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Des travailleurs vietnamiens sur un chantier au sud de Bucarest, le 26 septembre en Roumanie. |
"My friend, my friend", lance Costel, un ouvrier roumain à un "ami" vietnamien, dans un effort de briser la barrière linguistique sur ce chantier géré par la mairie du 4e arrondissement.
En dehors du travail, les moments d'échange entre les deux groupes sont limités : à la pause cigarette, les Asiatiques plébiscitent un calumet improvisé à partir d'un tuyau en PVC ; au déjeuner, ils partagent dans une salle à manger un repas consistant de plusieurs plats préparés par un chef vietnamien.
"Nous avions de l'argent pour rénover des dizaines de HLM mais pas la main d'œuvre nécessaire", explique le maire Daniel Baluta qui a décidé de recruter loin des frontières européennes. Terres d'émigration et de faible natalité, tous les pays du flanc est du continent sont confrontés à la même carence de main d'œuvre.
La Hongrie voisine prévoit d'accorder 75.000 permis de travail en 2019 à des travailleurs hors Union européenne, soit trois fois plus qu'en 2017. La majorité d'entre eux continue de venir d'Ukraine mais ils sont de plus en plus nombreux à être originaires du Vietnam, de Chine, d'Inde, de Mongolie. Le gouvernement du Premier ministre nationaliste Viktor Orban, communique peu sur ce sujet alors que le refus de l'immigration constitue le fil rouge de sa politique depuis 2010.
"La demande a fortement progressé"
Des travailleurs vietnamiens pendant la pause déjeuner sur un chantier au sud de Bucarest, le 26 septembre en Roumanie. |
Désertée par environ quatre millions de ses habitants, eux-mêmes travailleurs émigrés dans des pays occidentaux aux emplois mieux rémunérés, la Roumanie a délivré plus de 11.000 permis de travail au cours du premier semestre 2019, contre 10.500 pour l'ensemble de 2018. Les Vietnamiens, les Moldaves et les Sri-Lankais en ont été les premiers bénéficiaires.
La plupart de ces embauches passent par des sociétés de recrutement, spécialisées dans la main d'œuvre asiatique, dont le nombre a explosé.
"Au début nous étions sollicités pour de projets de taille modeste mais depuis trois ans, la demande de travailleurs pour de grands projets a fortement progressé", indique Corina Constantin, directrice de la société roumaine Multi Professional Solutions.
Selon une récente étude de la société américaine de travail temporaire Manpower, quatre employeurs roumains sur cinq rencontrent des difficultés à pourvoir des postes. En Hongrie, le manque de bras dans le seul secteur de l'industrie est estimé entre 40.000 et 50.000 personnes.
"Il est impossible de mener des projets d'envergure sans travailleurs étrangers", explique Eva Toth, du syndicat hongrois de l'industrie chimique.
Pour la construction d'une usine de polyols à Tiszaujvaros, dans l'Est de la Hongrie, l'un des plus gros chantiers industriels du moment, MOL, la principale entreprise pétrolière et gazière hongroise, prévoit d'employer 2.500 travailleurs étrangers, soit 25% de l'effectif, au plus fort de l'activité.
Méfiance des syndicats
Selon le maire roumain Daniel Baluta, les quelque 500 Vietnamiens travaillant sur le chantier de son arrondissement touchent l'équivalent de 900 euros net par mois, soit un tiers de plus que le salaire moyen en Roumanie.
Mais le syndicaliste Dumitru Costin, responsable de l'une des principales confédérations du pays (BNS), fustige le "comportement abusif" de nombreux patrons envers les immigrés. Selon lui, les inspecteurs du travail ne peuvent vérifier si les "normes minimum de travail" sont respectées, vu l'impossibilité de communiquer directement avec les employés.
"Lorsqu'ils ont voyagé des milliers de kilomètres pour trouver un emploi, il est évident qu'ils vont obéir sans broncher et travailler des heures supplémentaires non payées pour ne pas être renvoyés dans leur pays", estime M. Costin.
Zoltan Laszlo, chef du syndicat de la métallurgie (VSZSZ), affirme que les salariés hongrois sont mis sous pression de leurs chefs qui leur "disent qu'on peut facilement les remplacer" par des Ukrainiens, des Mongols ou des Vietnamiens.
"Nous ne sommes pas contre l'embauche de travailleurs étrangers car autrement les entreprises n'auraient plus qu'à mettre la clef sous la porte, explique la syndicaliste hongroise Eva Toth, mais si les salariés locaux étaient mieux payés, ils ne quitteraient pas le pays".