primark, seules enseignes à avoir confirmé leurs relations avec des ateliers du Rana Plaza où travaillaient quelque 3.000 personnes, dont de nombreuses étaient toujours portées disparues.
Des ouvriers s'étaient publiquement inquiétés la veille de fissures mais leurs responsables ont ignoré les mises en garde, leur enjoignant d'embaucher normalement le jour suivant.
Les États-Unis n'ont pu dire si des marques de vêtements américaines se fournissaient auprès des ateliers présents dans l'immeuble mais ont plaidé pour de meilleures conditions de travail dans ce secteur.
L'accident "démontre qu'il faut que le gouvernement, les propriétaires, les consommateurs et les travailleurs trouvent des moyens d'améliorer les conditions de travail au Bangladesh", a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Patrick Ventrell.
Le Premier ministre du Bangladesh a promis le 25 avril que le propriétaire de l'immeuble, en fuite, serait arrêté et puni.
En novembre 2012, un incendie dans une usine textile fournissant notamment l'américain Walmart avait fait 111 morts à la périphérie de Dacca.

AFP/VNA/CVN

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