Se déplaçant à l'aide d'une canne, Fazel Hasan Abel a l'apparence d'un fonctionnaire retraité lambda. Mais derrière cet aspect se cache un homme décisif.
Après de brillantes études à Glasgow et Londres, Fazel Hasan Abel est admis chez Shell comme directeur financier. Attristé de voir son peuple plongé dans les difficultés après l'indépendance du Bangladesh en 1971, Fazle Hasan Abed décide de quitter son poste pour se consacrer à son pays. Mais comment aider le pays et des millions de compatriotes ? Une question qui le taraude jour et nuit. Il décide alors de créer le Comité d'aide à la réhabilitation du Bangladesh (BRAC) en 1972, pour répondre à la crise humanitaire qui a suivi la lutte pour l'indépendance du pays.
À cette époque, la pauvreté est générale dans le pays. Fazle Hasan Abed comprend très vite que pour faire la reculer, il faudra bousculer l'ordre établi d'une société compartimentée et agir sur tous les fronts. D'après lui, l'importance est que "les mères maîtrisent les règles élémentaires d'hygiène pour protéger leurs enfants des maladies ou de la déshydratation. Ensuite, il faudra instruire ces enfants, puis leur donner accès à l'enseignement supérieur".
Tout au long des quatre décennies suivantes, il bâtit l'organisation non gouvernementale la plus importante au monde par sa taille et ses moyens avec pour principe de donner à chacun les moyens de s'en sortir, d'assurer le bien-être de leur famille et de contribuer à leurs communautés. Plus de 140 millions de personnes, originaires de dix pays d'Asie, d'Afrique et d'Amérique centrale, ont ainsi pu bénéficier des activités d'enseignement et d'apprentissage du BRAC. Dans le cadre des actions d'Abel, ils ont pu acquérir les outils leur permettant de développer leurs petites entreprises, de devenir des professionnels de la santé ou encore d'enseigner à des générations d'élèves. Pour atteindre cet objectif, Abel a créé et fait vivre des réseaux internationaux d'individus, d'organisations et d'institutions gouvernementales partageant les mêmes objectifs.
Le BRAC est également l'une des plus importantes organisations non gouvernementales dispensant directement de l'éducation dans le monde. Elle s'attache en priorité à permettre à des enfants et des jeunes gens qui ne sont pas pris en charge par les systèmes éducatifs traditionnels d'accéder à l'éducation.
De l'impression de manuels scolaires à la construction d'écoles maternelles et primaires et même la création d'une université, Fazle Hasan Abed a développé tous les maillons du système.
Le BRAC est aussi un puissant organisme de microcrédit, comptabilisant en 2010 plus de huit millions d'emprunteurs au Bangladesh pour un montant total d'un milliard de dollars. Les prêts sont contractés par des particuliers, essentiellement des femmes, mais aussi et surtout des milliers de petites entreprises locales.
Petit budget, grands projets
L'organisation gère un budget de 495 millions de dollars, compte plus de 60.000 employés et autant de bénévoles répartis dans dix pays : Bangladesh, Sri Lanka, Afghanistan, Pakistan, Liberia, Sierra Leone, Haïti, Sud-Soudan, Tanzanie et Ouganda, 110 millions de personnes bénéficient de ses actions. Plus de 400.000 malades de la tuberculose reçoivent un traitement financé par le BRAC ; près de cinq millions d'enfants ont été instruits dans l'une des écoles de l'association ; 5,6 millions de femmes enceintes bénéficient d'un suivi médical. S'il ne fallait retenir qu'un chiffre : en apprenant aux mères comment prévenir la déshydratation, le BRAC a fait passer la mortalité infantile au Bangladesh de 258 à 75 pour 1.000 en 30 ans.
Le premier Prix WISE pour l'éducation a été attribué à Fazle Hasan Abed, à Doha, le 1er novembre 2011, par Son Altesse Cheikh Hamad bin Khalifa Al-Thani, Émir du Qatar, lors du 3e Sommet mondial pour l'innovation dans l'éducation (WISE), en reconnaissance d'une carrière de plus de 40 années consacrées à la réduction de la pauvreté par l'éducation.
"Au cours de mes quarante années d'engagement au sein de BRAC, j'ai pu constater, à maintes occasions, à quel point l'éducation est le catalyseur du changement", a déclaré Fazle Hasan Abed.
Huong Giang/CVN