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Au long de la mangrove... |
Présentation ensoleillée…
C’est, bien entendu, mon compère Tuân qui m’offre cette occasion, lors d’une de nos nombreuses escapades à moto ! Pour cette première rencontre, le ciel m’offre son plus bel habit bleu, et la route déroule un ruban d’asphalte luisant, déjà, de chaleur. L’air embaume de senteurs fruitées, et je profite du paysage que nous offre la luxuriance du delta du Mékong : cocotiers, bananiers, mangoustaniers s’alignent en ribambelle le long des rizières opulentes. Curieusement, les bus et les camions se font rares, et nous pouvons goûter amplement cet air vivifiant…
Les poumons oxygénés et l’âme champêtre, nous atteignons les rives de «Monsieur» le Mékong ! Majestueux, conscient de sa force puisée aux confins de l’Himalaya, il achève ici le long, très long voyage qui lui a fait traverser la moitié de l’Asie. Moins rouge que son frère du Nord, il charrie cependant les mêmes arbrisseaux tombés de ses rives, et roule la même écume vers la mer toute proche…
Et encore, nous ne sommes que sur un de ses bras, le Tiên Giang ! Respect «Monsieur» le Mékong ! C’est donc respectueusement que nous affrétons un bateau de transport local pour traverser le fleuve, en direction de l’île Thoi Son. Les rives déroulent le spectacle de villages sur pilotis, de péniches et bateaux de commerce, dont les coques couvertes de coquillages laissent imaginer qu’ils sont amarrés là pour l’éternité ! Notre embarcation se faufile entre les nombreuses dragues qui oeuvrent dans le lit du fleuve, évite prestement quelques énormes transporteurs cornant à pleine sirène, flirte avec les piles du pont en construction qui doit relier prochainement les deux rives du Tiên Giang, et atteint le rivage de l’île. À peine le pied posé à terre, nous nous retrouvons en pleine forêt tropicale : moiteur, touffeur, senteurs, bruits étouffés…, on s’attend presque à voir surgir un tigre ! Mais, après quelques pas, en fait de fauves, nous sommes accueillis par le sourire agréable et séduisant des serveuses du restaurant de plein air, situé à proximité du débarcadère.
Festin et promenade tropicale !
Entre bananiers et manguiers, installé dans des chaises en osiers, dégustant des poissons aux oreilles d’éléphants, suivis d’une fondue vietnamienne aux fruits de mer, et de bananes fraîches, bercé par le gazouillis des serveuses qui veulent absolument m’entendre parler vietnamien, et conforté par la chaleureuse amitié de Tuân, je sais maintenant ce qu’est le Paradis terrestre, ou le Nirvâna, selon ! Ce que je ne sais pas, c’est que l’Enfer, c’est la porte à côté ! Et pour moi, ce jour-là, l’Enfer, c’est le supplice des fruits tropicaux…
En effet, ce que Tuân et moi ignorions, c’est que, en prenant notre billet de traversée, nous avions acheté : la traversée, une dégustation de fruits tropicaux, et une balade guidée dans l’île et ses mangroves. Et dès la fin du repas, la jeune femme - qui nous avait accompagnés dans le bateau lors de la traversée - réapparaît, et nous conduit à un second restaurant situé à 20 m. Là, elle nous intime l’ordre de nous asseoir à une table, sur laquelle arrive, avant que nous ayons pu reprendre notre souffle, une somptueuse assiette de fruits : mangues, fruits du dragon, ramboutans, mangoustans, papayes, ananas, pastèques…!
Si vous avez lu les lignes précédentes, vous savez ce que contient déjà notre estomac ! Si vous vivez au Vietnam, vous savez ce que sont la politesse et l’insulte que vous faites lorsque vous refusez ce que l’on vous offre ! Mais si vous n’avez jamais été à ma place, alors vous ne savez pas quel supplice Tuân et moi avons dû subir, à ingurgiter, au détriment de notre équilibre gastro-intestinal, autant de fruits, forts succulents par ailleurs !
Front en sueur, estomac ballonné, achevés par une copieuse tasse de thé vert, nous nous remettons entre les mains, ou plutôt les pas de notre guide qui décide de nous faire visiter l’île. Très vite, cette promenade se transforme en une visite de tous les vendeurs de souvenirs, bonbons et autres gourmandises, judicieusement répartis sur le parcours ! Mon côté rebelle finit par se manifester, et gentiment mais fermement, j’exprime ma forte envie de prendre des sentiers bordés de pruniers, de manguiers et de longaniers, qui s’ouvrent à nous, mais que notre charmant guide semble ignorer ! D’ailleurs, je n’attends pas sa permission pour m’y engager. Après quelques secondes d’expectative vis-à-vis de ce curieux étranger qui parle sa langue et qui ne veut pas se promener comme les autres, notre guide, résignée, m’emboîte le pas, en priant ses ancêtres que je n’aie pas trop d’idées originales pour ne pas la mettre dans l’embarras !
Quelle merveilleuse flânerie entre les arbres fruitiers centenaires, les maisons aux toits de tuiles et de chaume, les jardins de bonsaïs, hors des chemins battus, et les sourires de notre guide avec qui Tuân et moi plaisantons pour détendre l’atmosphère! Pour me réconcilier définitivement avec elle, j’accepte une promenade en barque dans les mangroves. Mini-croisière hors du temps, glissant silencieusement sur l’eau calme des canaux, sous la voûte végétale. Tout est si paisible que nous nous taisons naturellement pour ne pas troubler la sérénité de l’instant… Quand nous quittons les rives du Mékong, j’emporte avec moi les murmures de ce géant qui m’a accueilli si chaleureusement !
À un de ces jours, «Monsieur» le Mékong !
Gérard BONNAFONT/CVN