La maison flottante de Trân Van Kiêm et Nguyên Thi Yên résonnent des cris de joie de leurs petits-enfants. En sirotant une tasse de thé brûlant, M. Kiêm confie : «Il y a cinq années, nous ne pouvions rêver d’un tel nid douillet». M. Kiêm est un ancien combattant et sa femme, professeur à la retraite. Sa famille était heureuse jusqu’au jour où le fils aîné, Trân Van Hung, a été aspiré par la spirale infernale de la drogue. Il a réussi à s’en sortir mais a appris peu de temps après sa séropositivité.
Informé que les membres du club Van Hoa (relevant d’un projet de prévention du Sida à Vân Dôn, Quang Ninh, soutenu par l’Organisation mondiale de la santé), pour la plupart des ex-toxicos ou des ex-taulards, partaient refaire leur vie sur l’île de Hon Co, les parents ont encouragé leur fils à tenter l’aventure. Ils ont même décidé de le suivre, renonçant à leur vie confortable sur le continent. Toute la famille se consacre désormais à l’élevage des panopes. «Le vent, les vagues, les typhons tout cela ce n’est rien comparé au +typhon blanc+, la drogue», considère Trân Van Hung.
Des maisons flottantes ancrées au bord de l’île de Hon Co, sous laquelle sont installées des cages à panopes. |
Hung ne les a pas déçus. Chaque jour, il va à la pêche, s’occupe de ses cages à panopes et soigne sa maladie. Sa femme et leurs deux enfants n’ont pas le virus maudit. «La science progresse et j’espère qu’un jour on trouvera le remède», espère-t-il. Grâce à ses efforts, la famille a engrangé des milliards de dôngs - une petite fortune.
La plupart des autres habitants de cette île sont des ex-toxicomanes. La vie sur le continent, beaucoup désormais ne veulent plus en entendre parler. «Je connais des personnes qui ont guéri de la drogue mais qui ont fait une rechute car ils ne trouvaient pas d’emploi et souffraient de discrimination», raconte Hoàng Van Liêm, président du club.
Un pionnier
Châu Ngoc Long, un membre du club, a été le premier à s’installer ici. Il était toxicomane. Une fois sevré, il a appris, lui aussi, sa séropositivité. Pour couronner le tout, sa femme l’a quitté. Rejeté par tous, ne sachant plus que faire de sa vie, il est devenu un vagabond des mers. Chaque fois qu’il s’arrêtait dans un lieu pour poser ses filets, on le chassait comme un malpropre. En passant par l’île de Hon Co, son bateau est tombé en panne. Il a demandé à ses amis du club Van Hoa de venir l’aider. Ces derniers ont trouvé que cet espace inhabité était propice à l’élevage des panopes. Voyant «son homme» reprendre pied, la femme de Long est revenue à ses côtés pour l’encourager.
Un an après, devant le succès de Long, les membres du club Van Hoa ont demandé aux autorités locales d’autoriser d’autres personnes à la dérive comme Long à venir tenter l’aquaculture autour de l’île. La demande a été acceptée et les sept premières familles sont venues s’installer.
«Les premières années, nous avons essugée de gros typhons et toutes nos panopes sont mortes. Découragés, nous avons songé à retourner sur le continent. Mais en nous souvenant de la discrimination que nous avions subie, nous nous sommes encouragés mutuellement à rester vaille que vaille», confie Nguyên Xuân Tinh, l’un des premiers à avoir tenté l’aventure ici.
Solidarité au village des panopes
À Hon Co, les hommes parlent de leur femme avec gratitude car c’est souvent grâce à elle qu’ils ont peu reconstruire leur vie. Elles ont souvent tout abandonné pour suivre leur mari.
Âgé de 60 ans, Bùi Huy Dông a perdu des dizaines d’années de sa vie dans l’enfer de la drogue jusqu’au jour où l’amour de sa femme l’a ému et décidé à remonter la pente. Il est venu sur l’île Hon Co pour «travailler tous le reste de ma vie afin de récompenser ma femme et mes enfants». Sa femme, Nguyên Thi Yên, raconte qu’elle a été très heureuse de cette décision. Le couple est arrivé sur l’île avec seulement deux millions de dôngs en poche.
Après l’échec de la première saison d’élevage, M. Dông est retourné déçu sur le continent mais sa femme l’a encouragé à revenir. «Elle m’a dit : avec l’harmonie, nous pouvons renverser des montagnes», explique-t-il. Maintenant, ce couple dispose de milliers de cages d’élevage et leurs recettes annuelles se montent à plusieurs milliards de dôngs. Le village flottants compte désormais 19 familles. «Chaque fois qu’une personne veut s’installer ici, nous partageons notre surface d’eau. Pas de litiges ni de jalousie», assure Trân Dân Manh.
Femme décédée, virus du sida, M. Manh pensait que sa vie était «la plus triste qui soit». Encouragé par le club, il est venu sur l’île. Les premiers jours, les éleveurs lui ont appris les techniques d’aquaculture. Bien que vivant seul, il n’a jamais souffert de la solitude et sa santé s’est améliorée. «Tous les soirs, nous nous réunissons chez quelqu’un pour boire du thé et bavarder. Parfois, on ne veut pas rentrer chez soi, tellement on se sens bien ensemble ! Ici, il n’y a pas de voleurs, et chacun surveille la maison de l’autre», raconte M. Manh.
Lorsque des tempêtes sont annoncées, ils arriment leurs radeaux pour faire face ensemble aux éléments déchaînés. Ils se téléphonent régulièrement pour s’aider. Parfois, à cours de provisions et ne pouvant se rendre sur le continent, ils partagent des sachets de nouilles instantanées.
Il y a encore quelques années, les gens du coin faisaient un détour pour éviter l’«île des pestiférés». "Aujourd’hui, ils sont nombreux à venir s’informer des techniques d’élevage des panopes ! Un club d’aquaculture a même été créé début mars. Les gens des environs n’ont plus de mépris pour nous. Au contraire, ils viennent ici se renseigner sur nos techniques d’aquaculture, et ils adhèrent même au club d’aquaculture», partage avec fierté Hoàng Van Liêm, président du club Van Hoa.
Hà Minh/CVN