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Image d'illustration de deux cochons lors d'un salon à Bangkok en mars 2021. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Intrigués par la façon dont certains animaux respirent par leurs intestins en cas d'urgence, des chercheurs de la Medical and Dental University de Tokyo ont prouvé que la même chose était possible, dans des conditions expérimentales, chez les souris, les rats et les cochons.
Selon leurs travaux, publiés dans la revue Med, cela pourrait aussi s'appliquer aux humains en état de détresse respiratoire, par exemple lors d'une pénurie de respirateurs, comme cela a été le cas durant la pandémie de COVID-19, ou lorsque ces machines ne se révèlent pas adaptées pour un patient.
La respiration implique en règle générale l'inspiration d'oxygène et l'expiration de dioxyde de carbone grâce à des poumons ou des branchies.
Mais des espèces ont développé d'autres mécanismes. Certains poissons, araignées, ou encore les concombres de mer, peuvent utiliser leur postérieur pour s'oxygéner afin de survivre dans des situations d'urgence.
Un phénomène désigné par l'acronyme anglais EVA, qu'on peut traduire par respiration entérique via l'anus.
"Le rectum a un maillage de fins vaisseaux sanguins juste sous la surface de sa paroi, ce qui signifie que les médicaments administrés par l'anus sont facilement absorbables dans la circulation sanguine", explique l'auteur principal de l'étude, Ryo Okabe. C'est sur ce principe que s'appuient les suppositoires.
L'équipe de scientifiques s'est donc demandé si l'oxygène pouvait être administré de la même façon.
Pour le démontrer, ils ont décidé de réaliser des expérimentations sur des souris, des cochons, et des rats en manque d'oxygène. Deux méthodes ont été testées : délivrer l'oxygène sous forme de gaz, ou en réalisant un lavement riche en oxygène.
"Idée provocante"
Les scientifiques ont dans le premier cas préparé les parois du rectum par des frottements, afin de causer une inflammation et augmenter le débit sanguin, ce qui améliore l'efficacité de l'acheminement de l'oxygène.
Toutefois, comme un tel traitement ne serait pas accepté chez les humains, ils ont également utilisé un liquide enrichi en oxygène, la perfluorodécaline, dont on sait qu'il ne présente pas de danger.
Résultat : l'oxygène délivré tant sous forme de gaz que de liquide a accru l'oxygénation, normalisé le comportement des animaux, et prolongé leur temps de vie.
Les chercheurs ont précisé que la petite proportion de liquide absorbée en même temps que l'oxygène n'avait causé aucun effet nocif et n'avait pas perturbé les bactéries intestinales, indiquant que la méthode était sûre.
À terme, ils espèrent prouver l'efficacité de la méthode chez les humains.
"Les patients en détresse respiratoire pourraient voir leurs besoins en oxygène fournis grâce à cette méthode pendant que leur maladie est soignée", a avancé l'un des co-auteurs, Takanori Takebe.
Dans un commentaire accompagnant l'étude, Caleb Kelly, de l'École de médecine de l'université de Yale, a souligné que cette technique devait être prise au sérieux.
"C'est une idée provocante et ceux qui la découvriront pour la première fois seront surpris", a-t-il concédé.
"Mais en considérant le rôle clinique qu'elle peut jouer et les données présentées (par cette étude), l'EVA émerge comme une thérapie prometteuse qui mérite l'intérêt de la communauté scientifique et médicale".