>>Gaz : "forts risques" pour les livraisons vers l'Europe cet hiver
Carte de l'Ukraine. |
"Il est clair que le temps presse et que les négociations qui nous attendent sont complexes", a déclaré le commissaire européen chargé de l'Énergie, le Slovaque Maros Sefcovic, dans un communiqué diffusé avant cette réunion. Il doit s'entretenir avec le ministre russe de l'Énergie, Alexandre Novak, et le ministre ukrainien des Affaires étrangères Pavlo Klimkine ainsi qu'avec des représentants des groupes gaziers russes Gazprom et ukrainien Naftogaz, qui s'affrontent par tribunaux interposés depuis des années.
Si Gazprom a déjà réduit considérablement les volumes de gaz transitant par l'Ukraine - à couteaux tirés avec la Russie depuis l'annexion de la Crimée en 2014 et le conflit dans l'Est de l'Ukraine -, il veut les réduire davantage grâce à ses projets de gazoducs qui la contournent: Turkish Stream, qui doit approvisionner l'Europe via la Turquie, et Nord Stream 2, que le groupe gazier espère mettre en service d'ici fin 2019. Ce dernier projet de gazoduc, long de près de 1.200 kilomètres, vise à doubler les capacités de son grand frère Nord Stream 1, et à permettre d'acheminer davantage de gaz russe directement vers l'Allemagne via la mer Baltique.
De fait, au premier trimestre 2018, Nord Stream est devenue la principale voie d'approvisionnement du gaz russe vers l'UE (36% du total, contre 34% par l'Ukraine), selon la Commission européenne. Mais si Berlin a longtemps assuré qu'il s'agissait d'une infrastructure purement "commerciale" et a même levé fin mars les derniers obstacles à sa construction, Angela Merkel a mis un coup de canif inattendu en avril à ce projet, réclamant de pérenniser le rôle de l'Ukraine dans le transit du gaz russe vers l'Europe. "Il y a aussi des facteurs politiques à prendre en considération", avait admis la chancelière. "Un projet sans clarté sur le rôle de l'Ukraine dans le transit n'est pas possible".
Projet "absolument politique"
"Le projet est absolument politique", martèle pour sa part le président ukrainien Petro Porochenko. "Pourquoi dépenser des dizaines de milliards de dollars pour rendre l'économie européenne moins efficiente, moins compétitive et la politique énergétique de l'UE plus dépendante de la Russie?" Le projet est également critiqué par le président américain Donald Trump. Les États-Unis auraient intérêt à vendre à l'Europe du gaz naturel liquéfié (GNL) acheminé par bateau, pour l'instant beaucoup plus onéreux que le gaz russe.
"Nous allons vendre du GNL et concurrencer le gazoduc (Nord Stream 2). Je pense que nous allons le concurrencer avec succès. Même s'il y a un petit avantage d'emplacement" pour le gaz russe, a déclaré lundi Donald Trump lors de sa rencontre avec Vladimir Poutine à Helsinki. Le président russe s'est pour sa part voulu rassurant, affirmant que la Russie était prête à maintenir le transit par l'Ukraine après la mise en service de Nord Stream 2 et à prolonger le contrat de transit.
Tout cela, à condition que le litige entre Naftogaz et Gazprom soit "réglé par la Cour d'arbitrage de Stockholm", devant laquelle les deux groupes s'affrontent entre autres au sujet des tarifs de transit. La demande européenne de gaz russe augmente depuis 2015, notamment à cause du déclin de la production néerlandaise. Pendant l'hiver 2017-2018, Gazprom a ainsi pulvérisé ses records d'exportations de gaz vers l'Europe.
Par moments, l'infrastructure des gazoducs a fonctionné jusqu'à 99% de sa capacité. "Le système était pratiquement plein", estime le chercheur Jack Sharples dans une publication récente de l'Oxford Institute for Energy Studies. Selon lui, le transit par l'Ukraine est ainsi le seul "avec de la capacité disponible en période de forte demande hivernale", alors que la demande européenne devrait continuer à augmenter.
"Le transit de gaz par l'Ukraine continuera d'être nécessaire jusqu'au lancement de Nord Stream 2 et de Turkish Stream", mais ensuite, il ne deviendra qu'une solution d'appoint, "à moins d'un accord spécifique avec la Commission européenne", ou si les "clients demandent que le gaz continue de transiter par l'Ukraine". "Si Gazprom pourrait être disposé à maintenir un transit annuel limité, son homologue ukrainien pourrait douter de la viabilité commerciale de maintenir un large système de transmission de gaz" pour ne livrer que de petites quantités, "à moins que les frais de transit n'augmentent significativement".
AFP/VNA/CVN