Grèce : un squelette et un mystère toujours entier dans la plus grande tombe antique

Le squelette découvert dans le plus grand tombeau antique jamais fouillé en Grèce, à Amphipolis, est la dernière pièce d'un puzzle archéologique qui tient en haleine les experts depuis l'été mais ne cesse de les dérouter en raison de l'originalité des trouvailles.

Après avoir pénétré dans la tombe gardée par deux grands sphynx décapités, franchi un mur bloqué par deux cariatides plus hautes que des hommes, déblayé des mètres cubes de terre, dégagé une mosaïque géante, découvert éparpillés la tête d'un shynx et les doigts des cariatides, l'équipe de chercheurs vient de toucher au but: le squelette du défunt inhumé dans la tombe géante.
Les ossements ont été découverts à l'intérieur et autour d'un cercueil mis au jour dans la troisième salle du tombeau, a indiqué mercredi le ministère de la grec de la Culture sans réponse.

Une des caryatides du tombeau en cours de fouille à Amphipolis, le 7 septembre.


Le communiqué du ministère avance quelques nouveaux indices : la sépulture "est un ouvrage public pour la construction duquel fut utilisée la plus importante quantité de marbre jamais employée en Macédoine antique". "Le coût extraordinaire de la construction rend improbable le fait qu'elle ait été consacrée à l'inhumation d'une personne privée".
En d'autres termes, le richissime royaume de Macédoine porté à son apogée par Alexandre le Grand (356-323 av. JC.), regorgeant d'or et de métaux précieux, aurait bâti ce monument pour une personnalité de rang royal, décrypte pour l'AFP l'historien grec Miltiade Hatzopoulos, spécialiste de cette période.
Cette version éliminerait des prétendants au cercueil les généraux et amis d'Alexandre pour recentrer les hypothèses sur la famille du conquérant macédonien, marquée par les conspirations, les trahisons, les assassinats.
Oui, mais voilà, "il ne reste pas beaucoup de membres masculins de cette famille dont on ignore le lieu de sépulture", assure M. Hatzopoulos.
L'art grec loin des clichés
Comme la plupart des historiens, il ne croit pas que le tombeau puisse être celui d'Alexandre, mort à 32 ans à Babylone, mais inhumé, selon toute vraisemblance, à Alexandrie, en Égypte.

L’entrée du tombeau en cours de fouille à Amphipolis, photographiée le 7 septembre.

Sa mère Olympias? Sa femme Roxane? "Il est rare qu'on fasse de telles structures pour des femmes", selon Miltiade Hatzopoulos. D'autres rois macédoniens ayant succédé à Alexandre?
L'examen des ossements pourrait notamment apporter des précisions sur l'âge et le sexe du défunt.
Deux conférences de presse sur les fouilles d'Amphipolis, les 22 et 29 novembre, permettront peut-être d'avancer dans la résolution de l'énigme qui comprend d'autres inconnues.
"Pourquoi ce monument funéraire unique dans le monde hellénistique, par ses dimensions notamment, n'est-il mentionné dans aucun document historique?", s'interroge un archéologue sous couvert d'anonymat.
Le tumulus d'Amphipolis, à une centaine de kilomètres à l'Ouest de Thessalonique, est enserré dans une enceinte en marbre de 500 mètres de circonférence et mesure 30 mètres de haut.
La colline est connue des archéologues depuis les années 60 mais l'enceinte n'a commencé à être mise au jour qu'en 2012 avant que les chercheurs commencent cet été leur progression vers le cœur de la tombe.
Ce qu'ils ont découvert au fil des mois ont laissé plus d'un expert perplexe: "une entrée couronnée de sphinx, de la sculpture comme les cariatides, c'est du jamais vu dans un tombeau, tout comme la mosaïque", observe Alexandre Farnoux, directeur de l'École française d'archéologie d'Athènes.
Des actes de vandalisme semblent également avoir été commis dans la tombe suivis d'une volonté de réhabilitation décelable dans le fait que des fragments abîmés ont été rassemblés.
"Au-delà de l'identité de l'occupant de la tombe, la vraie force d'Amphipolis c'est de sortir l'art grec des clichés esthétiques et de prouver sa capacité à produire de l'inattendu", estime M. Farnoux. Et des controverses interminables dans les médias grecs entre archéologues qui ont presque détrôné les économistes disséquant la crise.

AFP/VNA/CVN

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