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Le leader du Parti travailliste britannique Jeremy Corbyn à Londres le 21 septembre 2016. |
Un an après son arrivée sensationnelle aux manettes du principal parti d'opposition britannique, le vétéran gauchiste de 67 ans part grandissime favori face à Owen Smith, un député gallois de 46 ans quasiment inconnu.
Le résultat du vote, clos depuis mercredi 21 septembre, doit être annoncé à 10h45 GMT lors du congrès du parti à Liverpool, au Nord-Ouest de l'Angleterre.
"Tout indique qu'il sera réélu sur un score similaire à celui de l'année dernière, autour de 60%", souligne Steven Fielding, professeur de sciences politiques à l'Université de Nottingham.
Si Jeremy Corbyn a dû se soumettre si tôt et malgré le plébiscite de 2015 à un nouveau vote, c'est parce que 172 des 230 députés travaillistes ont approuvé fin juin une motion de défiance lui reprochant son manque d'empressement à militer contre un Brexit.
En fait, la crise couve depuis le tout premier jour de l'arrivée du militant pacifiste, anti-austérité et pro-immigration à la tête du parti, vieux de 116 ans.
La plupart des députés et cadres du Labour estiment que son profil à gauche toute renferme la promesse d'un "désastre électoral" lors des prochaines législatives de 2020.
Aux antipodes de Blair
Les sondages ne plaident effectivement pas en sa faveur puisque trois quarts des Britanniques le jugent tout bonnement incapable de diriger le pays.
Owen Smith, concurrent de Jeremy Corbyn pour la tête du Parti travailliste, le 16 septembre 2016 à Londres. |
"On n'avait pas été aussi éloigné du pouvoir depuis 1930", a déclaré jeudi 22 septembre l'ancien ministre des Affaires étrangères David Miliband, battu par son frère Ed lors des primaires travaillistes en 2010.
Mais pour une majorité des environ 550.000 membres du "plus grand parti d'Europe", Jeremy Corbyn porte un espoir: celui du retour d'une "vraie gauche" qui solderait définitivement l'héritage centriste de Tony Blair.
L'éternel rebelle du parti se situe aux antipodes de l'ancien Premier ministre travailliste, au pouvoir entre 1997 et 2007 mais dont l'image a été irrémédiablement ternie par l'intervention britannique de 2003 en Irak.
Environ 300.000 personnes, dont beaucoup de déçus du blairisme, ont adhéré au Labour depuis l'été 2015. Plusieurs députés, dont Owen Smith, ont accusé les nouveaux-venus d'être des militants d'extrême gauche qui chercheraient à court-circuiter le parti parlementaire et à transformer le Labour en un mouvement social type Podemos.
La campagne estivale, émaillée de noms d'oiseaux et de tentatives d'intimidation, a été venimeuse, offrant un spectacle de division qui fait le miel du gouvernement conservateur de Theresa May.
"Une famille malheureuse"
Les positions des deux camps paraissent à ce point irréconciliables que certains craignent aujourd'hui pour la survie du parti. Persuadés que la présence de Jeremy Corbyn empêche tout retour au pouvoir, les députés modérés pourraient ainsi être tentés de faire scission pour créer un nouveau parti de centre-gauche.
La plupart des analystes n'envisagent pas un tel scénario, au moins à court terme. Tony Travers, de la London School of Economics, rappelle que le précédent, qui a conduit à la création du parti social-démocratique en 1981, s'est soldé par un fiasco pour ceux qui ont choisi cette voie.
La suite confine à une impasse. "Certains vont rentrer dans les rangs, d'autres vont continuer à se rebeller. Le Labour va ressembler à une famille malheureuse qui tente de cohabiter", souligne l'expert.
Même une défaite électorale n'offre aucune garantie quant à un départ de Jeremy Corbyn et de ses fidèles, tout à leur cause de transformer le parti de fond en comble.
"C'est leur opportunité en or, ils ne vont pas la lâcher", estime Steven Fielding qui ajoute : "La guerre des tranchées va continuer et il faudrait qu'un astéroïde frappe la Terre pour que cela change".