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Des vendeurs de vêtements dans le quartier historique de Merkato à Addis-Abeba, en Éthiopie, le 14 septembre. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Les vêtements pour femmes que cette vendeuse d'Addis Abeba importe de l'étranger sont devenus inaccessibles depuis que l'Éthiopie, deuxième pays le plus peuplé d'Afrique, a procédé en juillet à une douloureuse libéralisation de sa monnaie.
En moins de deux mois, le birr s'est effondré.
"Il n'y a plus de clients et le business tourne au ralenti", se plaint Mme Woldegebriel, 36 ans, propriétaire d'un magasin dans le tentaculaire marché du Merkato.
Comme de nombreux pays, notamment africains, l'Éthiopie était déjà confrontée ces dernières années à une très forte inflation (jusqu'à 30% en 2022 comparé à 2021), conséquence cumulée de la crise du COVID, du conflit en Ukraine, mais aussi d'une sévère sécheresse et de la guerre au Tigré.
Et pour les 120 millions d'Éthiopiens, la situation a empiré depuis le 30 juillet, lorsque les autorités de cette économie encore largement dirigée ont annoncé une réforme du birr.
Jusqu'à présent ultra-contrôlé, son taux peut désormais être fixé librement par les banques commerciales.
Immédiatement, la Commercial Bank of Ethiopia (CBE), principale institution financière du pays détenue par l'État, avait abaissé de 30% la valeur du birr face aux principales devises.
Depuis, la valeur de la monnaie éthiopienne n'a cessé de reculer (de 1 USD pour 55 birr avant la libéralisation, à 112 aujourd'hui à la CBE) et s'est rapprochée du taux du marché noir, très dynamique dans le pays d'Afrique de l'Est.
"Dur à avaler"
Les effets se sont vite faits sentir pour Medanit Woldegebriel, qui importe principalement ses vêtements de Turquie ou des Émirats arabes unis. "Cette robe qui coûtait 2.500 birr est désormais à 4.500. Ces chemises étaient vendues 1.500 birr, elles sont maintenant à 2.500", énumère-t-elle.
Des prix prohibitifs, dans un pays où 34,6% de la population vit sous le seuil de pauvreté (moins de 2,15 USD par jour), selon la Banque mondiale.
Tewodros Makonnen Gebrewolde, économiste spécialiste de l'Éthiopie pour l'International Growth Centre (IGC), institution basée à Londres, reconnaît que "la pilule est dure à avaler sur le court terme". Mais il estime que les effets seront bénéfiques sur le temps long.
"Les autorités ont promis un meilleur accès pour les entreprises aux devises étrangères, ce qui va leur permettre d'augmenter leur productivité et ainsi de pouvoir produire davantage", note-t-il.
Depuis des années, l'Éthiopie restreignait fortement l'accès des entreprises aux devises étrangères, en raison d'une pénurie structurelle liée à sa grande dépendance aux importations.
Des étals de pommes de terre dans le quartier historique de Merkato à Addis-Abeba, en Éthiopie, le 14 septembre. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Ces dernières (carburants, produits manufacturés, etc...) s'élevaient à 23 milliards d'USD en 2023, contre 11 milliards de revenus d'exportations (fleurs, thé, café...), selon des données de la Banque mondiale.
En conséquence, de nombreuses entreprises ne tournaient pas à plein ces dernières années, manquant de matières premières ou de machines importées.
Réforme "indispensable"
Décrivant cette réforme comme "indispensable" lors de son annonce, le Premier ministre Abiy Ahmed a, lui, insisté sur l'effet d'attractivité attendu pour l'économie éthiopienne, en levant "les contraintes sur l'investissement du secteur privé et la croissance".
Une autre conséquence attendue devrait être de dynamiser les exportations, grâce à une monnaie plus compétitive.
De plus, en raison des restrictions, une partie des exportations étaient détournées ces dernières années via des réseaux de contrebande, selon Tewodros Makonnen Gebrewolde.
"La libéralisation devrait les ramener vers les canaux officiels, ce qui signifie une augmentation des recettes", affirme l'économiste.
La réforme du change était attendue depuis de nombreuses années par les institutions internationales, FMI et Banque mondiale en tête, alors que les autorités éthiopiennes s'y sont longtemps refusées.
Quelques jours après cette annonce, le FMI a accordé un programme d'aides de 3,4 milliards d'USD sur quatre ans, suivi par la Banque mondiale (plan de financement de 1,5 milliard).
Mais les Éthiopiens sont encore loin de voir les fruits de ces réformes.
Abrish (le prénom a été changé) finit ses courses dans les venelles de Merkato : "Tous les produits sont plus chers qu'il y a plusieurs semaines", déplore ce fonctionnaire.
"Sans notre famille qui vit à l'étranger et qui peut nous envoyer des devises étrangères, nous ne pourrions pas survivre", dit-il.
AFP/VNA/CVN