>>Immigration : débat sensible à l'Assemblée, voulu par Macron
>>Immigration : Macron tente de déminer le débat parlementaire
Le Premier ministre Edouard Philippe à l'Assemblée le 7 octobre. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Revendiquant "une politique sans coup de menton ni naïveté", Edouard Philippe a donné le coup d'envoi de la discussion devant un hémicycle clairsemé, avant de céder la parole à Jean-Yves le Drian (Affaires étrangères), Christophe Castaner (Intérieur) et Agnès Buzyn (Santé).
Puis les orateurs des différentes groupes politiques, dont Marine Le Pen (RN) et Jean-Luc Mélenchon (LFI), prendront la parole pendant plus de deux heures et demie, avant les réponses des ministres. Un débat similaire aura lieu mercredi au Sénat.
Un an après la promulgation de la loi asile-immigration-intégration, le Premier ministre a admis que le gouvernement n'avait "pas atteint tout (ses) objectifs" en matière migratoire, soulignant l'augmentation de 22% entre 2017 et 2018 du nombre de demandes d'asile. "Le système français d'asile est aujourd'hui saturé", a-t-il déploré, estimant que l'idée de "quotas" n'est pas "taboue".
Il a ensuite développer "six orientations" qui doivent former "un tout cohérent de droits et de devoirs".
Parmi celles-ci, une réflexion sur les prestations sociales accordées aux demandeurs d'asile. "La France (...) ne doit être ni plus, ni moins attractive que ses voisins", a plaidé Edouard Philippe en appelant à "regarder les choses en face, sans tabou, sans rien renier de nos principes", notamment sur les conditions d'accès aux soins.
Sur ce point, Agnès Buzyn devrait proposer une réforme de la Protection universelle maladie (PUMa, ex-CMU) dont bénéficient les demandeurs d'asile, introduisant une période de carence de trois mois pour les soins non-urgents. Et si Emmanuel Macron a rejeté l'idée d'une suppression de l'aide médicale d'État (AME) aux sans-papiers, une évaluation du panier de soins pour lutter contre certains "excès" est en cours.
"Mythes et fantasmes"
Edouard Philippe a également exhorté à redéfinir la stratégie de l'aide publique au développement, qui doit atteindre 0,55% du PIB en 2022, ou encore à "faire plus et mieux en matière d'intégration", en insistant sur le "volet insertion professionnelle" notamment pour les filières en tension.
Consultation médicale de l'association Médecine et droit d'Asile à Lyon en avril. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Quelques jours après le virulent discours anti-immigration du polémiste Eric Zemmour, le Premier ministre a décoché quelques flèches contre les pourvoyeurs de "fausses solutions", fustigeant les "mythes et fantasmes" de "l'immigration zéro", de "l'immigration de remplacement" ou encore de "la fin du droit du sol".
Répondant aux "inquiétudes" des Français, M. Philippe s'est dit aussi "prêt" à ouvrir un débat sur "les dérives communautaires", en indiquant qu'il ne liait pas le sujet à celui de la politique migratoire.
Dès avant le coup d'envoi des échanges, la présidente du Rassemblement national a fait le lien entre la tuerie de la préfecture de Paris, perpétrée par un Français radicalisé, Mickaël Harpon, et une "immigration anarchique" laissant se développer le "fondamentalisme islamiste".
Depuis plusieurs mois, Emmanuel Macron insiste sur ce thème de l'immigration, persuadé que la présidentielle de 2022 se jouera sur les sujets régaliens et qu'il se retrouvera à nouveau face à Marine Le Pen.
Dans la majorité, la mise en avant du thème de l'immigration, qui avait déjà divisé lors du vote de la loi Asile et immigration en 2018, a fait grincer une partie de l'aile gauche. Mais le gouvernement s'est employé à déminer la question.
À gauche, les préventions sont vives : le numéro un du PS Olivier Faure a alerté contre la tentation d'un "populisme d'État". "Il n'y a pas aujourd'hui en France et en Europe de submersion migratoire, mais bien une crise de l'accueil des migrants", juge Danièle Obono (LFI).
"La pression n'est pas migratoire, elle vient de la finance", a écrit le leader du PCF Fabien Roussel à Emmanuel Macron, l'accusant de "préfére(r) que la Nation s'écharpe sur l'AME et sur les allocations sociales" plutôt que sur les questions sociales.
Les alertes viennent aussi de l'extérieur, des associations d'aide aux migrants, qui pointent "postulats erronés" et "vieilles ficelles", et également des cultes. La Fédération protestante de France s'inquiète des "conséquences délétères de l'instrumentalisation à des fins électoralistes des questions liées à l'immigration".
Pour sa part, la droite voit avec scepticisme les intentions présidentielles, disant attendre "des actes", sur "un sujet majeur qui pose un défi incroyable à notre société: est-ce que demain la France va toujours rester la France?", demande Eric Ciotti (LR).